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PaaS : Heroku met fin à ses offres gratuites et crée « un vide » sur le marché

Heroku, le fournisseur d’une PaaS cloud appartenant à Salesforce, va supprimer progressivement ses tiers gratuits dans le courant de l’année. Les développeurs ne trouveront pas de solution de remplacement, selon les experts du secteur.

Salesforce commencera par supprimer les accès gratuits à Heroku Dynos, Heroku Postgres et Heroku Data pour Redis le 28 novembre. Selon Charlotte Dunlap, directrice de recherche chez GlobalData, cette décision marque un changement d’orientation de Salesforce au profit de son offre commerciale, Heroku Enterprise. Cette formule comprend des modules complémentaires tels que Heroku Connect et Heroku Flow pour compléter l’expérience DevOps.

Dans un billet de blog, Salesforce a cité « une quantité extraordinaire d’efforts » pour gérer les fraudes et les abus comme raison principale de la fin de la gratuité, sans toutefois fournir de précisions.

Selon Charlotte Dunlap, en sous-texte, Salesforce ne veut plus faire d’efforts pour les programmeurs qui ne payent pas pour concevoir et tester leurs applications. Heroku et d’autres plateformes à la demande – celles d’IBM, de Red Hat, de Microsoft et d’Oracle – deviennent des solutions DevOps en vue d’attirer les équipes d’exploitation grâce à des services complémentaires avancés, indique-t-elle.

« Les clients affinent leurs modèles DevOps en réponse aux efforts de modernisation des applications établies sur les principes GitOps et les pipelines CI/CD », affirme Charlotte Dunlap. « Heroku est orienté vers la gouvernance, la sécurité, l’intégration et l’évolutivité nécessaires pour étayer ces transformations. »

La décision de Salesforce de supprimer les offres gratuites de Heroku n’est pas une surprise pour Craig Kerstiens, chef de produit de la société open source Postgres Crunchy Data. Craig Kerstiens a dirigé les équipes de produits chez Heroku de 2011 à 2016.

« En réalité, Heroku, dans son ensemble, n’a pas fait l’objet d’investissements – de la part de Salesforce – au cours des huit dernières années », déplore Craig Kerstiens.

« En réalité, Heroku, dans son ensemble, n’a pas fait l’objet d’investissements – de la part de Salesforce – au cours des huit dernières années ».
Craig KerstiensResponsable produit, Crunchy Data

« Lorsque vous avez plus d’applications et d’utilisateurs de Heroku et moins d’ingénieurs et d’employés pour les soutenir, la fraude devient de plus en plus douloureuse. C’était une famine sur une période de six, sept, huit ans », ajoute-t-il.

Des produits concurrents, mais pas de véritables équivalents

Il n’y a pas de solution de remplacement évidente pour les niveaux gratuits de Heroku, car aucune autre plateforme n’offre la même expérience aux développeurs que Heroku, considère le responsable produit chez Crunchy Data. « L’expérience développeur est difficile à mettre en place, et Heroku a mis des années et des années à la perfectionner ».

Les alternatives aux forfaits gratuits de Heroku incluent Google Firebase, GitHub Pages et AWS Elastic Beanstalk, mais aucune d’entre elles n’offre une expérience de développement équivalente à Heroku, insiste-t-il.

Selon lui, alors que Heroku met l’accent sur la facilité d’utilisation et l’évolutivité, les développeurs qui utilisent AWS doivent se frayer un chemin parmi une série d’options pour déployer et disposer de piles d’applications entières.

« Avec AWS, vous recevez une boîte de Lego, mais vous devez comprendre comment assembler l’étoile de la mort sans instructions », illustre Craig Kerstiens.

En plus de la complexité d’AWS, les développeurs sont également liés aux technologies du fournisseur cloud, selon l’analyste de GlobalData qui cite l’exemple des services serverless.

« Si vous optez pour AWS plutôt que pour Heroku, vous serez probablement limité à AWS Lambda – leurs offres serverless – et à d’autres services AWS, au lieu de pouvoir choisir d’autres fonctionnalités avancées que vous souhaitez ajouter à votre application », déclare-t-elle.

Cette plus grande complexité n’est pas l’apanage d’AWS, d’après Anurag Goel, fondateur et PDG de Render, une société d’hébergement en cloud pour les développeurs. Google et Azure n’offrent pas non plus une bonne expérience aux développeurs, car ils ne leur permettent pas de se concentrer sur l’écriture du code sans avoir à se soucier de l’infrastructure sous-jacente, considère-t-il.

« Ces organisations… sont devenues une extension de leurs équipes DevOps internes », poursuit-il, ce qui signifie qu’elles ne s’adressent pas aux développeurs individuels.

De nouvelles plateformes prometteuses

Les développeurs d’applications pourraient également parier sur des plateformes plus récentes, notamment Fly.io et Railway, qui pourraient à terme offrir une expérience proche de celle de Heroku, observe Craig Kerstiens.

« Pour l’instant, on a l’impression qu’il va y avoir un vide sur ce marché pendant un an ou deux », anticipe-t-il.

Charlotte Dunlap estime elle aussi que l’adoption des nouvelles plateformes représente un risque pour les développeurs qui, en plus d’avoir à apprendre quelque chose de nouveau, ne bénéficieront probablement pas de la même expérience de développement que celle offerte par Heroku.

« Pour l’instant, on a l’impression qu’il va y avoir un vide sur ce marché pendant un an ou deux ».
Craig KerstiensResponsable produit, Crunchy Data

Un dilemme pour les utilisateurs

Les développeurs qui veulent rester sur Heroku peuvent également décider de payer un forfait facturé à partir de 7 dollars par mois pour Heroku Dynos, de 9 dollars par mois pour Heroku Data for Redis ; et à partir de 15 dollars par mois pour Heroku Postgres. C’est en tout cas la grille tarifaire affichée sur le site Web du fournisseur.

Mais les développeurs qui choisissent l’offre gratuite d’un autre fournisseur pourraient ne pas pouvoir compter sur un accès libre permanent, note Katie Nickels, directrice du renseignement sur les menaces chez la société de sécurité Red Canary.

« Il est peu probable que les fournisseurs de cloud computing arrêtent de proposer des tiers gratuits. Ces offres sont populaires auprès des utilisateurs et génèrent souvent des revenus lorsque ces développeurs optent pour une version payante du service », observe-t-elle. « Cependant, nous pourrions voir de plus petits fournisseurs qui ont du mal à rester en tête des rapports de fraude et d’abus instituer une politique analogue [à celle d’Heroku], en cessant ou réduisant leurs offres gratuites plutôt que de se livrer à un jeu de la taupe continu et coûteux avec les cybercriminels. »

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