Heroku Fir promet de « minimiser » le verrouillage propriétaire grâce à la prise en charge des projets phares de la CNCF, dont Kubernetes et OpenTelemetry. C’est aussi un moyen pour Salesforce de combler les trous dans la raquette pour rendre sa suite d’agents IA véritablement utiles aux entreprises.
En décembre dernier, la filiale de Salesforce avait présenté son plan de modernisation de sa PaaS. Il impliquait le lancement d’une version nommée Heroku Fir. Elle entrera en disponibilité générale au cours de ce mois d’avril.
Au lieu de s’appuyer sur des briques maisons, Heroku Fir exploite les services d’AWS, dont Amazon Elastic Container Registry, AWS Global Accelarator, la base de données managée Aurora, la distribution Kubernetes EKS, Amazon Bedrock et les instances EC2 propulsées par les processeurs Graviton.
La « renaissance » d’Heroku
« Il s’agit d’une renaissance d’Heroku, d’une certaine manière », déclare Betty Junod, chief marketing officer de Heroku et senior vice-présidente chez Salesforce, dans un entretien avec LeMagIT en marge de la KubeCon 2025 Europe.
« Heroku a vu le jour en 2007. Donc avant Docker, avant Kubernetes, au début d’AWS. La conteneurisation et l’orchestration à l’intérieur d’Heroku ont donc été conçues sur mesure parce qu’elles n’existaient pas », poursuit-elle.
Au-delà du fait de s’appuyer sur les services managés d’AWS, la CMO assure que cette modernisation permet à Heroku d’accéder « à l’ensemble de l’écosystème de la Cloud Native Computing Foundation », et de proposer une sélection des projets les plus pertinents dans une expérience simplifiée.
« L’année dernière, nous avons travaillé à l’introduction de Kubernetes, des images de conteneurs OCI, des cloud native buildpacks et d’OpenTelemetry dans la sphère Heroku », liste Betty Junod.
Heroku Fir : une plus grande ouverture sur l’écosystème CNCF
Un Cloud Native buildpack est une librairie logicielle qui « transforme » le code source d’une application en images de conteneurs Docker.
Les buildpacks ne sont pas nouveaux. Heroku les a créés en 2011 et ils ont été par adopté Cloud Foundry, Gitlab, Knative et d’autres projets PaaS, selon la page du projet open source. Puis, en 2018, Heroku a créé les Cloud Native Buildpacks (CNBs) avec Pivotal, qui avait forké le travail d’Heroku au service de Cloud Foundry.
Comme Heroku respecte le standard OCI, il assure que les artefacts CNB peuvent être déployés sur Heroku Fir, mais également sur d’autres plateformes qui prennent en charge le standard, ou localement sur Docker. « Cette adhésion à des normes ouvertes vous offre une souplesse de déploiement et minimise le verrouillage propriétaire », affirme la communication de Salesforce.
« Cela nous permet de donner davantage d’indicateurs dans les tableaux de bord internes à Heroku, mais il est possible de faire sortir les métriques vers des outils d’observabilité. »
Betty JunodChief marketing officer de Heroku et senior vice-présidente chez Salesforce
La même philosophie guide l’adoption d’OpenTelemetry. « Cela nous permet de donner davantage d’indicateurs dans les tableaux de bord internes à Heroku, mais il est possible de faire sortir les métriques vers des outils d’observabilité », assure Betty Junod.
Heroku s’appuie sur les briques d’auto-instrumentation pour simplifier la collecte de télémétrie. La filiale de Salesforce explique également qu’il est possible de traiter les traces, métriques et logs de manière plus « profonde » avec les SDK disponibles au sein d’OpenTelemetry.
Heroku Fir répond plus finement à une problématique rencontrée par certains clients : la résidentialité des données. La filiale de Salesforce assure que la télémétrie demeure dans le même espace (la même région cloud) où est déployée l’application (Dublin et Francfort, en Europe). L’éditeur affirme également donner davantage d’options pour exécuter les « dynos », les conteneurs spécifiques à Heroku, en sus d’une option d’autoscaling.
