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Pourquoi l’ESB n’est pas encore enterré

Les cabinets d’analystes Gartner et Ovum ne croient pas en la mort de l’ESB. Si certes l’iPaas démocratise le domaine de l’intégration, il ne rivalise pas encore en termes fonctionnels dans des SI complexes.

Si l’on écoute nombre d’experts de l’industrie, l’ESB (Enterprise Service Bus), emblème de l’intégration applicative, serait déjà mort et enterré. Ce n’est pas une évidence pour les cabinets d’analystes Gartner et Ovum, pour qui le bus d’entreprise, celui qui centralise et sert de point de raccordement aux applications, a encore un avenir dans les SI toujours plus complexes et enchevêtrés.

Roy Schulte, vice-président de Gartner, a inventé le terme bus de service d'entreprise (ESB) en 2002. Schématiquement, il s’agissait de donner une alternative aux outils d’intégration spécifiques, de type point à point par exemple, face à la montée en puissance des architectures hétérogènes. L’ESB devait donc faire office de hub sur lequel se raccordaient les applications nécessitant d’avoir une interaction avec d’autres, mais dont les protocoles ou formats n’avaient rien de commun. Deux ans plus tard, certains experts IT l'avaient déjà déclaré mort. Le parcours de l’ESB est donc semé d’embuches depuis ses origines.

Aujourd’hui, les ventes de solutions ESB stagnent, car la technologie et l’approche de hub se voient  remplacées par le middleware dans le cloud, où le couplage est le plus lâche, à savoir iPaaS (intégration-Platform-as-a-Service) et MWaaS (Middleware-as-a-service), explique Elizabeth Golluscio, analyste chez Gartner.

Mais les entreprises n'abandonnent pas pour autant l’ESB  à tort et à travers. La technologie répond encore et toujours à des besoins que les nouvelles technologies ne peuvent pas satisfaire. Et surtout, on a constaté qu'il était difficile de rompre avec cette approche de middleware monolithique reposant sur l’ESB.

Le marché du middleware devrait culminer à 30 milliards de dollars en 2018, mais l’iPaaS et le MWaaS ne représenteront finalement qu'une partie de ce marché, en dépit d’un taux de croissance à deux chiffres. La plupart des dépenses en middleware seront donc consacrées à la maintenance et à la mise à niveau des infrastructures ESB et SOA. Une des raisons ? Les grandes entreprises continuent plus que jamais de réaliser des intégrations complexes que l’iPaaS ne peut pas gérer, commente à son tour Saurabh Sharma, analyste principal chez Ovum, pointant du doigt les processus d'intégration hybrides où sont manipulés de grand volume de données.

L’ESB est plus adapté aux communications asynchrones, au messaging de type pub/sub (publish / subscribe) et les files d'attente de messages (message queue), ajoute Elizabeth Golluscio de Gartner. « En ce qui concerne l’intégration ou la gestion des événements, ce modèle de messaging est encore devant les outils d’iPaaS. ». Mais, les fournisseurs d'iPaaS ont affuté leur technologie en associant des outils d’intégration classiques à la gestion des API et au monitoring d'événements. Du côté de l’open source et du messaging, Confluent et Kafka sont en plein essor, poursuit-elle.

Toutefois, malgré tous les avantages des ESB sur site, leurs fonctions principales vont inévitablement se retrouver dans le cloud.  Ce n'est cependant pas simple. « Il est très difficile de s'éloigner d’un ESB qui, littéralement, a établi de nombreuses connexions à tous les systèmes critiques dans une entreprise », rappelle l’analyste de Gartner.

La gestion du changement et la nécessité d’un consensus entre les métiers et l’IT finissent aussi par ralentir l'adoption de MWaaS, croit savoir de son côté Saurabh Sharma. Les deux analystes affirment qu'une pénurie d'expertise dans le domaine de l’ESB constitue aussi un obstacle.

Pour casser l’approche monolithique de l’ESB, certaines équipes IT ont décidé d’adopter une approche par étapes et d’utiliser des middlewares cloud pour leurs seuls nouveaux projets d'intégration, souligne Ovum. Les workloads d'intégration qui s'exécutent sur site migrent progressivement vers l’iPaaS, et les développeurs placeront les fonctionnalités d'ESB dans des microservices.

Dans de nombreux cas, l’IT ajoute un iPaaS et un outil de gestion des API à son infrastructure d'intégration, commente Elizabeth Golluscio. Ils commencent avec un système qui se repose sur un ESB, utilisent un ETL (Extract-Transfer-Load) pour l'intégration des données, puis migrent vers un iPaaS et se dotent d’un outil de gestion des API.

Réduire sa dépendance aux ESB historiques et en place est certes difficile, mais cela porte ses fruits, notamment en matière de coûts et de RH.  « Auparavant on racontait que le marché du middleware ESB était élitiste ; seules certaines entreprises avaient l'argent et les ressources nécessaires pour en acheter », se rappelle l’analyste Gartner.

Mais la facilité d'utilisation et le paiement à l'usage de l’iPaaS attirent désormais les entreprises qui manquent d'expertise en interne ou d'argent pour mettre en place un ESB « à l’ancienne ». Ces outils cloud ne nécessitent pas de disposer d’une armée de scientifiques pour les utiliser, affirme-t-elle. Et de conclure : « La démocratisation des technologies d'entreprise a enfin atteint le domaine de l’intégration. »

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