Albert Ifrah, SAP :« Le cloud RH est un marché de renouvellement de plus en plus mature »

Alors qu'outre-atlantique, le marché du logiciel dédié RH se confirme comme l'un des plus fertiles en start-up et acquisitions de technologie, SAP SuccessFactors vient de boucler l'intégration complète de son offre cloud RH avec le lancement du module paie en mode cloud. Albert Ifrah, directeur des ventes pour l'Europe des solutions RH de SAP commente la progression de ce segment majeur de l'adoption du cloud.

Alors qu'outre-atlantique, le marché du logiciel dédié RH se confirme comme l'un des plus fertiles en start-up et acquisitions de technologie, SAP SuccessFactors vient de boucler l'intégration complète de son offre cloud RH avec le lancement du module paie en mode cloud. Albert Ifrah, directeur des ventes pour l'Europe des solutions RH de SAP commente la progression de ce segment majeur de l'adoption du cloud.  

 

LeMagIT : Il y a deux ans, l'acquisition de SuccessFactors était perçue comme un signe fort de la volonté de SAP de réorienter son portefeuille applicatif vers le cloud. En quoi le domaine RH est-il exemplaire en la matière ?

Albert Ifrah : Avant cette acquisition, le cloud computing avait déjà pénétré le domaine RH – comme d'autres domaines telle que la relation client – pour des applications spécifiques comme la gestion des talents ou le recrutement. Aujourd'hui, la nouveauté, c'est la volonté de la fonction RH de disposer d'un environnement plus homogène, qui communique mieux d'une application à une autre. A force de compléter leur SIRH d'applications, qu'elles soient en mode cloud ou in situ d'ailleurs, la plupart des entreprises se retrouve face à des patchworks qui leur posent des problèmes de cohérence et d'exploitation des données entre applications. Jusqu'alors, l'intégration était assurée a priori par le socle que constitue la base de données des salariés, résumé par le terme Core HR ; un socle de type ERP, au sens où il permettait la communication de données avec d'autres grands domaines applicatifs, comme la partie finances. L'arrivée de solutions de niche en mode cloud a en quelque sorte cassé ce fonctionnement intégré. On a gagné en ergonomie, avec ces solutions dédiées, ce que l'on a perdu en intégration. Et aujourd'hui, signe de maturité du marché du SIRH, on sent une nette accélération de la demande pour un retour vers plus de cohérence. D'où une certaine exemplarité de ce domaine, en effet, au travers de la recherche d'une offre complète qui profite de l'intérêt du cloud computing tout en couvrant l'ensemble des domaines fonctionnels RH. A savoir les trois grands piliers du SIRH que sont le Core HR, la paie, la gestion des talents c-à-d. recrutement, formation,  mobilité, gestion des carrières, des compétences et des performances, rémunérations et compensations, etc.

 

LeMagIT : Deux ans après, où en est l'articulation des deux offres – entre l'ADN cloud de SuccessFactors, et l'ADN on premise ou in situ de SAP – qui a priori entraient en concurrence ?

Albert Ifrah : L'articulation de l'offre correspond à la demande du marché et aux divers cas de figure. Aux entreprises résolument attachées au SIRH in situ, qui ne sont pas prêtes à aller vers le cloud pour diverses raisons, notamment des raisons sécuritaires ou réglementaires comme dans le secteur défense ou le secteur public, la solution on-premise est maintenue avec toutes les évolutions nécessaires. Les entreprises qui veulent aller vers le cloud par étapes à leur rythme peuvent disposer d'une solution hybride, un Core HR in situ et des applications fonctionnelles en mode cloud. De même, celles qui optent pour le 100% cloud, « from Hire to Retire » comme on dit outre-atlantique, pour l'ensemble du cycle de vie du salarié dans l'entreprise et pour les trois grands volets du SIRH, l'offre est maintenant complète. La quatrième solution étant l'externalisation complète avec des partenaires outsourcers.

 

LeMagIT : SAP vient d'annoncer en décembre 2013 le lancement de la solution paie en mode cloud. Est-ce à dire que la boucle de la fusion-intégration, SAP plus SucessFactors, est bouclée ?

Albert Ifrah : En effet, avec la disponibilité en mode cloud de la partie essentielle du SIRH qu'est la gestion de la paie, SAP SuccessFactors est le premier et seul éditeur à proposer une suite complète de solutions RH en cloud. C'était le cas depuis 2012 pour l'application socle Employee Central autour duquel se déclinent les modules de gestion des talents. La solution Employee Central Payroll complète cela, en présentant les mêmes fonctionnalités que la solution paie on-premise mais conjuguées avec les avantages du mode cloud qui permet notamment d'accentuer la décentralisation des actes de paie. SAP a beaucoup investi ces deux dernières années pour accélérer et boucler cette intégration dès 2013-2014. Comme les autres modules clés, formation, recrutement, gestion des compensations, etc, le module paie est localisé. Et la solution est d'ores et déjà disponible dans 25 pays, dont la France, avec à terme la possibilité d'une localisation dans plus de 80 pays.

 

LeMagIT : Justement, comment se porte et se comporte le marché français face à cette évolution ?

