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La tarification de l’IA, gros sujets de 2026 pour les éditeurs français
Alors que l’IA générative est perçue comme un moteur de croissance, la question de son modèle économique reste centrale pour l’écosystème du logiciel français. Celle de la dépendance à des fournisseurs tiers également. En interne, l’IA ralentit les recrutements et permettrait des gains de productivité. Mais il y a débat.
Pour Jean-Philippe Couturier, président du collège Éditeurs et Plateformes de Numeum, les choses sont claires pour 2026 : l’ère de l’IA générative a à peine commencé que le secteur français du numérique entre déjà dans celle de l’agentique.
Les éditeurs français « AI-First »
À la différence des autres formes d’IA, l’agentique « ne se traduit pas par un simple ajout à des produits existants », assure-t-il. Elle est « un nouveau cycle technologique [qui] redéfinit où se créer la valeur ».
Le nouveau défi pour les éditeurs français ne serait plus d’intégrer la GenAI mais de devenir « AI-First ».
« C’est un changement de paradigme qui touchera toutes les strates du logiciel : de la conception technique à la relation client, de la gouvernance à la distribution », s’enthousiasme Jean-Philippe Couturier.
Un débat sur l’IA
Mais cet enthousiasme ne fait pas forcément l’unanimité. En témoigne une scène lors d’un compte rendu sur le Top 250 annuel des éditeurs locaux (réalisé par EY pour l’association).
Alors que Jean-Philippe Couturier vantait les bienfaits de l’agentique pour le développement et les actions commerciales dans sa propre entreprise, le président de Lucca, Gilles Satgé – venu recevoir un prix de l’innovation – a challengé publiquement le président.
« Tu vois vraiment ça chez toi ? », lui demande-t-il, en évoquant l’augmentation de la productivité des développeurs. S’en est suivi un débat inattendu sur le ROI, sur la qualité du code généré, puis au sujet de l’impact réel sur le développement commercial, et enfin sur les attentes réelles des clients.
« Si j’avais écouté tous les conseils, j’aurais mis de l’IA partout depuis 3 ans. Notre offre serait devenue obsolète ou inadaptée [à l’attente des clients] », tranche Gilles Satgé. De son côté, Jean-Philippe Couturier l’assure ; bien utilisée, l’IA agentique augmenterait à la fois la qualité et la productivité.
Pas vraiment une polémique, mais cet échange traduit un agacement palpable d’une partie de l’écosystème sur les « buzz » successifs. D’autant que des questions sur ces formes d’IA restent en suspens.
L’IA, priorité des éditeurs
Globalement, le marché des éditeurs français a progressé de 7,4 % en un an (à 23,1 milliards €), une forte progression, mais inférieure à l’année précédente (+9,1 %).
« La croissance du secteur reste soutenue par l’innovation, qui demeure le principal levier cité par les éditeurs […] en particulier l’IA, avec l’enjeu de transformation des acteurs historiques et l’arrivée des acteurs “AI native” », constate le rapport.
EY ne précise pas s’il s’agit d’IA agentique, d’IA générative ou de l’IA traditionnelle (prédictif, ML, etc.). Quoi qu’il en soit, sous toutes ses formes, « l’IA est devenue la priorité pour 32 % des éditeurs, en forte progression par rapport à 2023 (22 %) ». Et plus de huit éditeurs français sur dix la considéreraient comme la priorité technologique (+9 %) devant le cloud/SaaS et même la cybersécurité, liste le rapport.
De fait, les éditeurs sont plus nombreux à avoir intégré l’IA générative dans leurs produits (+20 points en un an, à 61 %). Et 30 % prévoient de le faire d’ici deux ans. En résumé, tous les éditeurs y vont.
Une addiction à la dépendance ?
Mais il reste les problématiques délicates du « Make or Buy » et du modèle économique pour vendre l’IA.
La question de la tarification se posait déjà l’année dernière. Elle persiste en 2025. Les réponses au rapport d’EY sont en effet sujettes à interprétation.
Un tiers des éditeurs disent par exemple ne pas la faire payer… ou l’intégrer dans le prix initial (ce qui peut revenir à la faire payer « à la Microsoft »). Par ailleurs, 21 % disent la proposer, mais « ne pas avoir intégré la tarification ». Point intéressant sur ces flous, c’est le seul sujet du rapport à ne pas être commenté par le cabinet d’audit.
Quant à la maîtrise de cet élément IA qui risque de devenir cœur de métier pour les éditeurs, l’externalisation est paradoxalement devenue la norme – comme précédemment pour les infrastructures avec le cloud.
« 76 % des éditeurs privilégient des solutions tierces plutôt que leurs propres modèles, révélant une forte dépendance aux technologies tierces », prévient EY.
Le rapport ne précise pas les solutions en question. Mais si cette stratégie se confirme, elle peut créer un risque sur les coûts (augmentation possible du prix de la GenAI par les prestataires), un manque de maîtrise à long terme sur chaîne de valeur (PI), et un danger pour la confidentialité des données que les clients confient aux éditeurs (un point bloquant à la vente déjà cité par 23 % de ces mêmes éditeurs).
Plus d’IA en interne, moins d’embauches
Et en interne ? Quasiment tous les éditeurs (90 %) ont mis des outils d’IA génératives dans les mains de leurs employés, principalement pour la R&D (dev) et pour le support technique/SAV.
Un des effets de bord perceptibles de cette généralisation est un ralentissement des embauches. Certes 60 % des éditeurs pensent encore recruter, mais c’est 10 points de moins que l’an passé. « Un contexte économique incertain et des gains de productivité apportés par l’IA expliquent cette tendance », analyse le rapport.
Sur ces gains, Numeum avance : « 61 % du panel observe que la mise à disposition de technologies d’IA permet de gagner en productivité ».
