Inservio, un essai avorté de mutualisation de l’informatique entre Macif et Maif ?

Où va Inservio ? Créée en 2004 par les assureurs mutualistes Macif et Maif, cette SSII faisait craindre aux syndicats qu’elle ne soit un outil de « mutualisation » des ressources informatiques. Ce qu’elle revendiquait d’ailleurs dans son dossier de presse de 2007. Aujourd’hui, cette perspective semble, officiellement, très lointaine et, surtout, hors du périmètre de Sferen, la société commune récemment créée par la Macif, la Maif et la Matmut. Mais Inservio n’en continue pas moins d’interpeller les syndicats.

A sa création, la SSII Inservio, commune à la Macif et à la Maif, a fait craindre le pire aux syndicats. En particulier, une mutualisation lourde des ressources informatiques des deux assureurs. Aujourd’hui, malgré la création de la Sgam (société de groupe d'assurance mutuelle) Sferen, cette perspective serait écartée. Roger Iseli, président du conseil de surveillance d’Inservio et directeur général de la Macif, l’assure : « c’est hors de propos ; l’informatique n’est pas concernée par Sferen ; à la Macif, la taille critique est atteinte depuis longtemps. » Inservio est une SSII née en 2004 et spécialisée sur le secteur de l’assurance et de la banque. En sont actionnaires la Macif, à 63 %, la Maif, à 27 %, et MCA Conseil, une holding dirigée par Nacer Mechri, président du directoire d’Inservio et membre de son conseil de surveillance. A la création de la SSII, Gérard Andreck, président du groupe Macif – et premier président du conseil de surveillance d’Inservio ; Roger Iseli, ancien DSI de l’assureur lui a, depuis, succédé à cette fonction –, expliquait vouloir y « conjuguer esprit d’entreprise et respect de l’humain. »

La Macif prête à prendre un peu de distance

Avec pour objectif de mutualiser les moyens des deux actionnaires principaux. Du moins peut-on légitimement l'imaginer : le dossier de presse d’Inservio de juin 2007 indiquait qu’il s’agit « d’un véritable pôle de service permettant de mutualiser les moyens et de réduire de manière visible les coûts. » Mais, aujourd'hui, Roger Iseli réfute cette logique : « il n’était pas question de mettre en commun des moyens, mais de créer une structure techniquement spécialisée sur le domaine de l’assurance et de la banque. Cela correspondait à la fois à un besoin interne et à un besoin externe. » En outre, pour lui, « il est inexact de penser que l’on voulait faire des économies ; on voulait créer un acteur informatique pertinent. Et s’il y a réduction des coûts, c’est par l’amélioration de l’efficacité et par la pertinence. »

Offshore en Afrique du Nord ?
La SSII Inservio a-t-elle ou non délocalisé en Tunisie des développements pour des clients français ? Nacer Mechri, le président du directoire, assure que la filiale tunisienne d’Inservio n’a mobilisé ses 4 collaborateurs que dans le cadre « de partenariats locaux avec des mutuelles » implantées localement. Mais selon les syndicats de la Maif, « il y a bien eu offshore car des développements pour la société Card ont été effectués dans cette filiale alors qu’ils auraient pu être effectués au centre de services d’Inservio. » Inservio est entrée au capital de l'éditeur Card à hauteur de 49 % en février 2008, dans le cadre d’un partenariat visant à moderniser les logiciels de cet éditeur. Un « partenariat » aujourd’hui en situation délicate : en octobre 2009, Card convoquait Inservio à une assemblée générale extraordinaire visant notamment à l’exclure en tant qu’associé. Une procédure d’arbitrage est en cours ; Nacer Mechri souligne qu’Inservio a exprimé sa volonté de poursuivre le partenariat. Jointe par téléphone, la direction de Card n’a pas souhaité s’exprimer.
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Nacer Mechri insiste sur l’ambition de créer, avec Inservio, un « centre de profit. » Et, si 60 % du chiffre d’affaires – 12,9 M€ en 2008 et, selon nos informations, 14 M€ en 2009 – est, selon lui, apporté par des entreprises extérieures à l’actionnariat de la SSII, 40 % viennent donc des deux assureurs mutualistes. Pour Nacer Mechri, Inservio n’est que le « second prestataire de la Macif » et est « référencé dans de grands groupes comme la BNP, la Société Générale, HSBC, la Maaf, la GMF, etc. »

