IBM rajeunit son offre Mainframe avec le dernier z13

Le z13 a pour but officiel de mettre le Mainframe à l'heure de la mobilité. Mais l'enjeu pour IBM est aussi de convaincre de la pertinence de ses grands systèmes.

IBM a dévoilé hier la dernière génération de ses systèmes centraux System z, baptisée z13. Ce grand système s’appuie sur une architecture renouvelée et permet à Big Blue d’annoncer des gains de performances allant jusqu’à 40% pour le système le plus performant par rapport à la génération antérieure.

Dans un entretien avec LeMagIT, Jean-Christophe Knoertzer, le vice-président de la division Systèmes et Technologies du Groupe (STG) explique que « l’annonce du z13 est sous-tendue par l’explosion des transactions mobiles du fait du développement de l’usage des terminaux nomades dans le monde. Il y a un effet d’écho qui fait qu’une transaction mobile génère entre 4 et 100 transactions sur nos grands systèmes. Tout l’enjeu est d’absorber ces transactions en toute sécurité ». Selon IBM, la version la plus avancée du z13 peut délivrer 2,5 milliards de transactions par jour et est capable de faire de l’analytique en temps réel sur ces transactions.

Optimisé pour le Cloud, la mobilité et la sécurité... selon IBM

À la lecture du communiqué de presse de lancement de la machine, les mots sécurité, mobile et Cloud sont sans surprise parmi les plus mis en avant par Big Blue, avec pour but non dissimulé de convaincre ses clients que le Mainframe conserve toute sa modernité.

L’enjeu est, il est vrai, d’importance : le Mainframe génère directement près de 4 Md$ de revenus pour IBM sans compter les 6 Md$ générés en services et en licences logicielles par l’écosystème Mainframe dans son ensemble (Source : IDC). Il reste donc plus que jamais majeur pour un Big Blue qui s’est récemment débarrassé de sa division x86.

Nul ne peut dire quelle partie du discours d’IBM relève du pur marketing et quelle partie correspond à la réalité de ses clients, mais une chose est certaine : l’accroissement du volume des transactions opérées sur les grands systèmes IBM et les contraintes de coûts pesant sur les services informatiques obligent les entreprises à renouveler régulièrement leurs parcs avec des machines plus récentes offrant un meilleur coût par transaction.

Sous la pression des systèmes Unix et x86, Big Blue n’a donc d’autres choix que de continuer la course à la performance pour délivrer toujours plus de MIPS à un prix équivalent, voire inférieur. Et en la matière, le z13 apporte des améliorations plus qu’intéressantes.

Pour en faire le tour, LeMagIT s’est plongé dans la lecture du plus récent RedBook, faisant office de documentation technique du dernier-né de Big Blue.

Un système qui fait usage des dernières technologies…

L’IBM z13 est comme ses prédécesseurs un système SMP massif conçu par assemblages de multiples tiroirs processeurs et I/O. Il utilise la dernière génération de processeurs z, une puce à 8 cœurs (ou PU en langage Mainframe) cadencée à 5 GHz, comportant 3,99 milliards de gravés en technologie 22nm. Cette puce s’appuie sur un design out of order dont le pipeline a été optimisé et met en œuvre pour la première fois le mécanisme de multithreading SMT2, inauguré par IBM dans ses puces Power et qui permet de disposer de 2 threads par cœur, ce qui devrait notamment bénéficier aux applications Linux et Java.

L’ensemble des caches ont aussi été dopés de 30 à 50% selon le niveau de cache (de 1 à 4). Chaque cœur se voit associer un coprocesseur cryptographique et dispose aussi d’unités vectorielles (SIMD). Ces innovations se traduisent par une augmentation de 10% de la performance unitaire des processeurs malgré une baisse de l’ordre de 10% de la fréquence de fonctionnement.

Notons aussi que le nouveau processeur des z13 supporte la mémoire transactionnelle, ce qui devrait aussi permettre des gains significatifs pour certaines opérations de bases de données et pour les applications Java massivement multithreadées. Selon François Launay, « Z Champion » chez IBM France, la firme annonce ainsi des gains de l’ordre de 32% pour les partitions Linux (IFL) et de l’ordre de 38% pour les ZIP.

L'offre de Mainframe z13

Modèle Drawers/PUs  CPs  Standard SAPs  Spares  Integrated firmware processor  Mémoire
N30  1 à 39 0–30  6 2 1 256 Go à 2,5 To
N63  2 à 78 0–63  12 2 1 512 Go à 5 To
N96  3 à 117  0–96  18 2 1 768 Go à 7,5 To
NC9  4 à 156  0–129  24 2 1 1 To à 10 To
NE1 4 à 168 0–141 24 2 1 1 To à 10 To

 

IBM propose cinq modèles de z13 disposant de 1 à 5 tiroirs processeur (ou CPC pour Central Processor Complex) interconnectés par un bus SMP rapide.

Chaque tiroir processeur se compose de six processeurs et de deux puces d’interconnexion (dite SC) assurant une connexion redondante entre les différents CPC.

En configuration maximale, un z13 peut ainsi disposer de 168 cœurs (tous les processeurs n’ont pas forcément leurs huit cœurs actifs, ce qui permet à IBM de recycler des puces qui ne sont pas « parfaites ») dont 141 « caractérisables » (c’est-à-dire utilisables) par les clients. Les autres cœurs sont réservés par le Mainframe pour la gestion du stockage, des entrées/sorties et du firmware. Certains sont aussi disponibles en secours pour remédier à l’éventuelle défaillance de cœurs processeurs.

