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EcoFlex-IT : le français Ingetel réinvente complètement les réseaux d’entreprise

EcoFlex-IT consiste à remplacer tout le câblage RJ45 en étoile par une seule fibre qui boucle sur elle-même. En test depuis sept ans, la solution s’avérerait bien moins chère. Et bien plus pratique.

Et si la mise en réseau des bureaux faisait fausse route depuis des décennies ? Le français Ingetel a mis au point un nouveau principe de câblage, breveté sous le nom d’EcoFlex-IT, dans lequel une seule fibre optique remplace les habituelles tresses de dizaines, voire de centaines de câbles RJ45 en cuivre qui grouillent dans les faux plafonds ou les faux planchers des entreprises.

A la clé, une installation bien plus simple et bien moins coûteuse.

Changer l’approche financière des locaux via le réseau

« Cela change totalement l’offre immobilière des locaux commerciaux. Puisque la fibre est épaisse comme le quart d’un petit doigt, il devient possible d’héberger des bureaux dans les vieux immeubles Haussmanniens sans casser les murs pour y passer des grappes de câbles RJ45. Il n’y a plus de local technique à réserver pour stocker les switches Ethernet, soit un gain de 10 m2 de surface tous les 1000 m2 exploités. Enfin, les locaux sont plus rapidement disponibles, puisqu’il suffit d’une journée et de 6000 € de main d’œuvre pour installer notre solution, quand il faut compter deux mois d’attente et 60.000 € de main d’œuvre pour déployer un réseau classique », expose Gilles Genin, l’ingénieur télécom qui a inventé la solution.

Il imagine même que les bailleurs, au premier chef intéressés par la possibilité de louer plus de locaux, plus vite et 1% plus grands, installent eux-mêmes un tel réseau. « Le réseau ne serait ainsi plus de la responsabilité de la DSI de l’entreprise locataire mais relèverait des services généraux de l’immeuble. C’est-à-dire que, plutôt que d’acheter un réseau Ethernet qu’il faudra abandonner dans les murs lors du prochain déménagement, l’entreprise peut désormais louer au bailleur l’utilisation mensuelle des prises RJ45 au même titre que le reste de ses charges immobilières. En clair, notre invention rend le réseau finançable », revendique Gilles Genin.

Une seule fibre de plus de 100 Gbits/s pour économiser 85% de câbles

Dans le principe, la solution EcoFlex-IT consiste à serpenter une fibre optique dans le sol, dans le plafond ou contre les murs d’un étage et à la connecter tous les 20 mètres à un commutateur Ethernet.

Celui-ci dispense en étoile le réseau aux prises RJ45 situées dans un rayon de 10 mètres avec, cette fois-ci, des câbles en cuivre traditionnels.

Habituellement, les câbles cuivre partent en étoile du local technique où sont entreposés les commutateurs Ethernet, et parcourent ensuite plusieurs centaines de mètres avant d’arriver aux prises. « Chaque tronçon de 20 mètres d’un câble cuivre coûte 25€ et il faut un câble par prise RJ45. Une fibre 6 brins monomode coûte 190€ tous les 20 mètres. Mais comme il n’en faut plus qu’une seule pour véhiculer les signaux de toutes les prises d’un plateau, on réduit de 85% le volume de câbles et on économise en moyenne 15.000 € par an sur un bâtiment de 10.000 m2 », avance Gilles Genin.

Sur le plan technique, la fibre supporte en elle-même une bande passante de plus de 100 Gbits. Ce qui serait largement suffisant selon Gilles Genin pour transporter sans ralentissement les données cumulées de tous les salariés d’un plateau, même s’ils regardent tous des flux vidéo en 4K en même temps.

Cela dit, ce sont essentiellement les switches Ethernet présents tous les 20 mètres qui doivent supporter de faire transiter un tel débit. Pour fluidifier le trafic, Ingetel recommande de connecter la fibre à deux cœurs de réseau, de sorte que la fibre parte d’un cœur et se termine sur l’autre pour former une boucle. Il y a de fait un sens de circulation des informations, les requêtes d’un utilisateur partant par exemple en amont de sa prise RJ45 et les réponses revenant en aval. « L’achat d’un deuxième cœur de réseau n’est pas un frein, puisque les entreprises en ont généralement deux à titre de redondance », dit Gilles Genin.

Un réseau en boucle qui s’auto-cicatrise

La circulation en boucle des paquets réseau est justement au cœur de l’idée d’Ingetel.