Même discours de prise de distance chez Roger Iseli. Selon lui, Inservio est plus qu’une SSII commune à la Macif et à la Maif, mais « un outil de coopération parmi d’autres […] dont le tour de table n’est pas cadenassé. » D’ailleurs, selon lui, « la Macif n’a pas vocation à rester longtemps actionnaire majoritaire. »

Croissance externe et diversification

Une stratégie que tendent à confirmer certaines opérations plus ou moins récentes. En 2009, Inservio a réalisé deux opérations de croissance externe, en reprenant l’activité ingénierie de la petite SSII Aulden, créée en 1996 par une ancienne d’Altran et spécialisée sur le secteur de la banque et des services financiers, ainsi qu’Alsee, une petite SSII de Chauray, dans les Deux-Sèvres.

Mais elle s’est également « associée » - pour reprendre les termes de l’Agefi – à Capa Conseil, une « agence d’analyse sur les marchés de l’assurance et de l’épargne, […] pour proposer une offre globale de formation, de conseil en organisation, de développement technologique et de veille stratégique. » Selon nos confrères de l’Argus de la Finance, Capa Conseil a été créé en 1997 pour « reprendre les activités commerciales de l’association Capa, alourdie d’un important passif. » Une association qui recevait des cotisations des assureurs pour financer ses activités – notamment des études visant à améliorer la performance des assureurs ; ce qui lui a valu des contrôles fiscaux concluant à la nature plus commerciale qu’associative de ses activités, toujours selon nos confrères. Capa Conseil a été placé en redressement judiciaire en 2006, alors que son conseil de surveillance était présidé par Gérard Andreck, actuel président du groupe Macif. En 2007, Inservio mentionnait Capa Conseil parmi ses actionnaires, à hauteur de 5 % de son capital.

Pour Nacer Mechri, il s’agissait de « prendre une licence à Capa Conseil pour commercialiser ses anciens outils » et développer une activité de « veille et de formation à côté de l’activité IT pure. » Bref, compléter une offre de maîtrise d’œuvre par une offre destinée aux maîtrises d’ouvrage sous le nom d’Inservio Conseil.

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Quid des valeurs mutualistes ?

Début février, une manifestation mobilisait une petite vingtaine de personnes devant le site d'Inservio à La Rochelle. Alexandre Oblet, délégué syndical CFDT, indiquait alors à nos confrères de Sud Ouest demander « des mesures d'accompagnement dignes de ce nom » dans le cadre de la fermeture programmée de ce site ; les emplois devant être transférés à Niort. Nacer Mechri, président du directoire d'Inservio, indique avoir engagé des négociations pour régler le cas « des 9 personnes auxquelles ce transfert pose problème. » Selon lui, des accords auraient déjà été trouvés pour 8 collaborateurs.

Mais, plus tôt, en mars 2009, les syndicats de la Maif évoquaient « la mauvaise image de la société Inservio sur le bassin niortais. » Et, en avril 2009, la direction d’Inservio a reçu une alerte de la part de la direction départementale de l’inspection du travail de Charente Maritime, sur le respect de certaines dispositions légales et conventionnelles. Interrogé sur ces éléments, Roger Iseli, président du conseil de surveillance d’Inservio et directeur général de la Macif, insiste sur sa « vigilance », en tant que « dirigeant mutualiste ». En mars 2009, les syndicats de la Maif dénonçaient aussi la « précarisation » de l’emploi chez Inservio, avec un large recours aux CDD et un turnover important, selon eux. Là encore, Roger Iseli renvoie à certaines valeurs : pour lui, là où certains parlent de précarité, il faut voir un « objectif politique » visant mettre le pied à l’étrier à « des jeunes qui, même avec une qualification, ont du mal à trouver un premier emploi. » D’où le recours aux contrats de professionnalisation, des CDD, ainsi qu'un important budget formation, selon Nacer Mechri - « 6 % de la masse salariale l'an dernier ».

Reste les dossiers en cours aux Prud'hommes. Roger Iseli souligne qu’Inservio a fait l’objet de « 9 dossiers aux Prud’hommes en 3 ans, aucun n’a été perdu jusqu’ici. » En décembre dernier, Inservio a toutefois été condamné en première instance par le Conseil des Prud’hommes de La Rochelle pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse » dans le cadre d’une saisine de janvier 2009 – la SSII a interjeté appel de ce jugement. Nacer Mechri indique en outre avoir décidé d’engager une stratégie de conciliation dans le cadre des dossiers en cours.

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