Service client : les bons conseils d’Air France-KLM pour faire décoller un projet d’IA

Dans le cadre d’une stratégie « premium », la SVP Customer Service d’Air France-KLM, Stéphanie Charlaix-Meyer, partage ses bonnes pratiques pour faire décoller plusieurs projets d’IA dans le service client et les mener à bon port. Toujours en « augmentant » les conseillers au contact avec les clients, pas pour les remplacer.

Un rapport de Capgemini estime que 60 % des consommateurs estiment que le service client n’est pas qu’un support, mais qu’il est, au contraire, central dans l’image d’une marque. Ce constat est partagé par (seulement, diront certains) 50 % des cadres qui considèrent qu’il est effectivement une source davantage concurrentielle, et pas qu’un centre de coûts.

Stéphanie Charlaix-Meyer – la SVP Customer Service d’Air France-KLM – fait résolument partie de la moitié des dirigeants qui l’appréhende comme un atout stratégique. Et donc comme un service qu’il faut savoir transformer.

Une stratégie de « premiumisation »

« Le service client a un rôle clef dans le projet de “premiumisation” d’Air France-KLM », confirme Stéphanie Charlaix-Meyer à VivaTech. L’évolution est d’autant plus importante que 60 % des clients dans le monde et tous secteurs confondus disent être prêts à payer plus pour un service premium (un autre chiffre de Capgemini).

La stratégie de montée en gamme du « support » du groupe aérien trouve, paradoxalement, une de ses origines dans la pandémie, époque où la plupart des avions étaient cloués au sol.

« Nos clients attendaient plus de flexibilité de notre part, ils avaient besoin d’être rassurés », se souvient la SVP. « Et c’est ce que nous avons fait. Nous nous sommes adaptés et cela a été un vrai différenciant par rapport à nos concurrents ».

Depuis, le service client du groupe s’est réorganisé et s’est réoutillé.

Simple à faire sur le papier. Moins dans la réalité. Car 61 % des managers considéreraient en effet toujours que le service client n’est pas stratégique. Ce pourcentage devrait tomber à 22 % dans 3 ans, chiffre Capgemini.

Mais là encore, Air France-KLM n’a pas attendu pour lancer ce projet au long cours. La culture très orientée « client » du directeur général canadien d’Air France KLM, Benjamin Smith, a dû jouer en la faveur de cette vision.

Beaucoup de self-service, et des agents humains augmentés

La compagnie aérienne a mis en place une relation client en deux parties.

« Nous avons déployé plusieurs cas d’usage. Certains ne sont d’ailleurs pas de l’IA générative, car les “anciennes” formes d’IA conviennent très bien. »
Stéphanie Charlaix-MeyerSVP Customer Service d’Air France-KLM

La première, en « self-service » pour coller à l’air du temps et à la demande d’un public de plus en plus « digital native ». Et la seconde, donc, avec un support, assuré par des agents humains, qui doit prendre le relais en cas de besoin.

Ces conseillers sont toujours accessibles en direct, mais « 80 % des clients qui les contactent aujourd’hui passent d’abord par le libre-service », constate Stéphanie Charlaix-Meyer.

Ces conseillers subissaient une pression de plus en plus forte de la part de ces clients avec un haut degré d’exigence, qui leur soumettent, le plus souvent, des questions complexes, et qui attendent des réponses rapides.

Et c’est là que l’IA est entrée en piste.

« Nous avons déployé plusieurs cas d’usage de l’intelligence artificielle, dont certains ne sont d’ailleurs pas de l’IA générative, car les “anciennes” formes d’IA conviennent très bien », confie la SVP d’Air France KLM.

Mais Stéphanie Charlaix-Meyer insiste : l’IA accélère, facilite, améliore, optimise (et réduit les coûts, ajoute Capgemini). Elle ne peut, en revanche, en aucun cas remplacer un agent humain, encore moins dans une approche « premium ».

