Pourquoi Microsoft se paie LinkedIn pour 26,2 Md$

Le rachat de LinkedIn par Microsoft laisse entrevoir des possibilités de synergies en termes de collaboration et de CRM social, de solutions RH et de mobilité.

Hier, une onde de choc a traversé le marché de l’IT : Microsoft a annoncé le rachat de LinkedIn pour la somme pharaonique de 26,2 milliards de dollars. Une somme qui en dit long sur l’intérêt que l’éditeur porte à ce réseau social professionnel aux quelques 433 millions de membres – dont plus de 10 millions en France. Et qui illustre également la place qu’occupe désormais la donnée dans l’écosystème IT.

« Cette somme de 26,2 milliards de dollars constitue un nouveau record en matière de somme offerte pour des données clients et pour des algorithmes », résume Jenny Sussin, analyste chez Gartner, dans un email adressé à la rédaction. Si cela représente bien une première, Gartner ne considère pas cette somme comme trop élevée. Le cours du titre de LinkedIn, comme d’autres d’ailleurs, a en effet chuté ces derniers mois.

Pour autant, pour Microsoft, il s’agit bien du plus gros rachat de son histoire, après celui de Skype pour 8,5 milliards de dollars ou encore celui des activités mobiles de Nokia pour plus de 5,5 milliards de dollars. Bien loin certes des quelques 44 milliards de dollars que Microsoft souhaitait dépenser en 2008 pour Yahoo – rachat qui a d’ailleurs échoué. Si l’on en croit nos confrères américains ReCode, Microsoft pourrait encore bien retenter sa chance.

Selon la configuration montée par Microsoft et LinkedIn, ce dernier conservera son indépendance, sa culture et son CEO Jeff Weiner. Celui-ci rapportera directement à Satya Nadella, à la tête de Microsoft.

S’orienter vers des services de données

« Microsoft souhaite aller au-delà du logiciel pour vendre des services reposant sur la données », explique Olivier Rafal, analyste principal chez Pierre Audoin Consultants (groupe CXP), dans un entretien avec la rédaction. Or les données sont justement le moteur n°1 de LinkedIn.

Le réseau social professionnel renferme plus de 400 millions de profils d’utilisateurs. Ceux-ci donnent accès au CV précis de chacun d’entre eux, de leurs moyens de communications, de leurs hobbies, mais également de leur vaste réseau de relations tissé sur le réseau professionnel. Il permet également de connaître le comportement en ligne d'un membre et sa consommation type de contenu.

Surtout, il est à noter que LinkedIn constitue aujourd’hui le reflet individuel de chaque employé, souvent préféré aux intranets et aux annuaires d’entreprises. Le réseau social avait, dans cette logique, présenté une fonction nommée Lookup qui permet de rechercher des collègues travaillant dans la même  entreprise. Au-delà du réseau, LinkedIn affichait clairement ses ambitions dans les services aux entreprises.

Connecter le graphe LinkedIn à Dynamics et Office 365

Presque logiquement, ce maillage d’informations, définies technologiquement dans un graphe, trouveront des connexions logiques dans les briques d’Office 365 et dans Dynamics CRM, la solution de gestion de la relation client de l’éditeur. Un point que Satya Nadella détaille dans un email envoyé à l’ensemble des employés du groupe.

« En se connectant au réseau professionnel le plus important et le plus valable du monde, cet accord est l’étape d’après pour Office 365 et Dynamics », résume-t-il. Citant quelques exemples d’intégration, le CEO évoque un scénario à travers lequel le flux d’actualités de LinkedIn est associé à un projet précis, ou encore des possibilités de mise en relation avec des experts spécifiques à partir d’Office 365.

Pour Olivier Rafal, « combiner le graphe LinkedIn à Dynamics CRM constituerait un puissant moyen d’enrichir les informations et les contacts, pour au final créer des services de notifications, par exemple ». Un « social CRM », qui une fois couplé à Azure et à ses services de Machine Learning « peut aussi déboucher sur un service de prescription de contacts ».

Créer des services de recrutement et de formation

Autres synergies : dans le domaine des ressources humaines et de la formation, deux segments dans lesquels LinkedIn avait investi. Le réseau social avait ainsi doté sa plateforme d’un outil de formation en ligne, Lynda.com, qui propose un vaste catalogue de cours ; ou encore Slideshare, un service de partage de présentations en ligne. D’ailleurs Jeff Weiner, le CEO de LinkedIn, rappelle que 6 des 25 cours les plus populaires de Lynda.com portent justement sur des produits Microsoft.

« Microsoft a la capacité d’associer LinkedIn à son ERP ou à son CRM pour créer des services de recrutements ou de gestion des talents. Il peut analyser les CV sur le réseau social et y rechercher des profils types », explique encore Olivier Rafal.

Certes Microsoft n’a pas de système d’information de gestion des ressources humaines (SIRH / HCM), mais une intégration poussée de Lynda à Active Directory, Sharepoint ou Lync permettrait aussi de mettre en place un système de gestion des talents et de formation.

Collaboration sociale et mobilité

Si LinkedIn étend la portée de Dynamics et d’Office 365, il apparait que son intégration vient aussi compléter certaines activités Microsoft. A commencer par les outils de collaboration sociale. Dans ce domaine, « Microsoft a empilé les couches, sans jamais avoir créé une plateforme accessible », commente encore Olivier Rafal, citant par exemple Yammer.

Enfin, avec LinkedIn, Microsoft s’empare d’un service mobile à fort trafic. Une grande partie des utilisateurs accède en effet au réseau via l’application mobile - refondue d’ailleurs il y a quelques mois.

La mobilité a souvent été considérée comme un point faible de Microsoft. L’éditeur s’octroie avec ce racaht « un accès direct et automatique aux utilisateurs de l’application mobile. Des utilisateurs que l’on peut connecter à la pile Microsoft et créer un ‘continuum’ que Microsoft n’a pas réussi à avoir dans le mobile », ajoute l’analyste. Ainsi l’éditeur de Redmond « se retrouve dans la poche de millions d’utilisateurs ».

Restera enfin une crainte : celle portant sur l’usage des données par Microsoft. « Il s’agit de ne pas considérer LinkedIn comme un canal publicitaire », résume Olivier Rafal. Un point sur lequel Jenny Sussin (Gartner) semble d'’accord. « Ma préoccupation première est qu’une mauvaise utilisation des données clients de LinkedIn par un important fournisseur comme Microsoft pourrait être préjudiciable pour LinkedIn et sa capacité de se positionner comme un réseau tourné vers le consommateur. »

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