Pour qu’un tel déploiement fonctionne, Ingetel préconise d’utiliser des switchs Ethernet industriels. A la différence des habituels switchs bureautiques qui utilisent un algorithme Spanning Tree pour interroger en permanence la topologie du réseau, les switchs industriels reposent sur des algorithmes d’auto-cicatrisation. Ceux-ci déterminent en moins de 300 ms si la boucle réseau est interrompue et, le cas échéant, font se croiser les paquets en arrivée comme en partance sur la portion de la boucle encore reliée à l’un des cœurs de réseau.

Ce fonctionnement en boucle est invisible ; l’administrateur configure des adresses IP, des tables de routage et des sous-domaines au niveau des cœurs de réseau, comme sur un réseau Ethernet classique.

La boucle ne poserait pas non plus de nouveaux problèmes de sécurité. Les switchs n’ayant accès qu’aux paquets destinés à leur embranchement de prises RJ45, il n’est pas possible de sniffer depuis l’un d’eux les données qui circulent sur le reste de la boucle.

Des équipements réseau discrets au milieu des salariés

Les switchs Ethernet industriels ont un autre intérêt. Ils supportent de plus grandes plages de températures (jusqu’à 85 degrés, contre 30 sur un équipement de bureau). De fait, ils sont dépourvus de ventilateurs, ne font aucun bruit et consomment moins d’électricité. « C’est ce qui nous permet de les sortir du local technique pour les installer à côté des postes de travail, accrochés au mur, ou dissimulés dans le sol ».

En l’occurrence, Ingetel a créé le design de Points de Consolidation Actifs (PCA), des boîtiers de 150x60 cm2 et épais de 10 cm qui embarquent à la fois un ou deux switch Ethernet, un double module SFP+ pour se connecter à la portion de fibre qui arrive et à celle qui repart, ainsi qu’un prolongateur qui relie un maximum de 48 ports RJ45 aux prises murales.

Ingetel a même imaginé un système d’ouverture par vérin hydraulique pour, par exemple, faire surgir les ports du sol afin de connecter dessus le ou les câbles réseau de nouveaux postes. « Il n’y a aucune vis. Tout a été pensé pour prouver que ce système est plus ergonomique qu’un réseau dans un local technique », ajoute Gilles Genin.

A noter en revanche qu’EcoFlex-IT n’a de l’intérêt que pour les réseaux des postes de travail. Dans un datacenter, les switches sont déjà interconnectés par de la fibre. Et plus pour des raisons de convergence entre l’IP et le stockage que pour économiser du câble sur des distances de toute façon réduites.

Sept ans de mise à l’épreuve chez Bouygues Services, dans un aéroport saoudien et à la BNP

Ingetel ne commerciale ni les PCA, ni la fibre pour les relier aux cœurs de réseau. Ce bureau d’étude dispense juste des formations pour les installer, vend du conseil réseau aux entreprises et touche des royalties sur les modules PCA fabriqués selon ses directives. Des réseaux EcoFlex-IT sont installés au titre de projets pilote depuis 2009, jusqu’ici dans le plus grand secret.

Ingetel a notamment équipé le nouveau terminal de l’aéroport de Jeddah (Arabie Saoudite), le siège de Bouygues Services à St Quentin-en-Yvelines (78) ou encore deux bâtiments de la BNP à Issy-Les-Moulineaux (92).

Après plusieurs années d’observation, les réseaux EcoFlex-IT n’auraient affiché aucune panne. « Nous avons attendu tout ce temps pour arriver sur le marché en 2016 avec une solution éprouvée. Notre technologie va tellement à l’encontre de ce que font les géants du réseau, que nous voulions avoir une proposition commerciale solide face à la concurrence », assure Gilles Genin.

Selon les derniers chiffres d’IDC, le marché mondial du réseau Ethernet, hors routeurs et cœurs de réseau, a dépassé les 6,4 milliards de dollars lors du dernier trimestre 2015. Ce qui en fait le troisième marché de l’infrastructure derrière les serveurs (15,3 Md$) et le stockage (10,4 Md$).

Il est à noter que ce marché est essentiellement tiré par l’Asie (+10% de ventes en un an) et l’Amérique du Nord (+8 %). Pour sa part, l’Europe de l’Ouest stagne, avec même une légère baisse des ventes de 1,2%.

A lui seul, Cisco a réalisé 3,83 Md$ dans le monde lors du dernier trimestre 2015. Loin derrière, ses challengers sont HPE (593 millions de dollars), Huawei (393,8 M$), Juniper (243,8 M$) et Arista (217,3 M$). Tous ces fabricants proposent d’équiper les bureaux de réseaux en étoile où des câbles de cuivre partent de switchs installés près des cœurs de réseau, dans un local technique.

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