O’Connel, Gartner : «De plus en plus d’entreprises vont migrer leurs architecture vers x86»

Dans un large entretien avec LeMagIT sur le marché des serveurs, Adrian O'Connel, l'un des principaux analystes serveurs de Gartner en Europe, prédit une accélération de la migration des serveurs Unix vers le monde x86. Il analyse aussi les défis qui attendent Oracle sur le marché et fait aussi le point sur le débat Linux vs Windows.

Le premier trimestre a été marqué par une nette reprise des dépenses serveurs voyez-vous une reprise et si oui, comment s’organise-t-elle ?

Adrian O’Connel :le marché a, en effet, commencer à s’améliorer [selon les propres chiffres de Gartner les ventes de serveurs en volume ont bondi de 23% dans le monde au premier trimestre et de 6% en valeur]. Nous sommes encore sous les niveaux du 1er trimestre 2008, mais la situation est certainement en net progrès.

L’un des constats importants est que les entreprises ont profité de la crise pour analyser très finement leur infrastructure afin de déterminer ce qu’elles pourraient faire différemment pour réaliser des économies. Il n’y aura pas de retour en arrière. De plus en plus d’entreprises vont migrer leurs architectures traditionnelles vers le monde x86. 

Il semble que le marché haut de gamme ait particulièrement souffert de la crise qu’il s’agisse des mainframes ou des serveurs Unix haut de gamme. Comment Gartner voit-il ce segment de marché ? 

Adrian O’Connel : le marché mainframe est toujours très tendu et les ventes sont en net recul depuis plusieurs trimestres déjà [en fait selon les chiffres mêmes de Big Blue, les ventes de mainframe n’ont cessé de reculer au cours des 6 derniers trimestres]. En fait, nous sommes en fin de cycle et nous ne verrons une reprise des ventes que lorsqu’IBM aura lancé sa nouvelle génération de machines.

Pour ce qui concerne le marché Unix, la crise a amené un grand nombre d’utilisateurs à regarder de près leurs plates-formes. Et le constat général est qu’il y a plus de flexibilité et un meilleur rapport performance/prix dans le monde x86. De plus, la fiabilité des environnements x86 ne cesse de progresser. Ironiquement, les environnements Unix ne sont pas aussi fermés que les environnements Mainframe, ce qui simplifie la migration vers d’autres plates-formes. Il est donc vraisemblable que le marché Unix va continuer de souffrir. Alors que le marché des grands systèmes devrait bientôt rebondir avec le début d’un nouveau cycle.

En France, la part des systèmes Unix est traditionnellement plus élevée que dans des pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Les tendances que vous évoquez sont-elles aussi valides dans l'hexagone ? 

Adrian O’Connel : on voit certaines différences. De façon générale, l’Europe est un peu plus conservatrice que les Etats-Unis en matière de systèmes. C’est notamment vrai pour la France, l’Allemagne ou l’Italie, et c’est dans une moindre mesure le cas du Royaume-Uni. Cela se voit par exemple sur les nouveaux formats de serveurs. Par exemple, la proportion de lames dans les ventes x86 en France est inférieure à celle des USA ou du Royaume-Uni.

Un autre facteur de différence en France est lié à la présence d’un acteur local fort, en l’occurrence Bull. Le fait d’avoir un fournisseur aussi significatif notamment dans le secteur public peut expliquer en partie certaines différences. Néanmoins, je pense que le marché français finira par évoluer dans la même direction que celui des autres pays.  

Vous évoquiez la migration des serveurs Unix vers les plates-formes x86 ? Selon vous, à quel OS cette migration profitera-t-elle le plus, Linux ou Windows ?

Adrian O’Connel : une large partie de la croissance de Linux a jusqu’alors été réalisée dans le monde des architectures web. Cela a été facile tant que Microsoft n’a pas réagi. Mais Microsoft a rafraichi son approche sur ce marché, on voit donc plus de concurrence sur ce segment.

Le vrai challenge est de savoir où Linux va aller chercher sa nouvelle source de croissance. La migration progressive de certains environnements Unix vers Linux ne représente pas un marché très significatif. En fait, Linux doit faire la démonstration qu’il peut gagner du terrain sur le marché des applications «mid Tier». Et le problème sur ce marché est que l’équation de coût Linux face à Windows est assez comparable.

Une autre inconnue concerne le Cloud. Si l’on voit un vrai décollage du marché et un rôle plus important des hébergeurs, alors le poids de Linux pourrait augmenter.

Après le rachat de Sun par Oracle, on voit se dessiner de multiples scénarios. Certains clients Oracle qui ne s’intéressaient pas à Sun auparavant regardent désormais l’offre matérielle d’Oracle. A l’inverse, certains clients historiques de Sun ont commencé à ses désengager après le rachat. Enfin au milieu de ces deux extrêmes, certains ont continuer à acheter tandis que d'autres décidaient de marquer une pause en attendant d’y voir plus clair sur les roadmaps. Quelle est votre vision de la fusion Oracle/Sun et des chances du constructeur ?

Adrian O’Connel : Il y a définitivement des inquiétudes de la part des clients à propos de l’avenir des plates-formes matérielles de Sun. Et ces inquiétudes s’ajoutent à la tendance naturelle à la migration depuis Unix vers Linux et Windows. Ceci dit, si vous êtes un client Oracle, le principal problème aujourd’hui est le manque de visibilité sur les roadmaps. Oracle doit définitivement être plus transparent sur ses plans produits.

D’un autre côté, il ne faut pas sous-estimer l’inertie des bases installées des grands fournisseurs, qui joue en faveur d'Oracle. La base installée Sun est toujours l’une des plus importantes du marché et même si il y a des inquiétudes, Oracle dispose d’une vraie fenêtre d’opportunité. Tout d’abord parce que le marché s’améliore et ensuite parce que le cycle de rafraichissement des serveurs Unix a encore quelques mois avant d’entrer dans une phase active [ HP, tout comme IBM ont commencé à renouveler leurs gammes, mais ne lanceront leurs nouveaux haut de gamme qu’à l’automne]. D’ici là, Oracle doit avoir clarifié sa position et montré son engagement sur le marché Unix. Oracle a encore la possibilité de conserver une position forte sur le marché Unix, mais il lui faut faire vite et accélérer le rythme.

Pour terminer, nous sortons d’un trimestre où Intel comme AMD ont renouvelé leurs offres de puces serveurs, comment voyez vous l’affrontement entre les deux fondeurs ?

Adrian O’Connel : la bonne nouvelle pour AMD est qu’il a définitivement établi sa crédibilité sur le marché serveur. Le problème est qu’il lui faut monter qu’il fournit une valeur sensiblement différente de celle d’Intel, ce qui était vraiment le cas lorsqu’il s’est lancé sur ce marché avec l’Opteron. Cette bataille sera menée au cas par cas. Les clients devront évaluer les plates-formes en fonction de leur usage.

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