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Moderna modélise une séquence d’ARN messager avec l’informatique quantique

En partenariat avec IBM, le laboratoire américain Moderna a simulé une séquence d’ARNm de 60 nucléotides à l’aide de 80 qubits sur une puce Heron d’IBM – un record dans le domaine, qui ouvre la voie à des processus hybrides où le quantique ne remplace pas l’informatique classique, mais la complète.

IBM Quantum et le groupe pharmaceutique pionnier dans l’usage de l’ARN messager (ARNm) pour concevoir vaccins et traitements, Moderna, ont franchi un nouveau cap dans la modélisation avec l’informatique quantique en prédisant la structure secondaire d’une séquence d’ARN messager (ARNm) longue de 60 nucléotides.

La collaboration porte en particulier sur la prédiction des structures secondaires des séquences d’ARNm, c’est-à-dire la manière dont elles se replient en tiges, boucles et autres structures influant sur leur efficacité.

L’enjeu majeur, alors que chaque protéine peut être codée par un nombre quasi infini de combinaisons de nucléotides, est de déterminer la plus stable, la plus efficace et la plus sûre à produire – ce qui complexifie considérablement l’optimisation.

Cette avancée a été obtenue à l’aide d’un processeur quantique Heron d’IBM mobilisant 80 qubits. Elle constitue la simulation la plus longue de ce type jamais réalisée sur un ordinateur quantique, selon les deux partenaires.

Un algorithme hybride pour un défi de l’ARNm

Pour y parvenir, les chercheurs de Moderna et d’IBM ont utilisé des algorithmes variationnels quantiques (VQA), renforcés par une méthode issue de la finance appelée CVaR (Conditional Value at Risk), pour identifier les conformations les plus stables.

Le procédé permet de concentrer l’optimisation sur les solutions les plus prometteuses tout en limitant l’impact des résultats aberrants liés au bruit du calcul quantique, le tout sans alourdir la charge de calcul.

« Nous pensons qu’il est essentiel d’explorer tous les outils disponibles, y compris l’informatique quantique, pour accélérer nos progrès dès aujourd’hui, sans attendre que la technologie soit pleinement mature », explique Alexey Galda, directeur scientifique associé chargé des algorithmes et applications quantiques chez Moderna.

Explorer le calcul quantique aujourd’hui, pour éviter l’urgence demain

« Nous adoptons les nouvelles technologies très tôt, car nous préférons les comprendre à notre rythme […] au lieu d’attendre qu’elle arrive à maturité et de devoir l’assimiler dans l’urgence », ajoute Wade Davis, vice-président senior du numérique chez Moderna.

Le jalon des 60 nucléotides a été atteint en 2024, alors que les précédentes simulations se limitaient à 42 nucléotides au maximum.

Les prochaines étapes, prévues pour publication d’ici fin 2025, visent à étendre cette méthodologie à des systèmes plus vastes : jusqu’à 156 qubits manipulant 950 portes quantiques non locales.

IBM et Moderna travaillent également sur une nouvelle méthode baptisée « IQPC-based quantum optimization » (optimisation quantique par circuits polynomiaux instantanés), censés permettre une meilleure répartition de la charge de calcul entre les ressources classiques et quantiques.

L’informatique quantique ne remplace pas les méthodes classiques

Plus largement, Moderna a pour projet de construire une chaîne de R&D biotechnologique « enrichie par le quantique »… sans pour autant remplacer les méthodes de calcul traditionnelles, insistent ses responsables.

« On pense souvent que le but de l’informatique quantique est de surpasser les méthodes classiques. Ce n’est pas nécessairement le cas », nuance Alexey Galda. « Le vrai bénéfice peut aussi résider dans la diversité des solutions que propose un outil quantique – une plus grande variété de molécules à générer, à tester, et à valider en laboratoire. »

« Disposer de cet outil supplémentaire, avec des qualités très spécifiques, est extrêmement précieux pour les problèmes de calcul liés aux principaux goulets d’étranglement dans notre workflow », conclut-elle. « Je pense que le scénario le plus réaliste est que l’informatique quantique viendra compléter notre informatique classique et qu’il nous offrira certains avantages dans certains domaines. ».

Pour IBM, ce résultat est aussi une opportunité de montrer que des processeurs quantiques – comme Heron – peuvent être utiles « dès aujourd’hui », sur certains problèmes scientifiques ciblés… à condition d’être intégrés dans des environnements mixtes bien définis.

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