Heroku avait clairement besoin de cette modernisation. L’arrêt du tiers gratuit, le support limité pour les plus petites entreprises, les prix plus chers que la moyenne et le fait que d’autres solutions plus modernes s’appuyant sur Kubernetes gagnent de la traction semblent faire partie des éléments qui motivent cette opération. Betty Junod n’est pas totalement d’accord.
« Nous avons des milliers de clients, des grands groupes comme des startups », défend la CMO. « Il y a un flux constant de nouveaux clients qui s’inscrivent chaque mois ».
« Kubernetes, Docker et l’ensemble des projets de la CNCF ont concentré l’attention sur la plomberie, les pièces d’un plus grand puzzle », poursuit-elle. « De ce que j’ai vu ces deux dernières années, les clients trouvent difficile de déployer ceux-là à l’échelle. Beaucoup de clients disent qu’ils ne peuvent pas gérer l’infrastructure et qu’ils souhaitent désormais se concentrer sur la livraison applicative ».
Des assurances, des e-commerçants, des retailers continuent de s’appuyer sur Heroku pour déployer des applications « cœurs ».
Pour Agentforce, Salesforce a besoin d’Heroku
Mais c’est sans doute la place de Heroku dans l’écosystème Salesforce qui est réaffirmé.
« La plupart des clients n’utilisent pas des logiciels sur étagère », constate Betty Junod. « Ils personnalisent les flux de travail en fonction de leurs processus métier. Quand ils bâtissent des agents IA ou des processus de ventes spécifiques, comme une cotation, ils ont souvent besoin d’exécuter des fonctions spécifiques écrites en Python, Java ou des transformations de données particulières ».
C’est là qu’Heroku entre en jeu. Or, il fallait renforcer le lien entre la PaaS et l’écosystème Salesforce.
Lors de son événement développeur TDX, Salesforce a présenté AppLink, disponible en pilote. Celle-ci doit faciliter l’intégration des applications hébergées sur Heroku avec Data Cloud, Salesforce Cloud ou encore la suite de création d’agents IA Agentforce. Une seule commande suffirait pour découvrir et lier automatiquement ces applications, tout en gérant la sécurité. Des SDK doivent permettre d’effectuer les opérations DML (de manipulation de données) sur les tables des orgs Salesforce et sur Data Cloud.
Par ailleurs, il est possible d’appeler directement les services hébergés sur Heroku depuis Flows et Apex, les solutions low-code/no-code et pro-code de Salesforce.
« Nous avons aussi une API Headless qui permet aux clients d’infuser les agents Agentforce dans leurs applications. »
Betty JunodChief marketing officer de Heroku et senior vice-présidente chez Salesforce
Pour les éléments event-driven et les traitements en quasi-temps réel, l’éditeur a lancé le pilote d’Heroku Eventing, un service pub/sub. Ici, il s’agit de connecter Heroku Kafka, des bases PostgreSQL et la plateforme événementielle de Salesforce.
Concernant Agentforce, cela permettrait aux LLM d’utiliser les fonctions et les applications déjà déployées par les entreprises sur Heroku. « Nous avons aussi une API Headless qui permet aux clients d’infuser les agents Agentforce dans leurs applications ». Les ingénieurs d’Heroku cherchent, en outre, à intégrer Model Context Protocol (MCP), le protocole présenté comme « le port USB-C des agents IA » au sein de la PaaS.
Pour l’instant, Fir et la précédente version de la plateforme cohabiteront, mais le processus de migration est présenté comme indolore.
« Nous travaillons avec beaucoup de nos clients pour les aider à comprendre ce que cela signifie », avance Betty Junod. « Au moment de migrer leurs applications, il ne devrait pas s’inquiéter parce que l’abstraction offerte par la PaaS devrait rendre cela invisible ».