Emplois IT en 2014 : un climat potentiellement favorable aux PME à forte expertise

Pas de gel du recrutement pour le secteur IT. Qui n'échappe pas, cependant, à la tendance générale de l'emploi cadres à sur-valoriser les profils experts.

« La France s'oriente de plus en plus vers un marché d'expertise. » Appliqué aux informaticiens, ce constat du cabinet Robert Walters met en avant l'impact de l'essor du cloud et du big data, problématiques de virtualisation et de sécurité incluses. Des évolutions qui en 2013, selon l'observation de ce cabinet de recrutement, ont généré des besoins continus d'embauches sur des profils pointus et immédiatement opérationnels.

Concernant 2014, ce renforcement des troupes et des compétences, particulièrement ciblé, est bien parti pour s'accélérer. D'autant plus qu'il se situe dans un contexte de rééquilibrage de l'embauche d'informaticiens. Selon les prévisions des employeurs recueillies fin 2013 par l'Apec, après la baisse notoire de 2013 (-15%), plus forte même que celle enregistrée pour l'ensemble des cadres (-10%), le rebond pourrait être de +16 % cette année.  

Ce sursaut distingue – de nouveau cette année – le secteur IT de l'ensemble du marché de l'emploi cadres promis à un certain statu quo (entre 0 et + 5% au mieux par rapport à 2013). De plus, selon l'enquête Apec (panel de 11 000 entreprises), la conjoncture toujours aussi incertaine continue d'induire une forte segmentation du marché cadres selon le niveau d'expérience. Plus de la moitié des embauches en 2014 pourrait concerner les jeunes confirmés (entre 1 et 10 ans d'expérience) tandis que la situation resterait tendue pour les débutants (un recrutement sur cinq cette année), mais aussi pour les seniors (+ de 15 ans d'expérience, un recrutement sur dix).

Rattrapage en 2014 puis ré-investissement en 2015-2016

Dans ce climat de relatif attentisme, la fonction informatique devrait renouer avec son statut de locomotive de l'emploi cadres – effet de rattrapage aidant – avec une progression de l'embauche passant de 31 800 recrues l'an dernier (au bas de la fourchette annoncée en janvier 2013), à 33 500 en 2014 (au bas de la fourchette prévue cette année, soit +5%), voire 36 800 recrues (au haut de la fourchette, soit +16%). Et selon les prévisions à trois ans issues du modèle économétrique de l'Apec, le regain d'activité devrait perdurer et même s'amplifier. En 2015-2016, les entreprises devraient pouvoir reprendre le chemin de l'investissement, confortant d'autant le rebond généralisé du recrutement de cadres : 173 000 en 2014 (contre 163 400 en 2013), autour de 200 000 dès 2015, soit les niveaux d'embauche d'avant la crise de 2008. Autant de prospectives qui tendent à confirmer le constat de l'étude internationale de Robert Walters.

Mais tout est relatif. Si « la France s'oriente de plus en plus vers un marché d'expertise », c'est aussi parce que « les grands groupes se sont pour une bonne partie engagés dans des plans de restructuration... interdisant pour beaucoup d'officialiser des besoins de recrutement ». Du coup, les expertises pointues, ou embauches incontournables, prennent encore plus de relief sur un marché atone. Ce diagnostic étant avancé tous secteurs d'activité confondus, qu'en est-il du secteur IT ?

Des salaires distinguant les marchés de niche

Le ton est donné par les relevés de salaires du cabinet Robert Walters (voir tableau ci-contre). Nonobstant la stagnation générale des rémunérations (en 2013), exception faite des jeunes informaticiens confirmés (3 ans d'expérience) positionnés sur des marchés de niche, cette année encore, l'évolution des salaires sur-valorisent les expertises particulièrement recherchées. Ainsi, sur le segment des spécialistes des ERP (SAP), l'accent a été mis en 2013 sur le recrutement de responsables de projets fonctionnels. Les barèmes restent particulièrement favorables aux experts de certains modules (finances/compta notamment) présentant une première expérience réussie de projet de déploiement, surtout si ce projet avait une envergure internationale. Sont logés à la même – bonne – enseigne, avec des salaires à la hausse (jusqu'à +20% dans certains cas), les responsables de centres de compétences, les directeurs de projets (responsables PMO, Project Management Office), les data scientists (big data oblige) et les architectes expérimentés (une dizaine d'années d'expérience).

Face aux objectifs ambitieux des ténors du secteur IT...

