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La Commission européenne veut mettre l’IA au centre de sa stratégie numérique

La Commission européenne a présenté son plan de bataille dans le but de faire de l’Europe un territoire incontournable de l’intelligence artificielle tout en régulant l’usage des algorithmes.

Le mercredi 19 février, la Commission européenne a présenté sa stratégie pour porter l’Europe à l’échelle des enjeux du numérique. Celle-ci repose en partie sur un livre blanc dédié à l’intelligence artificielle qui contient des promesses d’action et de régulation. Un autre document présente la « stratégie data » promue par la Commission.

« C’est comme un puzzle. Le livre blanc d’encadrement de l’IA et notre stratégie data ne sont que deux pièces de ce puzzle. Il nous faut avoir les autres pièces pour voir le tableau en son entier », déclare Margrethe Vestager, Vice-présidente exécutive de la Commission européenne.

L’intelligence artificielle doit être supportée et régulée pour établir un « écosystème de confiance et d’excellence », peut-on lire dans le livre blanc.

Six actions pour créer un « écosystème d’excellence » dédié à l’IA

À ce titre, le document présente 6 actions qui seront chapeautées par la Commission européenne. La première d’entre elles vise à renforcer la coopération économique et scientifique entre les pays membres de l’UE. Celle-ci consiste à revoir le plan stratégique dédié à l’IA, adopté en avril 2018, à l’aune de la consultation publique d’une durée de trois mois qui suit la publication du livre blanc.

Ensuite, la Commission européenne veut rassembler les compétences en créant des centres d’excellence dédiés à des secteurs d’activité (industrie, santé, transport, finance, etc.) qui pourront combiner des investissements nationaux et privés. Dans la même veine, l’institution veut que les universités et les instituts compétents en matière d’IA rejoignent un réseau européen afin « d’attirer les meilleurs professeurs et scientifiques et de créer des programmes d’envergure mondiale ».

De même, l’organisation cherche à pousser la création d’un « Digital Hub » par pays membre, spécialisé dans l’IA. Pour le soutenir, la CE commencera par créer, dès le premier trimestre 2020, un fonds d’investissement de 100 millions d’euros pour soutenir les startups et les PME en la matière. Le programme Horizon Europe permettra également de mettre en place de nouveaux partenariats publics-privés sans en préciser la nature. Enfin, la Commission veut initier un programme pour « transformer les processus » des services publics.

À terme, elle souhaiterait que les entreprises, les investisseurs et les institutions publiques injectent environ 20 milliards d’euros dans le secteur de l’IA en Europe par an.

Ces ambitions sont toutefois contrebalancées par des défis économiques et des risques techniques pour la sécurité des données et des personnes. Une quinzaine de pages du document sont consacrés aux dangers de l’IA, exemples à l'appui. Il est beaucoup question de possibles modifications de régulations pour favoriser la transparence des technologies. L'instance dirigeante veut réguler l’utilisation de la reconnaissance faciale, entre autres. La Commission européenne veut ainsi mieux contrôler les usages de ces technologies, mais de manière proportionnée pour ne pas trop peser sur le fonctionnement des PME et des startups. L’organisme effectuera ses propositions à la fin de l’année 2020.

Favoriser la souveraineté numérique

C’est dans cet écrin régulé que Thierry Breton, commissaire du marché intérieur, vante les mérites « d’un marché unique de la donnée », explicité dans un document consacré à la « stratégie Data » de l’Europe. Cet espace numérique est censé respecter les législations et les mécanismes de gouvernance instaurés dans l'Union européenne, tout en facilitant la circulation des données à travers des secteurs d’activité. Pour ce faire, l'organisation prévoit de mettre l'accent sur l'intéropérabilité des données.

« L’Europe a encore un avantage parce que nous avons la base industrielle la plus développée », avance l’ancien PDG d’Atos.

Techniquement, il s’agit de construire une plateforme cloud hybride dite « Cloud to Edge » dont l’accès serait sectorisé (industrie, écologie, mobilité, santé, finance, énergie, agriculture, etc.) afin que les entreprises partagent et exploitent des données « industrielles ». La Commission européenne prévoit d’investir 2 milliards d’euros pour ce projet qui s’inscrit dans une stratégie d’obtention de la souveraineté technologique. Le déploiement serait prévu pour 2022.

Les deux documents cités ci-dessus s’avance même sur le soutien au développement de l’informatique quantique, de la 6G (si,si) et des supercalculateurs pour rivaliser avec les acteurs américains et chinois.

Des ambitions dépendantes d’un plan de financement pluriannuel

« La Commission a proposé plus de 4 milliards d'euros dans le cadre du programme "Europe numérique" pour soutenir la conception des supercalculateurs et de l'informatique quantique, y compris l'Edge Computing et l'IA, les données et les infrastructures cloud. La stratégie européenne en matière de données développe ces priorités », lit-on dans le livre blanc.

« L’Europe doit disposer de ses propres capacités numériques notamment en matière d'informatique quantique, de connectivité 5G, de cybersécurité ou d'intelligence artificielle », écrit Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans une tribune.

Toutefois, les moyens financiers à la disposition de l’Union européenne ne seraient pas forcément taillés pour appuyer cette stratégie. Dans une session de questions-réponses, Christian EHLER, député membre du groupe du Parti populaire européen, expriment des doutes concernant le financement de la plateforme « Cloud to Edge ». Ce ne serait pas un problème selon Thierry Breton. « Il faut être actif et offensif. […] Notre budget est solide », considère-t-il. Ce budget est en cours de négociation.

Encore faut-il que les acteurs IT européens capables de soutenir une telle stratégie répondent à cette invitation.

Enfin, le gouvernement des 27 évoque ici une stratégie à long terme compris dans un plan de financement qui rentrera pleinement en action entre 2021 à 2027. Les régulations annoncées, notamment le Digital Service Act et le Data Act, pourraient, elles, s'appliquer dès 2022.

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