Architecture générale d'un système z13
Architecture générale d'un système z13

Côté mémoire, le Z13 fait un incontestable bond en avant, puisque la machine supporte désormais jusqu’à 10 To de mémoire utilisables (en fait jusqu’à 12 To moins 2To utilisés pour dans le mécanisme de RAID mémoire ou RAIM des systèmes z) contre 3 To pour les modèles antérieurs. Selon IBM, le prix de la mémoire est aussi en forte baisse puisqu’il est désormais possible de disposer de cinq fois plus de mémoire qu’auparavant pour un prix équivalent.

Les entrées sorties profitent aussi de multiples améliorations à commencer par le support du Fibre Channel 16 Gbit/s pour les liaisons FICON, mais aussi du fait du support de la version 3.x de PCIe (alors que la génération antérieure se limitait au PCIe 2.x). Selon IBM, la bande passante I/O passe ainsi de 390 Go/s pour la génération antérieure de System z à 832 Go/s pour le z13 dans sa configuration la plus avancée. Les interconnexions entre CPC ainsi que la constitution de clusters de Mainframe via le mécanisme de Parallel Sysplex s’effectuent toujours via des liens Infiniband (chaque CPC dispose de 4 liens à cet effet).

Un système aux caractéristiques plus équilibrées que ses prédecesseurs
Un système aux caractéristiques plus équilibrées que ses prédecesseurs

Notons pour terminer ce tour d’horizon rapide, qu’IBM continue à proposer en option des cartes PCIe Flash, dites FlashExpress, utilisables comme cache pour les opérations d’entrées/sorties disques ainsi que des cartes d’accélération des opérations de chiffrement (Crypto Express 4S et 5S) utilisables pour le chiffrement des transactions HTTP.

…Et qui se convertit de plus en plus à Linux

Si le z13 continue à rester une référence en matière de virtualisation pour les applications traditionnelles, via son hyperviseur embarqué z/VM (utilisé à la fois pour la virtualisation des environnements z/OS et pour celle de Linux sur les System z), IBM poursuit ses efforts d’ouverture au monde libre avec un engagement de support à venir pour l’hyperviseur libre KVM qui sera réservé à la virtualisation d’environnement Linux.

L’idée d’IBM avec le support à venir de KVM (un tel support a déjà été lancé sur la dernière génération de machines Power 8) est de permettre le pilotage d’environnements Linux virtualisés sur grands systèmes par OpenStack et de faciliter ainsi l’inclusion des architectures Mainframe dans de grands Clouds privés.

Une autre avancée pour le support des systèmes libres sur Mainframe est l’annonce par IBM du support à venir, courant 2015, de son architecture de haute disponibilité GDPS pour les environnements Linux. GDPS (pour Geographically Dispersed Parallel Sysplex) est une extension du système de clustering Parrallel Sysplex des grands systèmes IBM, qui permet de bâtir des architectures en miroir entre systèmes répartis dans plusieurs datacenters distants. Jusqu’alors réservés aux environnements z/OS, les mécanismes de miroir synchrone de GDPS supporteront dans le courant de l’année les environnements Linux déployés au-dessus de z/VM.

L’ensemble de ces annonces confirme le caractère stratégique du support de Linux pour IBM, qui a multiplié ces derniers temps les gestes vis-à-vis du monde libre sur ses systèmes « propriétaire », avec notamment un support natif de Linux sur ses serveurs Power8.

Des applications optimisées pour tirer parti des capacités du z13

Si IBM n’a pas ménagé ses efforts pour bâtir une architecture serveur à la pointe des technologies avec le z13, la clé de la réussite de la nouvelle plate-forme pourrait résider dans son intégration renforcée avec certaines des briques du portefeuille applicatif de Big Blue.

S’il ne fait par exemple aucun doute que DB2 saura mettre à profit les vastes ressources mémoire et les nouvelles capacités mises à sa disposition par le z13 (on pense bien sûr aux optimisations In-Memory ou à des composants tels que DB2 Analytics Accelerator), d’autres applications ont aussi été spécifiquement optimisées pour tirer parti des nouvelles capacités de la machine.

C’est par exemple le cas de Mobile First, l’environnement middleware d’IBM conçu pour la fourniture de services mobiles qui tire par exemple parti de l’ensemble des capacités cryptographique de la nouvelle machine pour sécuriser les échanges entre les terminaux nomades et la plate-forme serveur de Big Blue.

C’est aussi le cas de SPSS dont la technologie de modélisation d’analyses prédictives pourra être utilisée pour effectuer des opérations analytiques en temps réel sur les transactions (par exemple pour faire de la détection de fraudes).

Big Blue évoque aussi la possibilité d’implémenter des clusters Hadoop directement dans le Mainframe et précise que le plus puissant des z13 peut accueillir jusqu’à 8 000 VM Linux, ce qui en fait selon lui une excellente machine de consolidation. Le constructeur estime ainsi qu’un « Cloud » sur un z13 aura un coût de possession sur 3 ans de 32% inférieur à celui sur x86 et 60% inférieur à celui d’un Cloud public.

Ces données sont bien entendu à prendre avec le grain de sel qui s’impose tant il est compliqué de faire une comparaison entre Mainframe et environnements x86. Les multiples mécanismes de licence imaginés par IBM pour ses grands systèmes ressemblent en effet plus que jamais à une jungle et Big Blue reste plus que discret sur sa tarification, tout en imposant à ses clients la même discrétion sur le coût de leurs systèmes. Ce qui ne rend pas les comparaisons très aisées par rapport à des systèmes Unix ou x86 aux mécanismes de licence bien plus simples et dont les tarifs sont publics.

 

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