À quoi ressembleront les datacenters quantiques ?

IBM promet un supercalculateur hybride, qui embarquera des processeurs quantiques et conventionnels. Cette évolution aura un impact sur l’installation matérielle et sur les logiciels.

IBM a mis à jour sa feuille de route en matière d’informatique quantique : processeurs quantiques, unités centrales (CPU) et unités de traitement graphique (GPU) seront combinés en une matrice de calcul (une « fabric ») pour résoudre des problèmes complexes.

« Nous pensons avoir trouvé comment faire évoluer des ordinateurs quantiques en supercalculateurs quantiques, comme nous les appelons », affirme Jay Gambetta, chercheur chez IBM et vice-président d’IBM Quantum.

Dans sa nouvelle roadmap, IBM dévoile, pour 2023, un processeur Heron à 133 qubits (bits quantiques) avec des portes réagencées et des coupleurs accordables pour améliorer vitesse et fiabilité.

« Parallèlement à ce plan, nous cherchons à pouvoir contrôler plusieurs processeurs Heron à partir de la même architecture matérielle. Nous visons une informatique quantique avec des communications classiques entre chaque processeur, ajoute-t-il. Heron permettra la parallélisation classique entre circuits quantiques. »

IBM étudie également un coupleur « puce à puce » pour exécuter des portes à 2 qubits entre des qubits sur différentes puces. Jay Gambetta annonce qu’IBM prévoit de présenter, en 2024, un produit suffisamment avancé pour en faire une démonstration. Il s’agira d’un processeur de 408 qubits, appelé Crossbill et développé sur Heron, composé de 3 puces couplées dans ce coupleur modulaire.

« Notre objectif est que l’utilisateur ait l’impression d’utiliser un seul processeur, plus grand. »
Jay GambettaChercheur et V-P IBM Quantum

« Notre objectif est que l’utilisateur ait l’impression d’utiliser un seul processeur, plus grand », dit-il.

En 2024, poursuit-il, IBM prévoit de lancer la communication quantique à plus longue portée entre puces, et de créer des grappes de processeurs quantiques en utilisant un coupleur longue portée, qui connectera des puces qubits via un câble cryogénique d’un mètre de long environ.

« Nous ferons une démonstration de cette architecture en interconnectant au moins trois processeurs Flamingo de 462 qubits, assemblés dans un système de 1 386 qubits. En raison du câble physique, nous nous attendons, sur ce coupleur à longue portée, à des portes plus lentes et de moindre fidélité que celles intégrées aux puces. Notre logiciel devra donc prendre en compte cette limitation d’architecture afin que nos utilisateurs puissent tirer le meilleur parti de ce système », anticipe Jay Gambetta.

Kookaburra sera le prochain processeur quantique. Prévu pour 2025, ce processeur multipuce de 1 386 qubits, doté d’un lien de communication quantique, prendra en charge la parallélisation quantique. Le chercheur ajoute qu’IBM prévoit d’embarquer 3 puces Kookaburra sur un système de 4 158 qubits connecté par communication quantique.

IBM a également exploré les aspects logiciels de l’informatique quantique, et notamment une approche hybride, afin de matérialiser plus rapidement les avantages des systèmes quantiques. Les problèmes étant décomposés en plusieurs petits programmes quantiques et classiques, une couche d’orchestration permet de souder les flux de données en un workflow global. Cette approche est nommée Quantum Serverless par la firme.

« Quantum Serverless s’intéresse aux combinaisons de ressources élastiques de l’informatique quantique et classique, qui n’exigent pas une expertise particulière des développeurs en matériel ni en infrastructure, mais qui peuvent leur affecter les ressources de calcul nécessaires à bon escient », précise Jay Gambetta. « En 2023, nous pensons intégrer Quantum Serverless à notre pile logicielle de base pour favoriser des fonctionnalités essentielles telles que le “tricotage” de circuits (ou circuit knitting). »

Katie Pizzolato, directrice Théorie et applications pour IBM Quantum, s’exprime sur les défis à relever pour connecter des ordinateurs quantiques : « En termes d’évolutivité, pour créer un système de 4 158 qubits, le nombre de qubits admis sur un appareil et les modes de liaison des appareils sont limités. »

Et de préciser qu’entre 300 et 400 systèmes qubits peuvent être reliés au moyen de la technologie développée par IBM dite de couplage à courte portée. Le couplage à longue portée doit être assez rapide pour que la performance des applications ne soit pas excessivement limitée par le ralentissement de la connectivité entre les grappes de 300 à 400 systèmes qubits.

« L’idée est de rassembler un maximum de matériel dans le même caisson réfrigéré, qui peut contenir jusqu’à 1 000 qubits », ajoute Katie Pizzolato.

Dévoilé en novembre 2021, le Quantum System Two d’IBM est le premier exemple de système capable d’évoluer suivant une conception modulaire. Considérant que la connectivité est limitée à un mètre entre les systèmes qubits, les grappes de systèmes pourraient être organisées en cylindres, chacun disposant d’un caisson réfrigéré contenant un certain nombre de systèmes qubits sur les 300 à 400 interconnectés.

« D’ici 2025, nous aurons fait tomber les principaux obstacles à l’évolution des processeurs quantiques, avec le matériel quantique modulaire et l’infrastructure annexe de contrôle électronique et cryogénique. »
Katie PizzolatoDirectrice Théorie et applications, IBM Quantum

« D’ici 2025, affirme-t-elle, nous aurons fait tomber les principaux obstacles à l’évolution des processeurs quantiques, avec le matériel quantique modulaire et l’infrastructure annexe de contrôle électronique et cryogénique. Nous devons absolument introduire de la modularité aux niveaux logiciel et matériel si nous voulons atteindre ce niveau bien avant nos concurrents. »

Alors que les besoins en construction, énergie et refroidissement des datacenters viennent tout juste de changer pour les serveurs lames, IBM annonce que la firme réfléchit déjà à la question de la conception de centres hybrides pour l’informatique conventionnelle et quantique.

« D’expérience, nous pouvons dire que les besoins d’un datacenter quantique sont très proches de ceux des centres conventionnels, avec des solutions abordables pour accueillir un équipement cryogénique », explique Katie Pizzolato.

« Besoins en électricité et en eau de refroidissement, encombrement, standardisation des éléments d’infrastructure et des systèmes… nous n’avons laissé de côté aucun aspect de la conception. Et grâce à notre longue expérience en conception de systèmes et de datacenters, nous sommes rapidement passés à la conception de nos centres de données quantiques », conclut-elle.

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