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Espionnage : Huawei veut jouer la transparence pendant que Washington continue ses pressions

L’équipementier propose d’ouvrir un centre de cybersécurité en Pologne, afin de rassurer les autorités locales. Dans le même temps, les Etats-Unis cherchent à rallier leurs partenaires européens à leurs positions.

Faire patte blanche. C’est la volonté affichée de Huawei qui se propose d’ouvrir, en Pologne, un centre où il travaillera avec les autorités locales pour assurer de l’absence de toute porte dérobée conduisant à Pékin, au sein de ses équipements. Cette démarche survient après que le ministère de l’Intérieur polonais a appelé l’Otan et l’Union Européenne à définir une position commune sur le sujet. De tels centres sont déjà en place outre-Manche et en Allemagne.  

Parallèlement, le parquet américain vient d’accuser très officiellement Huawei de vol de secrets commerciaux et d’obstruction à la justice, notamment. Surtout, Washington assure son propre lobbying en Europe pour essayer d’obtenir de ses partenaires qu’ils suivent ses positions à l’encontre de l’équipementier.

Selon nos confrères de Reuters, alors que les Five Eyes s’affichent sur la même ligne de front, « les Etats-Unis voient l’Union Européenne comme leur principale priorité, dans un effort global de conviction de leurs alliés de ne pas acheter d’équipements Huawei pour les réseaux mobiles de nouvelle génération ». Mais toujours sans avancer de preuve.

Interrogé sur le sujet lors d’une conférence de presse, en marge du Forum international de la cybersécurité, qui se déroulait cette semaine à Lille, Guillaume Poupard, directeur général de l’Anssi, a rappelé que les équipements de cœur de réseau font l’objet de contrôles importants en France : « une demande d’autorisation est faite [avant la mise sur le marché des équipements de cœur de réseau, une instruction technique est menée par des experts, en bonne partie de l’Anssi, qui vont parfois très très loin ».

Et d’ajouter que cela peut se traduire par des expérimentations, par l’accès au code source, une mise en situation sur des plateformes de référence, etc. Des examens qui peuvent parfois conduire à des modifications des équipements. « Et il va sans dire que si l’on trouve des capacités d’interception qui ne sont pas légales, cela clôt l’instruction du dossier. Ce travail-là, on le fait avec l’ensemble des équipementiers ».

Pour Guillaume Poupard, ce processus permet de « se forger une opinion, pas à l’emporte-pièce, ni suivant le pays d’origine de l’équipementier, mais qui s’appuie sur un ensemble de considérations, essentiellement techniques. C’est peut-être cela qu’il faut durcir et développer pour appréhender des équipements 5G, qui sont beaucoup plus complexes qu’un simple cœur de réseau. Et c’est le centre de la question aujourd’hui ».

Depuis, le gouvernement français a déposé un amendement au projet de loi Pacte visant l’ensemble des équipementiers télécoms, dont Huawei de toute évidence. Mais celui-ci ne manque pas d’une ironie certaine, relevée par nos confrères de Next Inpact. Prévoyant une « procédure d’autorisation préalable à l’exploitation des équipements de réseaux radioélectriques », le texte peut sembler taillé pour épuiser les craintes. Mais dans la pratique, il vise notamment à assurer que ces équipements offriront la souplesse nécessaire à la réalisation des écoutes par les services français. De quoi offrir leur petite porte aux grandes oreilles de l’Etat.

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