Albert Ifrah : Plutôt bien, dans la mesure où il s'agit d'un marché de renouvellement et que le domaine du SIRH est particulièrement complexe. On ne change pas de socle de gestion administrative sur un coup de tête ou d'un coup de baguette. Mais la dynamique de renouvellement est bien là et le cloud RH a déjà conquis certains de nos grands clients ainsi que des clients de la concurrence on-premise qui veulent basculer vers ce mode. Il y a un fort intérêt pour le cloud du côté des grands groupes, y compris sur le marché français de la gestion RH, qui n'est pas le plus simple du fait de son environnement réglementaire.

 

LeMagIT : A quoi est due cette dynamique de renouvellement ?

Albert Ifrah : Deux tendances de fond se confirment. D'abord une certaine démocratisation des processus de gestion administrative, dans le sens où les entreprises tendent de plus en plus à déléguer, à responsabiliser les salariés qui sont amenés à gérer eux-mêmes, ou via leurs managers, certains processus comme la gestion des congés, la gestion des activités, sans passer par la DRH. Pour arriver à cette démocratisation et à l'utilisation massive de certaines fonctionnalités du SIRH, l'ergonomie des applications doit être particulièrement performante. Ce que permettent les environnements de nouvelle génération que l'on trouve associés au cloud computing. La deuxième tendance est encore et toujours la réduction des coûts, dès lors que le cloud rime avec externalisation, donc mutualisation de certains coûts.

 

LeMagIT :  A-t-on chiffré cette réduction potentielle des coûts dans le domaine RH?

Albert Ifrah : A ma connaissance, non, et c'est d'ailleurs d'autant plus difficile à chiffrer qu'il faut tenir compte de l'effort d'adaptation que représente pour l'entreprise le passage au cloud. A la différence du SIRH exploité sur site, personnalisé et adapté aux spécificités de l'entreprise, en mode hébergé, le principe consiste à profiter de la mutualisation des fonctionnalités. Si cela concerne quelque 70 % ou 80 % des processus ou fonctionnalités, même si celles-ci sont hautement paramétrables, cela signifie que l'entreprise doit s'adapter. Mais force est de constater que les grandes entreprises acceptent cette approche, surtout les grandes multinationales, qui reconnaissent que devoir intégrer des SIRH personnalisés, au fil de leurs acquisitions, devient ingérable.

 

LeMagIT : Le marché du cloud RH serait-il principalement un marché de grands comptes ?

Albert Ifrah : Le marché du cloud RH est très actif. L'offre est abondante et diverse. Celle de SAP SuccessFactors est des plus pertinentes pour les grands comptes qui ont la volonté de standardiser leurs SIRH. Ceux dont les directions RH sont amenées à contribuer aux objectifs de l'entreprise en s'appuyant sur les informations stratégiques issues de leur fonction de la façon la plus cohérente possible. Mais le cloud est aussi une solution pertinente pour les ETI et PME qui trouvent un intérêt à ne pas devoir entretenir une infrastructure in situ. Le marché est de plus en plus mûr. Il y a sans doute encore pléthore de solution de niche. Mais avec la problématique d'intégration à laquelle sont confrontés les DRH et les DSI, pour ces acteurs, cela devient de plus en plus compliqué.

 

LeMagIT : Selon certains cabinets d'analyse, tel Forrester, la bascule vers le cloud RH s'annonce progressive, avec environ 10% de migration des firmes équipées en 2012 et 2013. Qu'en est-il en France ?

Albert Ifrah : Aux USA, le taux est largement au dessus des 10%. Dans tous les grands projets de renouvellement de SIRH, une offre de cloud est systématiquement demandée, sauf dans les secteurs sous contrainte comme le secteur défense. Le marché européen, de par sa diversité, est d'un abord plus complexe. Mais la demande est forte et la progression plus rapide qu'on aurait pu penser. Sur le marché français, les solutions RH en mode cloud ont connu une croissance de 26% en 2012. Encore une fois, le développement à l'international de certains business fait que, dans le contexte de nouvelles acquisitions, les entreprises recherchent le moyen d'opérer une intégration rapide. Le marché français n'échappe pas à ce phénomène. Mais le ticket d'entrée est élevé, comme en attestent les efforts dédiés par SAP au développement d'une solution full cloud, et la force de frappe et l'expertise de notre équipe, à l'oeuvre depuis une trentaine d'années sur ce marché. Tous les analystes le disent : le domaine RH est un moteur majeur de la croissance du cloud.

 

LeMagIT : Après le gros morceau de la fusion-acquisition de SuccessFactors, y-a-t-il d'autres partenariats ou acquisitions en vue dans le logiciel RH pour SAP ?

Albert Ifrah : Notre offre couvre déjà tous les domaines fonctionnels ; y compris sur la partie HR Analytics et la Business Intelligence, ainsi que le big data RH. SAP capitalise sur ses acquisitions et sur ces technologies, notamment sur l'intégration du SIRH avec le moteur Hana. Nous entretenons aussi des partenariats avec d'autres éditeurs comme OpenText pour la dématérialisation du dossier salarié. Mais il n'est pas dit que l'on puisse s'intéresser à des acteurs de niche.

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