Cet article fait partie de notre guide: Le grand guide du « cloud souverain »

GAIA-X : Scaleway s’en va

Scaleway, un des membres fondateurs de GAIA-X, claque la porte du conglomérat. Les géants du cloud réussiraient à ralentir volontairement le projet pour leur propre intérêt, dénonce le cloudiste français. Une décision qui oblige GAIA-X à réagir.

Scaleway a choisi ce 18 novembre, jour du lancement du Gaia-X Summit, pour annoncer par la voix de Yann Lechelle, son directeur général, qu’il ne renouvellerait pas son adhésion (45 000 euros) au consortium GAIA-X.

« Les objectifs de l’Association, quoique louables au départ, sont de plus en plus détournés et contrariés par un paradoxe de polarisation ayant pour conséquence de renforcer le statu quo, c’est-à-dire une concurrence déséquilibrée », explique par communiqué le directeur général, sans expliciter cette « polarisation ».

Un pavé dans la mare de GAIA-X

Pour rappel, le fournisseur cloud français, filiale d’Illiad, était en juin 2020 l’un des 22 membres fondateurs de l’association GAIA-X aux côtés d’OVHcloud, Deustche Telekom, 3DS Outscale, SAP, Siemens, Atos, ou encore BMW.

Le 29 mars 2021, l’association avait annoncé la participation de 212 autres membres dits « Day One », tous acceptés par le conseil d’administration de la structure. Aujourd’hui, GAIA-X rassemble 320 entreprises, organisations et instituts de recherche. Dont les divisions européennes de Microsoft, Amazon, Google, mais aussi Huawei, tandis qu’Alibaba y a inscrit sa branche singapourienne.

La présence de ces membres « Day One » extraeuropéens avait créé une forme de confusion sur les intentions de GAIA-X, que les dirigeants du programme ont tenté de dissiper. En l’occurrence, seuls les 22 membres fondateurs, pleinement soumis au droit européen, peuvent participer à la gouvernance de l’association.

Mais pour Yann Lechelle, la réalité serait différente. Sur le plateau de la chaîne de télévision B-Smart, le directeur général de Scaleway a laissé entendre aujourd’hui que la présence des membres « Day-One » chinois et américains dans GAIA-X déséquilibrerait le projet initial. « Les acteurs dominants sont dans la conversation tous les jours, ils sont dans les comités techniques avec un poids extraordinaire », accuse-t-il. « En réalité, de manière très indirecte, leurs intérêts sont représentés ».

« Les acteurs dominants sont dans la conversation tous les jours, ils sont dans les comités techniques avec un poids extraordinaire. »
Yann LechelleCEO, Scaleway

GAIA-X vise trois objectifs. Le premier consiste en la création de spécifications pour fédérer des services provenant de différents clouds – notamment européens – et à bâtir une infrastructure de partage sécurisée de données ouvertes.

Le deuxième vise à développer une implémentation open source de ces architectures. Le troisième a pour but de fournir les instruments pour automatiser les tests de conformité validant l’implémentation technique et réglementaire de ces architectures.

Le tout doit aider les acteurs européens à s’imposer, sans pour autant exclure les cloudistes américains et chinois, que les entreprises du Vieux Continent souhaitent de toute façon utiliser dans une stratégie multicloud.

Mais là encore, Yann Lechelle estime que la réalité ne correspond plus à cet objectif initial. Pour lui, le projet serait au contraire volontairement ralenti. « Il faut aller à la vitesse du marché. Or les acteurs qui ont déjà gagné ce marché veulent tout faire pour que les nouveaux entrants ne rentrent pas », déclare-t-il au micro de B-Smart.

Un départ qui fragilise GAIA-X

Conséquence de ce double constat, Scaleway claque la porte de GAIA-X.

« On ne va pas perdre du temps dans des entités qui finalement ne vont pas à la vitesse à laquelle il faut aller », conclut-il sur B-Smart. « Scaleway choisit de consacrer son temps, ses capitaux et son attention à améliorer son offre multicloud, un facteur clé pour une véritable réversibilité et ouverture ».

La date choisie pour faire cette annonce peut néanmoins questionner. Scaleway ne peut ignorer que ce départ – et les explications très dures qui l’accompagnent – éclipsera le sommet de GAIA-X et ses éventuelles annonces. Et qu’elle met l’association dans une situation encore plus inconfortable.

Quoi qu’il en soit, au-delà du jeu de communication, le renoncement d’un membre fondateur ne peut que fragiliser le projet. Un projet qui n’a cependant pas attendu Scaleway pour se fragiliser tout seul (sponsoring maladroit de son sommet par des géants non européens, bisbilles entre Français et Allemands, communication confuse sur ses avances).

Scaleway a en tout cas mis la pression sur GAIA-X : une autre défection sonnerait comme le début de la fin pour l’initiative européenne. L’association saura-t-elle faire de ce choc une opportunité pour réagir et clarifier – radicalement – sa communication et son approche ? Il faut l’espérer pour elle. Sinon Scaleway aura eu raison.

Euclidia, l’autre conglomérat cloud de Scaleway

Scaleway fait partie depuis juillet 2021 d’un autre projet de cloud européen, l’European Cloud Industrial Alliance (Euclidia) avec 22 sociétés européennes, dont BlueMind, Jamespot, Nexedi, Nextcloud ou encore Abilian.

Cette association se présente comme une alternative à GAIA-X, avec des solutions purement européennes dans une optique de souveraineté technologique.

« Alors que l’on parle beaucoup de cloud souverain, les projets actuels des gouvernements européens dans le cadre de GAIA-X reposent toujours sur les technologies américaines d’AWS, Google et Microsoft qui sont soumises à la surveillance étrangère (FISA) et ont tendance à capter la valeur du client par des prix excessifs », critique Euclidia sur son site officiel. « Une solution européenne pour une véritable indépendance technologique est nécessaire. Il existe une demande croissante pour une approche intégrée, basée sur les technologies du cloud créées par les PME en Europe. Elles sont innovantes, extrêmement compétitives, mais doivent être davantage promues » invite cet autre conglomérat cloud.

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