Trois cas d’usage de l’IA à fort impact dans la Relation Client

Parmi ces cas d’usage, plusieurs ont eu des retombées directes importantes.

Le premier concerne la synthèse des appels. « Avec cet outil, les échanges sont plus fluides lorsqu’un client rappelle. L’agent a un résumé des interactions à sa disposition », illustre la SVP.

Le deuxième est un moteur de recherche avancé dans la base de connaissances de la compagnie. Là encore, le but est « d’augmenter » l’agent humain avec un agent IA qui l’aide à trouver les documents pertinents, et dans ces documents les bonnes informations, pour répondre à la requête (complexe donc, puisque les outils en self-service comme les FAQ n’ont pas suffi) qui lui est faite.

L’IA permet également de router les demandes de manière plus précise, « elle détecte mieux les intentions », souligne Stéphanie Charlaix-Meyer.

Effet connexe, ces « augmentations » avec la technologie auraient réduit le taux de rotation (turnover) chez les agents humains (dont, selon Capgemini, seuls 16 % dans le monde se disent heureux de leur travail).

Le troisième cas d’usage à fort impact est la traduction automatique. Air France-KLM dessert 90 pays. « L’IA va nous permettre de traduire plus simplement et de réduire le volume de langues » avec pour conséquence positive de pouvoir également « plus centraliser les expertises », se félicite la SVP.

Pas d’IA en revanche « en contact direct » avec le client, ce qui évite le travers des hallucinations. Plus exactement, Air France et KLM ont déployé des bots (sur WhatsApp et Facebook) depuis plusieurs années, mais ils reposent sur des moteurs de règles et des techniques « traditionnelles » d’IA comme le NLP.

Les bons conseils d’Air France-KLM

Reste que mettre en place l’IA, même sur des cas bien précis et délimités, n’est pas du tout « plug and play » (sic).

D’une part parce que la moitié des entreprises ne sont pas organisées pour la déployer à l’échelle – selon l’étude de Capgemini. « En tout cas pour les premières implémentations, il faut bien avoir conscience que cela prend du temps à tout le monde », prévient Stéphanie Charlaix-Meyer. « Il faut par exemple impliquer le légal pour qu’il valide le projet, l’IT, etc. ».

« Il faut être clair sur les KPI. Parce que vous aurez à prouver que votre cas était pertinent au bout du compte. »
Stéphanie Charlaix-MeyerSVP Customer Service d’Air France-KLM

Ces premiers essais permettent en tout cas de monter en compétence et d’aller (un peu) plus vite pour les cas suivants.

D’autre part parce que les données sont, et restent, une pierre d’achoppement. « Ce sont les données qui alimentent l’IA. Si les data sont mauvaises, il n’y a rien de magique… vous n’aurez pas de résultat », avertit également la SVP. « Il faut anticiper ce travail en amont, sinon vous perdrez beaucoup de temps après ».

Enfin parce qu’un projet d’IA n’est jamais réellement terminé. Chez Air France-KLM, par exemple, les outils pour la traduction et pour la synthèse de savoirs sont remis à plat.

Dans le premier cas, plusieurs algorithmes seront sélectionnés (« certains sont meilleurs que d’autres dans certaines langues, comme le hollandais »). Dans le second, un nouvel algorithme va également être choisi et les fichiers qui nourrissent la base documentaire seront retravaillés (« par exemple pour les images et les schémas qui ne sont pas bien compris par les IA »).

D’un point de vue organisationnel, Stéphanie Charlaix-Meyer conseille également « d’être clair sur les KPI ». « Parce que vous aurez à prouver que votre cas était pertinent au bout du compte », conclut-elle.

Et chez Air France – KLM, quels ont été les ROIs justement ? « Ce ne sont pas des investissements énormes [à notre échelle], donc le payback a été rapide, nous voyons déjà les retombées [des IA] », répond la responsable, sans en dire plus. Non par manque de KPI, mais par souci de confidentialité dans un secteur aérien plus concurrentiel que jamais.

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