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La MAIF jauge l’impact de l’IA générative sur son organisation
À l’instar des autres grands groupes français, l’assureur adopte les différentes formes d’assistants IA, sur étagère ou « maison ». Une adoption accompagnée d’une réflexion avancée sur les impacts de la genAI en matière de recrutement, d’employabilité et d’environnement.
Pour la MAIF, 2026 se profile comme une année de transition. L’assureur termine un plan stratégique trisannuel pour en préparer un autre. Là où la refonte de l’expérience client et la performance IT ont été au centre du plan 2023-2026, « l’IA générative donnera probablement la couleur du plan stratégique 2027-2030 », anticipe Nicolas Siegler, directeur général adjoint et DSI de la MAIF.
Non pas que le groupe entend abandonner les cas d’usage d’IA déterministe et prédictive. Après le tri de mails et d’appels augmenté au NLP, ces dernières années, la MAIF s’est penchée sur la modélisation des risques météorologiques et leur impact sur la couverture de ses sociétaires. N’oublions pas de mentionner la lutte contre la fraude pour détecter les faux documents, les tentatives d’usurpation, etc.
« Ce sont des sujets engagés depuis longtemps que nous cherchons à faire évoluer avec de nouveaux modèles d’IA », relate le DSI.
GenAI : une cinquantaine d’expérimentations chez la MAIF
Mais ces systèmes-là ne provoquent pas les mêmes effets que l’IA générative. La technologie popularisée par ChatGPT induit selon le dirigeant une forme de « fascination » – chez les employés et les sociétaires. Une fascination dont il faut comprendre les ressorts pour mieux la tempérer. La MAIF n’a pas attendu de fixer les contours de son programme stratégique 2027-2030 pour s’y atteler. Depuis 2023, l’assureur expérimente cette technologie dans trois grands domaines.
Ainsi, il a déployé un assistant IA générique à travers des licences Microsoft Copilot. 10 000 personnes y ont accès en libre-service. « Les collaborateurs peuvent s’essayer à prompter dans un environnement sécurisé. Il s’agit d’acculturer les métiers, pour qu’ils ne restent pas à la traîne », indique Nicolas Siegler.
En outre, le groupe tolère les outils sur étagère pour la programmation (dont GitHub Copilot, utilisé par la majorité des développeurs de la MAIF), l’assistance juridique et un ensemble de tâches spécifiques.
« Nous avons une approche permissive, mais contrôlée », souligne le dirigeant. « Nous nous assurons d’avoir la connaissance des outils utilisés, qu’ils répondent à des exigences de sécurité similaires aux applications SaaS que nous avons déjà déployées ».
Enfin, la MAIF développe des outils « maison » quand ils touchent aux fonctions « cœur de métier ». Sans surprise, l’assureur développe un système RAG pour interroger ses bases de connaissances. Les collaborateurs peuvent le consulter pour déterminer comment indemniser le vol d’un objet précieux, expliquer une garantie à un sociétaire au moment d’un changement de contrat, etc.
Il développe par ailleurs un système de compte rendu des entretiens téléphoniques. « Il s’agit de structurer une synthèse des appels et d’obtenir un résumé des prises de contact passées », résume Nicolas Siegler. Un autre outil maison permet de formuler des réponses aux réclamations en s’appuyant sur le contexte du client.
Au total, la MAIF dénombre une cinquantaine d’expérimentations d’IA générative. Trois projets sont en phase de généralisation. Le système RAG est accessible de manière générale. Le système de compte rendu est en cours de « déploiement généralisé », auprès d’une quarantaine d’utilisateurs. L’outil d’assistance à la rédaction de réponses aux réclamations sera mis dans les mains d’un peu moins de trente employés.
« Finalement, ces expérimentations visent à comprendre les tâches qui seront déléguées à l’IA générative, celles où la technologie assistera les collaborateurs et celles qui resteront pleinement sous supervision humaine », entrevoit le DSI.
La perte de compétences, la grande crainte des cadres de la MAIF
Toutes les entreprises qui adoptent l’IA générative cherchent à statuer de cette répartition. À ceci près que la MAIF est un assureur « militant ». Il a mis sa marque employeur et ses engagements sur le devant de la scène.
Ainsi, le groupe a passé une convention salariée spécifique. Une trentaine de collaborateurs ont été réunis l’année dernière pour statuer sur la manière d’appréhender et d’intégrer la GenAI dans la société. En quatre jours, la direction générale de la MAIF, « très impliquée » dans le déploiement de cette technologie, a récolté 39 recommandations. Trente-huit seront mises en œuvre. Elles dictent les grandes lignes de la stratégie GenAI du groupe.
« L’entreprise a une réponse très claire : aucun poste actuel ne sera supprimé à cause de l’IA générative », annonce Nicolas Siegler. « Concernant l’employabilité, c’est un sujet plus compliqué ».
Un comité de surveillance numérique et d’éthique a été mis en place afin de statuer sur ces éléments qui affectent « l’emploi et l’employabilité » des collaborateurs ainsi que la relation avec les sociétaires.
Outre les effets potentiels sur les fiches de poste, il y a la crainte que les plus jeunes employés ne sachent pas ou plus faire sans ces outils. Ce qui pourrait nuire à leur carrière et à la qualité de leur travail.