De plus, ajoute le rapport prospectif du cabinet de recrutement, « ce marché branché sur l'expertise pourrait bien tourner à l'avantage des PME capables de faire preuve d'agilité dans leurs processus d'embauche ». Une analyse à nuancer cependant pour le secteur IT. Car les ténors du secteur continuent d'afficher des objectifs ambitieux à coup de milliers de postes potentiellement ouverts à l'embauche (1 200 chez Ausy, 2 600 pour Capgemini, 1 800 pour Alten,1 600 chez Sopra, 1 200 chez CGI, 1 200 pour GFI, 1 100 pour Neurones, 900 chez Atos, 600 chez Econocom-Osiatis, 600 chez Open, etc). Sans parler des marques portées par le buzz (100 chez Criteo, 150 chez OVH, 200 chez Microsoft France, etc) ou des segments porteurs comme la mobilité (140 chez Niji).

Prenons le cas d'une de ces nombreuses sociétés de services – en province qui plus est – qui relèvent précisément du « marché branché sur l'expertise ». « Pour nous, start-up, le challenge est autant de conserver les talents que de les attirer », diagnostique Denis Lavelle, directeur co-fondateur de la société toulousaine Inside Group (80 personnes à ce jour). Sur ce point, la PME lancée en 2012 s'en sort plutôt bien, avec 45 embauches et seulement deux départs en 2013. Le positionnement – technologique et stratégique, voire géographique – y est pour beaucoup.

… le cas d'un spécialiste des infrastructures IT

« Notre spécificité, en schématisant, c'est le maintien en conditions opérationnelles des infrastructures techniques », précise le dirigeant. Autant dire un marché de niche, mais quasi-incontournable tant les interventions (sur l'infrastructure systèmes et réseaux, le stockage, etc) sont structurantes pour le fonctionnement des entreprises clientes. Un marché en croissance modérée mais qui, pour son approche du recrutement, peut s'appuyer à fond sur l'attractivité du contenu technique des tâches reposant, de plus, sur l'implication des salariés. L'esprit start-up, en quelque sorte. Avec cependant une pyramide des âges équilibrée (de 23 à 50 ans). Et surtout avec la volonté de l'état-major de miser sur l'autonomie et la prise d'initiative de chacun des salariés. Ce que d'aucuns estimeraient ne pas pouvoir trouver au sein de grandes ESN.

Pour Inside Groupe, le cap est mis pour 2014 sur une croissance de 50% en chiffre d'affaires (de 4 M€ en 2013 à 6 M€ en 2014) et en effectifs. Soit 40 embauches planifiées. Pour une activité de services orientée vers les secteurs réputés dynamiques (aéronautique et spatial pour moitié, banque et industries diverses pour l'autre moitié), qui zappe cependant volontairement des créneaux (les environnements MVS, mainframes en général) moins compatibles avec le fonctionnement d'une petite équipe cherchant avant tout à pérenniser son développement. Quid de l'attractivité de cette activité ? Et de sa localisation en Midi-Pyrénées ? Suffisent-elles à surmonter le déficit d'image réputé compliquer sérieusement le recrutement des petites structures, même sur les niches les plus prometteuses ? « Pour les compétences Windows et environnement associé, pas de problème. De bac+2 à bac+5, on les trouve facilement », avance Denis Lavelle. « Après, il faut faire le tri entre ceux qui postulent par curiosité et ceux qui ont vraiment réfléchi à leur projet d'implantation à Toulouse ou Bordeaux. » Soit un ratio de dix candidats reçus pour un poste aboutissant à une embauche. Ce qui n'est sûrement pas le cas des postes exigeant une expertise de plus haut niveau, ou pointue (en stockage, en sécurité, notamment) et des profils plus rares, plus difficiles à dénicher. Quoique ! « On voit beaucoup de gens qui se revendiquent spécialistes de la sécurité mais qui sont peu performants », glisse le dirigeant. L'atout premier sur lequel ont voulu jouer Jérôme Falgayrat et Denis Lavelle, co-fondateurs de cette PME, est la qualité du « staffing » sur lequel s'appuyer pour conforter la pérennisation et donc l'attractivité de l'entreprise. « Une SSII, c'est comme une plante faite pour grandir, quand elle ne pousse plus, elle décline. » Afin de ne pas rester la tête dans le guidon, et de continuer autant que possible à anticiper, le duo s'est entouré d'un directeur opérationnel, d'un directeur technique, d'un responsable juridique, d'un directeur administratif et financier, d'un responsable du recrutement et d'une assistante de direction. « Un coût de structure sans doute atypique, mais indispensable quand on part de zéro et qu'on envisage l'avenir bien au delà d'un effectif de 80 personnes », avance Denis Lavelle.

 

 

 

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