Entretien avec Bassem Bouzid, directeur Entreprise Services de HP France

La rédaction du MagIT s’est récemment entretenu avec le nouveau patron des services aux entreprises chez HP France. Dans cet entretien, il aborde son parcours, sa mission de transformation en France, le marché des services dans l’Hexagone et de l’impact du vaste plan de restructuration du groupe sur les services chez HP France.

La rédaction du MagIT s’est récemment entretenue avec le nouveau patron des services aux entreprises chez HP France. Dans cet entretien, il aborde son parcours, sa mission de transformation en France, le marché des services dans l’Hexagone et de l’impact du vaste plan de restructuration du groupe sur les services chez HP France.

 

« Transformer le positionnement de HP en France »

 

LeMagIT :  Vous venez de prendre les rênes des activités services aux entreprises chez HP France. Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Bassem Bouzid : J’ai démarré dans l’informatique en 1990, J’ai rejoint tout de suite une activité de services, au départ chez Alcatel, où j’ai dirigé une activité de conseil pour les banques et les assurances permettant de vendre tout le portefeuille d’Alcatel. J’ai ensuite été embauché par IBM en 1996, à l’époque où le groupe opérait une mutation vers une activité de services - le démarrage d’IBM Global Services. Une période marquée par d’importants projets SAP. J’ai rejoint le QG d’IBM à Paris et je suis parti au Moyen-Orient à Dubaï, où IBM, après s’être retiré du Moyen-Orient suite à la première guerre du Golfe, a voulu revenir sur les services. J’ai fait partie de la première équipe qui a ré-implanté IBM au Moyen-Orient. […] J’ai mené ensuite une activité de développement d’offres chez IBM. A la fin des années 90, c’était l’époque des grands contrats d’outsourcing. On gérait des grands dossiers de 1 à 2 milliards. IBM avait une activité de deal-makers, et on souhaitait développer cette activité, de façon plus industrialisée.

J’ai développé l’organisation outsourcing chez IBM en Europe, en définissant les processus et les méthodes dont nous avions besoin, pour pouvoir passer d’une activité qui faisait 6 milliards à l’époque au triple en une période de trois ans. J’ai rejoint ensuite les équipes qui travaillaient sur les très gros dossiers. En France, des dossiers comme l’outsourcing d’Axa et de BNP Paribas (via la joint-venture BP2I). C’était en parallèle l’époque où HP venait de racheter Compaq et était en cours d’intégration. Il concurrençait de plus en plus IBM. Chez IBM, on était positionné comme le seul acteur capable de faire une transformation de bout-en-bout, de part les activités constructeurs, logiciels et services. On avait Accenture comme concurrent. Et nous n’avons pas vu arriver HP, qui avec le rachat de Compaq avait également repris les activités de services - lui-même avec le rachat de Digital. Il affichait des ambitions sur de très gros dossiers. En quelques semaines, on a perdu les projets Procter & Gamble, Ericsson, Banque d’Irlande.

HP souhaitait également développer son activités, avec la même ambition de mutation, du constructeur vers les services. J’ai pris la direction du business européen chez HP. Pendant trois ans, on a développé le portefeuille d’offres de services au niveau européen. J’ai ensuite pris la direction des ventes sur les secteurs de l’énergie, de la distribution et des transports. […]. On a transformé ce secteur, qui était essentiellement centré sur la vente de matériels vers des offres récurrentes - BPO, Outsourcing. On a fait une transformation de fond sur ces secteurs. En l’espace de trois ans, on a inversé les proportions tout en augmentant le chiffre d’affaires.

En 2010, j’ai repris l’activité services au Moyen-Orient après le rachat d’EDS […]. Il s’agissait de couvrir tout le Moyen-Orient, la Grèce, la Turquie, les pays du Golfe et toute l’Afrique. Un important périmètre géographique avec plus de 70 pays, deux joint-ventures, trois centres de développement offshore dans la région, etc… Il fallait finir l’intégration d’autant que nous avions racheté une petite structure, Atos Origin Middle-East. J’ai finalisé cette intégration, restructuré l’organisation au Moyen-Orient, et re-positionné l’activité sur des offres à valeur ajoutée, comparées à des offres où les acteurs indiens locaux étaient mieux positionnés que nous, avec une structure de coûts plus basse. Nous avons également développé nos activités en Afrique. Au Moyen-Orient, on a développé notre présence BPO sur des moyens de paiements au niveau des banques centrales et d’outsourcing dans les datacenters.
Fin 2013, on m’a demandé de reprendre la France.

