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Cybersécurité, FinOps, IA : les entreprises d’Occitanie prennent les taureaux par les cornes

Face aux défis IT modernes, des entreprises occitanes du numérique se sont regroupées au sein du cluster Digital 113 pour mieux mutualiser des moyens et « agir collectivement ». Une démarche locale, et inspirante, dans un contexte général incertain.

Les entreprises françaises évoluent dans un monde IT traversé par de nombreuses secousses. Les cyberattaques sont en hausse de 24 % sur un an (selon l’ANSSI), la surconsommation IT de 28 % (dixit la FinOps Foundation), et les difficultés de recrutement explosent (+75 % selon l’Apec).

Face à ces chiffres préoccupants, certaines entreprises se rapprochent et s’organisent. L’association Digital 113 en Occitanie, en est un exemple. « Face à ces mutations, le cluster occitan refuse la morosité », lance, volontariste, le groupement à l’occasion de la publication d’une note de conjoncture sur les enjeux et les perspectives pour l’Économie Numérique.

Car pour le cluster, des solutions existent, à condition d’identifier les « chantiers prioritaires pour rester compétitif » et de ne pas être seul.

Un ralentissement de l’activité

Le constat d’abord. « Alors que la tech française affichait des croissances insolentes, les prévisions 2025 sont nettement plus prudentes », alerte Digital 113. « Le secteur a bien morflé », résumait même un dirigeant lors d’un évènement Numeum en janvier.

« La réduction des aides publiques et des levées de fonds renforce cette prudence budgétaire. »
Digital113

Faute de moyens suffisants, les investissements IT des acteurs du numérique (et des clients) se concentreraient désormais sur les solutions SaaS et cloud, au détriment des services de développement sur mesure.

« La réduction des aides publiques et des levées de fonds renforce cette prudence budgétaire », constate Digital 113.

Dans le même temps, ce passage au cloud – censé être plus abordable – réserverait de plus en plus de mauvaises surprises en matière de surcoûts. L’association cite la FinOps Foundation, qui estime que 40 % des entreprises ne maîtriseraient pas leur gestion FinOps. Avec à la clef une surconsommation moyenne de 28 % sur leurs infrastructures.

Les défis de la réglementation

Le contexte réglementaire est un autre défi pour des structures – souvent des PME et des ETI – qui peinent à suivre la production législative (AI Act, NIS2, DORA, Cyber Resilience Act, etc.)

« La réglementation n’est pas là pour brider l’innovation. »
Amélie LeclercqDirectrice générale de Digital 113

« L’Europe impose une sécurisation croissante des infrastructures numériques. [Mais] 70 % des entreprises ne sont pas encore conformes », souligne Digital 113, citant des chiffres de Numeum.

« Pourquoi cette pression réglementaire ? », poursuit Amélie Leclercq, la directrice générale de Digital 113, sous forme de question. « Elle n’est pas là pour brider l’innovation, mais pour mieux protéger […] face aux cybermenaces. La réglementation ne doit pas être un frein, mais un guide pour une technologie au service de l’humain. L’IA Act, par exemple, place l’éthique, l’explicabilité et la garantie humaine au cœur des usages de l’IA », répond-elle.

Il n’en reste pas moins que suivre le train réglementaire n’est pas simple.

Jouer en équipe

Pour l’association, une piste de solution à ces problématiques est de jouer collectif, insiste Françoise Nauton-Inglis, la présidente de l’association et de Spiriit, une agence spécialisée dans le marketing digital et le développement de plateformes e-commerce.

« [Il faut] identifier les sujets critiques et agir collectivement. »
Françoise Nauton-InglisPrésidente de Digital113

Elle ne le dit pas avec ces mots, mais, en substance, l’écosystème aurait tout à gagner à s’inspirer du club iconique de la région et de son jeu imaginatif et collectif, le Stade toulousain (Digital113 possède un bureau à Toulouse et un à Montpellier).

Il faut « identifier les sujets critiques et agir collectivement », martèle Françoise Nauton-Inglis.

D’où l’idée, par exemple, d’un dispositif commun d’ingénierie (baptisé FEDER) pour accompagner le montage de projets, le développement international et l’obtention de financements européens.