Cette crainte a déjà conduit les cadres de la MAIF à prendre des décisions fortes. L’une d’entre elles affecte tout particulièrement le générateur de brouillons de réponses aux réclamations après sinistre. Les collaborateurs doivent acquérir la compétence avant de pouvoir accéder à l’outil. « L’assistant servira aux personnes les plus expérimentées. Nous voulons que les employés réfléchissent et sachent faire avant de leur donner accès à un accélérateur », affirme le directeur des systèmes d’information.
De manière générale, la direction de la MAIF veut que les métiers gardent l’option d’accomplir la plupart des tâches sans recourir à l’IA générative. Toutefois, elle n’écarte pas la possibilité que cette technologie devienne un prérequis quand les gains de productivité le justifient.
Pas de licenciement, mais probablement moins de recrutement dans l’IT
« Les développeurs et les agents des centres d’appels sont parmi les deux populations les plus impactées par l’IA générative. Nous sommes bien au centre du sujet », remarque Nicolas Siegler.
« Pour les développeurs, nous testons les solutions. En moyenne, ils estiment qu’ils pourraient bénéficier de 20 % de gain de productivité », poursuit-il.
Là non plus, l’IA générative ne doit pas supprimer d’emplois. En revanche, la MAIF pourrait abaisser le volume de recrutement au sein de la direction informatique. Pour rappel, le groupe a ouvert 400 postes dans l’IT sur la période 2023-2026. « Nous allons tenir compte des gains de productivité dans nos projections de recrutement », envisage le DSI. « Nous sommes prudents sur les extrapolations. Chacun des métiers de la chaîne de développement peut observer des gains spécifiques. Pour l’instant, nous ne savons pas estimer les gains sur un cycle complet de développement », reconnaît-il.
Cette remarque est valable à l’échelle de l’organisation. La MAIF n’a pas encore d’outil de mesure de l’adoption de la GenAI. Nicolas Siegler sait toutefois qu’un « certain nombre de cadres n’ont pas fait la bascule. Cela peut être problématique si les populations qu’ils dirigent l’adoptent massivement », souligne-t-il.
D’où le lancement d’un nouveau programme d’acculturation. Il doit faciliter la compréhension des enjeux par les responsables et les métiers. Il s’agit de l’adapter aux besoins de chaque entité du groupe. « Tous les directeurs doivent s’emparer du sujet. Ce n’est pas pour les embêter », indique Nicolas Siegler.
La MAIF développe une calculette pour mesurer l’empreinte carbone de l’IA
Outre la supervision des effets sur l’emploi, le groupe entend maintenir des critères de conception fidèles à son éthique. Comme il existe le maintien en condition opérationnel pour les applications plus traditionnelles, la MAIF entend mettre en place un « maintien en condition intelligente ». Une équipe est déjà responsable du suivi des biais et des dérives dans les systèmes d’IA générative de l’entreprise.
Une approche qui concerne également l’empreinte carbone de cette technologie. Ce point sera pris en compte au moment de choisir les grands modèles de langage qui propulseront les différents cas d’usage.
« Il s’agit de déterminer si les cas d’usage méritent une telle consommation d’énergie et s’il est possible de choisir des LLM et d’autres composants qui limitent le plus possible les émissions », évoque Nicolas Siegler. Un groupe de travail au sein du comité de surveillance numérique et d’éthique a été mis en place pour « fixer des ordres de grandeur ». Une « calculette » de l’empreinte carbone devrait être lancée au cours de l’année 2026.
Pour l’instant, les équipes techniques ont le choix des armes. Dans les phases de conception et d’expérimentation, elles peuvent tester des modèles d’OpenAI, de Google et des autres. Le cas d’usage, la sensibilité des données, les coûts et la notion d’efficience détermineront la sélection des technologies mises en production. Là aussi, les notions de dépendances et de souveraineté seront prises en compte.
« Si nous pouvons utiliser des modèles européens, comme ceux de Mistral AI, nous ne serions pas contre », déclare le DSI de la MAIF.
IA agentique : quelques attentes et beaucoup d’interrogations
Reste l’éléphant dans la pièce : l’IA agentique. Chez la MAIF, elle est au stade de PoC, c’est-à-dire dans les mains de quelques ingénieurs. Son ajout au programme du plan stratégique 2027-2030 sera « exploré » au cours de l’année 2026. Pour le moment, Nicolas Siegler est attentif et prudent. « Je ne me vois pas me projeter sur l’IA agentique à quatre ans », lance-t-il.
L’IA agentique promet une nouvelle ère d’automatisation. En interne, son intérêt par rapport à la précédente vague reste encore à prouver. « Nous avons déjà déployé la RPA, quel rôle jouera l’APA, l’Agentic Process Automation ? », s’interroge le DSI.
La MAIF doit toutefois anticiper l’usage des outils agentiques par ses clients. « Nous ne savons pas si nous allons adopter l’IA agentique, mais nos sociétaires pourraient le faire », envisage Nicolas Siegler.
Par exemple, des assurés sont susceptibles d’utiliser des navigateurs Web agentiques comme Atlas d’OpenAI. « Si nos clients sont enfermés dans un univers OpenAI, comment interagiront-ils avec nous demain ? », questionne le DSI. « Nous devons comprendre et anticiper ces phénomènes ».
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