LeMagIT : Vous avez un profil très fortement orienté sur la transformation et la structuration. Quelle est donc votre mission en France ?

Bassem Bouzid : La mission qu’on m’a confiée est liée à de la croissance dans un premier temps. C’est la priorité n°1. Il s’agit également de transformer le positionnement de HP en France car on a un déficit d’image au niveau des services. HP est d’abord perçu comme un constructeur. On le connait bien sur le partie impression, PC et sur la partie serveurs. Nous sommes très bien positionnés sur ces segments, avec des parts de marché importantes. En revanche, on est très peu connu dans les services. On n’a pas une présence reconnue. Ma mission est de changer cette perception. Les services chez HP représentent un quart du chiffre d’affaires dans le monde et la moitié des effectifs. C’est également l’activité qui permet de tirer le reste de l’offre de HP. Nous sommes positionnés n°1 ou n°2 sur chacun des segments. Les services tirent ces offres sur des contrats d’outsourcing importants. Donc croissance, transformation et développement de l’image de HP comme intégrateur, outsourceur et comme une société de services sur le marché français.

A l’inverse d’IBM, positionné sur le conseil, nous proposons des services autour de l’infrastructure, du datacenter. On signe des partenariats avec Accenture et différents acteurs, pour monter dans la partie métier. On n’a pas vocation à conseiller les clients sur leur métier. […] Une fois qu’ils ont bien défini leur priorité métier, nous faisons la liaison avec la transformation IT nécessaire pour supporter leurs objectifs métiers.

LeMagIT : Quelle est la part des services chez HP France ?

Bassem Bouzid : Le poids de l’activité Services est très important. Je ne peux pas donner de chiffres. Il faut le mesurer sous deux angles : le chiffre d’affaires pur, mais aussi, on vend des services pour vendre de la technologie. Quand on regarde tout ce qui est tiré par les services, l’activité Services en France est fondamentale pour HP. On gère une activité BPO de type CRM pour certains clients qui nous permet de nous positionner au second rang en France. Une autre autour de l’infogérance et consolidation de datacenter. On investit également sur toutes les activités cloud. […]

Les services se répartissent dans trois offres : ITO (IT Infrastructure Outsourcing), ABS (Application Business Services) et une offre BPO. Dans la première, on retrouve l’activité Cloud, celle liée au Datacenter Outsourcing, et d’autres liées à la sécurité. Dans la seconde, nous trouvons des projets de déploiement de type SAP - Hana, intégration SAP et d’ERP en général, une activités de modernisation applicative, de testing. Nous ne sommes pas positionnés sur le « body shopping ». Ce sont des offres horizontales. Au niveau vertical, sur les secteurs d’activités télécoms, énergie, finance, on développe des compétences pour réaliser cette intégration. […]

En matière de Cloud, il y a plusieurs façons d’acheter pour les clients. On a investi sur le Virtual Private Cloud, hébergé dans nos datacenters à Grenoble. On a été les premiers à investir massivement sur cette activité-là en France. Depuis Grenoble, on sert également d’autres clients européens.

LeMagIT :  Les services autour du cloud sont donc le domaine le plus actif en France ?

Bassem Bouzid : Le Cloud représente une bonne partie de notre activité. Sur cette partie, nous proposons des éléments différenciants majeurs, en matière de technologies, de logiciels et de services. Beaucoup de clients achètent nos serveurs cloud, nos couches logicielles d’intégration et de gestion. Le marché français est en avance par rapport à d’autres pays en Europe sur ces activités de type cloud. La sécurité est également un marché porteur. Pour mettre des applications dans le cloud, il faut les entourer d’une couche sécurité. Le Big Data ne fait que démarrer. On en parle beaucoup, mais en terme de chiffre d’affaires liés à de vrais projets, on sent un frémissement et une accélération depuis trois mois sur le marché. Nous avons les premières références SAP - Hana et nous avons également notre propre offre [avec Vertica, notamment et la plate-forme Haven, NDLR].

LeMagIT : Les entreprises françaises ont-elles besoin d’accompagnement lorsqu’on aborde par exemple la thématique du Big Data ?

Bassem Bouzid : Le besoin d’accompagnement est bien réel. Nous avons beaucoup de demandes qui veulent avancer sur cette activité-là. Mais encore une fois, ce marché est en démarrage et pas établi. On accompagne des clients dans leur réflexion, dans la mise en oeuvre et la simplification, mais ce n’est pas une activité qui est lourde en France.