Ce dernier point semble particulièrement important pour l’association dans la mesure où les aides de l’Union européenne « atteignent des sommets » (sic) avec 22 milliards d’euros en 2025 (+16 % en un an), mais où les organisations françaises resteraient très minoritaires à avoir industrialisé l’IA (23 %, chiffre Numeum).

« Nous mutualisons les expertises au sein de nos Factory, pour innover ensemble et structurer des modèles de croissance durable » vante Françoise Nauton-Inglis. Le but étant d’« accélérer l’accès à l’international et aux marchés porteurs – comme l’industrie 4.0 ou la e-santé ».

Des formations, des ateliers, un réseau

D’où, également, l’idée de mutualiser les moyens au sein de formations (compréhension et mises en pratique des réglementations), d’ateliers (DevSecOps « by design », de stratégies FinOps, écoconception, etc.) et de mises en commun d’informations (réseau d’écoles, d’universités et d’organismes de formation pour trouver des talents dans un contexte de pénurie).

Les actions du cluster peuvent être très opérationnelles – comme aider à trouver des bureaux, accéder aux salons professionnels, ou rencontrer des experts des relations presse (ce qui a été le cas pour le spécialiste de l’IoT Synox ou celui de l’IA et de la gestion de données Datasulting).

Elles peuvent être plus « stratégiques », comme accompagner des membres sur les labélisations sur le Numérique Responsable (NR) ou cibler des appels à projets ou à propositions (AAP).

« Digital 113 a identifié un AAP européen qui pouvait concerner MDP Data [N.D.R. : un membre du cluster spécialiste de la conformité]. [Puis] l’a accompagné à monter le dossier en un temps record », illustre Amélie Leclercq. « Sans le cluster, cette entreprise, qui n’en avait pas l’habitude, n’aurait ni identifié l’AAP ni pu déposer le dossier ».

Un partenariat avec les pouvoirs publics

Digital113 – association de loi 1901 (lire l’encadré) – entretient également des relations avec les pouvoirs publics à différents niveaux : agglomérations (Toulouse Métropole, Sicoval Sud-est-toulousain, Montpellier Méditerranée Métropole), régional (avec la Région Occitanie), national et européen (avec notamment un cofinancement de l’Union européenne).

« Avec la Région Occitanie, nous avons signé un contrat de filière pour développer les acteurs du numérique, [mais aussi] pour la transformation numérique des autres filières. »
Amélie LeclercqDirectrice générale de Digital 113

« Les pouvoirs publics sont à la fois financeurs et partenaires » resitue Amélie Leclercq pour LeMagIT. « Ils comptent sur nous pour aider au déploiement de cette filière numérique, porteuse de potentiels (PIB, emplois, reconversion, etc.). »

« Avec la Région Occitanie, nous avons par exemple signé un contrat de filière qui vise à la fois le développement des acteurs du numérique, et le développement de la transformation numérique des autres filières », continue-t-elle. « Nous pilotons en particulier sur les sujets d’innovation, d’IA et de numérique responsable. Le Sicoval nous soutient d’ailleurs particulièrement pour notre stratégie Numérique responsable ».

D’autres clusters en France

Il existe d’autres clusters en France comme Digital League en Auvergne-Rhône-Alpes, ADN Ouest à Nantes, le SYRPIN, le SPN,et l’ALIPTIC en Nouvelle Aquitaine, ou encore Medinsoft en PACA – liste la responsable de Digital113. Preuve que ces initiatives semblent fonctionner.

Tiendront-elles toutes leurs promesses ? Contineuront-elle à essaimer dans d’autres territoires ? Le futur le dira. En attendant, les acteurs du numérique de la région Occitanie ont pris le taureau par les cornes. Dans la plus pure tradition camarguaise.

Qu’est-ce que Digital113 ?

Digital113 est un cluster d’entreprises du numérique. En 2025, il fédère 300 entreprises pour 18 000 emplois, répartis sur les 13 départements d’Occitanie. Il est le fruit de la fusion des deux anciens clusters régionaux, FrenchSouth.digital et DigitalPlace.

Article initialement publié le 07/03/2025, MaJ le 10/03/2025 avec des précisions sur les missions de Digital113, ses relations avec les pouvoirs publics, et sur la tendance aux clusters numériques dans d’auters régions.

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