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Transformation digitale : AccorHotels veut garder ses silos d'informations

Face à la concurrence d’Airbnb et consort, le 6ème groupe hôtelier mondial parvient à unifier l’expérience clients entre ses 4 000 établissements. Sans pour autant casser les silos qui fragmentent son SI global.

A chacun sa technique pour contrer l’Uberisation de son marché. Erwan Vezin, le vice-président en charge de l’architecture d’entreprise chez AccorHotels, a une approche de la transformation digitale contradictoire avec les discours habituels. Alors que les cabinets d’experts et les fournisseurs assènent qu’il faut uniformiser l’IT et les données de tous les métiers pour mieux innover, lui estime au contraire qu’il faut conserver les silos qui fragmentent son IT depuis toujours.

« Je veux que nos infrastructures en silos restent en silos. Il n’est tout simplement pas rentable d’aller dire au patron du client, au patron de la réservation, au patron de l’e-commerce de ne plus gérer leurs business comme ils l’entendent au prétexte d’uniformiser tout le monde autour d’un système sur lequel ils doivent tout réinventer. Selon moi, pour réussir une transformation digitale, il faut au contraire renforcer ses bases » dit cet ancien d’Accenture qui a passé dix ans à chapeauter les transformations IT des banques.

Ne pas perturber le fonctionnement éprouvé des métiers en maintenant des systèmes de stockage, de bases de données, de serveurs applicatifs propres à chaque direction est, selon lui, la clé pour que son groupe - implanté dans 95 pays avec un parc de 4100 hôtels - résiste à la concurrence galopante des Airbnb et autres nouvelles startups numériques qui s’emparent des activités hôtelières.

« Dans un tel contexte, il serait irresponsable de transformer notre IT en Mikado géant où tout serait susceptible de s’effondrer à chaque fois que l’on touche à quelque chose ».

Un ESB pour rendre homogènes des silos indépendants

Problème, à l’heure des portails et des applications mobiles transverses, censés faciliter le parcours client au travers de toutes les entités du groupe AccorHotel, il n’est pas non plus question de multiplier les investissements pour réécrire du code à chaque mise à jour dans chacun des silos d’infrastructure.

« Mon rôle d’architecte est justement d’apporter de la cohérence entre les applications et les bases de données des métiers pour améliorer nos systèmes selon les nouveaux standards de l’expérience utilisateurs, que ces utilisateurs soient nos clients ou nos hôteliers. Pour que la donnée soit fournie de manière homogène d’un bout à l’autre du SI sans devoir tout reconstruire, nous coordonnons donc l’existant avec une plateforme d’ESB (Enterprise Service Bus, une solution dite intergicielle) qui gère les messages et les services entre les silos et qui expose des services métiers uniformes, sur lesquels les développeurs n’ont plus qu’à brancher et débrancher leurs applications frontales », résume Erwan Vezin.

Il cite en exemple la fonction toute simple d’envoi d’un e-mail à un client en cas de problème sur une réservation, processus qui évolue régulièrement selon des contraintes réglementaires mais qui peut très bien être le même pour chaque entité du groupe.

AccorHotels utilise pour ce faire la solution BusinessWorks 5 de Tibco, un ESB choisi il y a trois ans par le groupe pour ses références éprouvées chez d’autres grandes entreprises françaises (Air France, PMU, etc.).

« Des systèmes issus des projets Open Source, comme Apache Kafka, ont été évalués. Mais ils se sont avérés trop légers pour supporter la quantité de connexions à réaliser en temps réel entre les dizaines de milliers de nos serveurs répartis dans le monde. De plus, la richesse des modules d’intégration de BusinessWorks 5 nous rendait plus sereins », assure-t-il.

En pratique, quatre instances de BusinessWorks installées dans deux datacenters en France assurent les connexions avec l’ensemble du SI réparti dans le monde entier. « Nous avons effectué des tests de charge et d’incidents, en coupant aléatoirement certaines instances et l’ensemble s’est avéré parfaitement stable. Aucun utilisateur ne s’est rendu compte d’un ralentissement alors que tous les services qu’ils utilisent passaient déjà par l’ESB

Définir des standards pour élaborer un catalogue de services

Erwan Vezin s’empresse cependant de dire que le choix du bon logiciel n’est qu’une partie infime du travail à fournir quand on déploie un ESB.