LeMagIT : Et le conseil ?

Bassem Bouzid : L’activité conseil est en fort développement. Aujourd’hui, cela pèse pour un quart du chiffre d’affaires services. Parce qu’on a la technologie et la compétence autour du logiciel, qui mieux que HP peut intégrer du HP. On a développé cette activité de conseil pour pouvoir accompagner nos clients vers la mise en oeuvre.

Sur la partie Services Big Data , on a plusieurs typologies de clients. Certains se disent "j’ai un trésor caché inutilisé", ils font appel à nous pour les conseiller sur le type de solutions à déployer et la valeur qui peut être tirée de ces informations. D’autres, pour des raisons réglementaires, doivent gérer des volumes de données très importants, comme les opérateurs télécoms, et pouvoir exploiter ces informations de façon dynamique.

LeMagIT : Les SSII indiennes ciblent de plus en plus le marché en France. Comment considérez-vous leur arrivée ?

Bassem Bouzid : On constate qu’elles ont du mal à percer dans le Top 10 en France, où il n’y a  pas d’acteurs indiens. Elles ne sont pas sur le même type de projets. Ensuite le marché se fragmente énormément, et on a pléthore d’acteurs en France. On trouve beaucoup de petites sociétés de services locales qui sont plus implantées et apportent une valeur aux clients. Les sociétés indiennes sont davantage en concurrence avec les petites SSII. Avant de confier des projets applicatifs gérés depuis l’Inde ou via du offshore, les clients travaillent plus avec des sociétés locales qui leur donnent une offre au niveau prix qui leur convient. HP n’est pas sur la partie basse du marché ni sur la partie haute. Notre positionnement est vraiment sur l’accompagnement des clients, dans la mise en oeuvre, ou dans l’opération, de leur infrastructure. Nous avons nous-mêmes des centres nearshore - offshore, au Maroc et en Tunisie qui nous permettent depuis le même fuseau horaire, avec un support en français, d’offrir une complément de services et une activité à bas coûts, pour répondre à ce type de projets.

LeMagIT : Meg Whitman a initié un vaste programme de re-positionnement du groupe, qui passe notamment par la suppression de postes dans le monde. La division services en France est-elle impactée ?

Bassem Bouzid : Il y a des mouvements de fonds auxquels on ne peut pas résister. Il faut en tenir compte et se transformer. Au niveau global, avec l’arrivée de nouvelles offres en matière de sécurité et de Big Data, ce qui n’existait il y a quelques années, on a besoin de compétences différentes et de compétences locales. En revanche, les activités de type monitoring d’infrastructure, on peut le faire depuis la France, depuis l’Inde, depuis le Maroc, depuis n’importe où. Les clients cherchent le meilleur rapport qualité - prix sur ce type d’activité-là.

Au niveau de l’entreprise HP, on a regardé le marché. On constate qu’il y a le « New style of IT ». Plutôt que d’acheter des infrastructures et de les mettre en place eux-mêmes en tant qu’intégrateurs, les clients deviennent davantage des opérateurs avec le support de partenaires comme HP. Ils consomment de l’énergie informatique pour subvenir à leurs besoins métiers. Dans ce contexte-là, on a besoin d’ajuster notre structure de coût de manière continue. Les plans de re-structuration qui ont été annoncés dans le monde ont été déployés au niveau des différents pays. Pour la France, plusieurs éléments importants : nous sommes sur un marché où nous avons un développement très fort. Nous ne sommes pas dans une logique de décroissance, mais de croissance. On a annoncé publiquement qu’il n’y aurait pas de plan social. Dans d’autres pays européens, il y aura effectivement des réductions d’effectifs très importantes. 

En France, on n’a pas pris ce type de décision parce qu’on est sur un marché porteur et qu’on pense qu’on peut viser une part de marché beaucoup plus importante. Nous sommes impactés parce qu’on doit se re-positionner en terme de structure de coûts, en termes de compétences pour accompagner nos collaborateurs en formation et être positionné sur de bonnes offres. Si je suis en concurrence directe avec Wipro et HCL, je ne sais pas aujourd’hui me différencier. En revanche, si je suis sur des activités où nous disposons d’un compétence technologique importante, notre élément de différentiation devient très fort. Sur des projets où la dimension internationale est importante, aujourd’hui on a très peu de concurrents capables de fournir des services au même niveau depuis le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Asie et les US.

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