Son équipe a quatre missions :

1/ Réaliser des cartographies fonctionnelles, applicatives et techniques du SI pour savoir comment tout rendre homogène d’un bout à l’autre.

La difficulté pour un groupe international comme AccorHotels et qu’il faut en permanence suivre les évolutions des infrastructures réparties dans le monde entier ;

2/ Définir (d’un point de vue logique) des patterns standards pour accéder aux services métiers grâce à la cartographie précédente ; ces patterns doivent même permettre d’intégrer automatiquement aux applications frontales les fonctions des nouvelles infrastructures.

La complexité résidant ici dans la bonne intégration des flux aux services, la définition des patterns peut prendre de quelques jours à plusieurs mois.

3/ Configurer un catalogue de services d’après les patterns précédents dans Tibco BusinessWorks puis l’exposer via le module d’API Management et les fonctions d’ETL (moulinettes qui convertissent les données à la volée entre les applications métiers, qu’elles soient, ici, en Java ou en .Net) de la plateforme.

D’après Erwan Vezin, la complexité de cette implémentation est anecdotique. Il s’agit de décrire pour chaque flux à quels services successifs se connecter pour récupérer des données de telle ou telle manière, voire à quel service se connecter en cas d’erreur, d’agréger les informations et de les envoyer sous la forme d’un objet à un certain format.

« A titre d’exemple, ce catalogue de services permet à tout hôtelier, quelle que soit la marque dont il dépend, d’envoyer automatiquement un e-mail à un client en cas de problème sur une réservation, alors qu’auparavant, chaque domaine devait développer et maintenir une application d’envoi d’e-mails propre à son silo technique ». A date, une quarantaine de services sont disponibles ;

4/ faire de l’assistance de projets en évaluant quels patterns, quels principes de fonctionnement, quelles solutions de références ont du sens pour répondre à chaque nouveau besoin métier.

Erwan Vezin indique que cette partie est un cercle vertueux qui renforce la collaboration des métiers et de la DSI, les premiers devenant plus réactifs dans leurs domaines en étant mieux épaulés et la seconde ayant une meilleure idée des projets en cours pour travailler en avance de phase.

De l’agilité, des pics d’activité et de d’intégration avec l’écosystème en plus

Le premier bénéfice que tire AccorHotels de cette architecture est de pouvoir mieux gérer les ressources humaines de la DSI.

Le groupe est ainsi en train de réorganiser ses équipes de développeurs sur un plateau où des personnels seront toujours disponibles pour implémenter tel ou tel projet métier, alors que chacun était auparavant affecté à un silo technique particulier. « Il devient possible de faire évoluer les applications frontales en à peine quelques semaines. Il nous fallait auparavant 6 mois ou un an pour demander aux équipes en charge d’un domaine de mobiliser certains de leurs développeurs et d’adapter leur infrastructure à une nouvelle application frontale. Nous sommes désormais dans une dynamique agile ».

L’ESB permet aussi à AccorHotels de mieux supporter les pics d’activité sans investir dans l’infrastructure.

Auparavant, chaque domaine dupliquait les données d’un autre domaine sur ses propres serveurs afin de pouvoir les exploiter (par exemple les adresses e-mail des clients), ce qui demandait d’acheter régulièrement de nouveaux équipements. Désormais, il peut les exploiter à la source grâce à la connexion de l’ESB.

« Le dispositif va même plus loin en réduisant les requêtes sur notre référentiel client, le plus sollicité de nos systèmes. En effet, lorsque plusieurs domaines veulent accéder à une information, l’ESB ne la lit qu’une fois et la conserve en mémoire pour les requêtes suivantes. J’estime que nous pouvons en moyenne réduire ainsi de 50% les sollicitations sur notre référentiel client », analyse Erwan Vezin.

Enfin, l’ESB ouvre le SI d’AccorHotels à d’autres infrastructures. « Passer par les moyens d’intégration de BusinessWorks nous a ainsi permis de réduire considérablement les efforts d’administration système pour connecter les SI des marques de luxe Fairmont, Raffles et Swissôtel - que nous avons rachetées fin 2015 - au nôtre. Au quotidien, l’ESB apporte de la même manière aux métiers une plus grande capacité de travailler avec des partenaires commerciaux ».

A terme, cette plateforme devrait même permettre à AccorHotels « de migrer facilement vers le Cloud ».

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