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Softbank rachète ARM pour dominer le marché de l’IoT

Le japonais Softbank parie sur le fait que les processeurs ARM équiperont la majeure partie des objets connectés. Il n’évoque pas les derniers progrès de cette technologie en matière de serveurs.

C’est l’une des conséquences du Brexit : avec une Livre Sterling dont le taux de change a chuté à son niveau le plus bas depuis 30 ans, le géant des télécoms japonais Softbank a pu faire une offre de rachat du britannique ARM pour 23,4 Md£ en ne déboursant que 31,4 Md$ américains au lieu des 35 Md$ qui lui auraient été nécessaires il y a quelques mois. Endetté à hauteur de 100 Md$, Softbank a réussi à disposer des fonds en revendant des parts qu’il détenait, là, dans l’e-commerçant AliBaba, là, dans l’éditeur de jeux mobiles Supercell et en souscrivant un nouveau pré-relai de 9,5 Md$. Mettre la main sur ARM devrait lui permettre d’encaisser les royalties que le concepteur britannique touche chaque année sur les ventes de processeurs conçus autour de son design. Il s’en est écoulé 15 milliards l’année passée, soit 3 milliards de plus qu’en 2014, et les analystes prédisent que ce chiffre devrait augmenter de 10 à 15% par an d’ici à 2020.

En 2015, SoftBank avait déjà racheté le français Aldebaran Robotics, dont les robots Nao fonctionnent à la fois avec un processeur Atom d’Intel pour toute la partie applicative et un processeur de type ARM-9 pour le traitement des données remontées par ses sondes. Masayoshi Son, le PDG de l’entreprise, aurait pour stratégie de miser sur les technologies les plus importantes liées à l’internet des Objets, un marché qui devrait générer environ 600 milliards de dollars d’ici à 2020.

ARM pour viser le marché des objets connectés

Prisés pour leur design très économique en énergie, les processeurs de type ARM sont les puces centrales d’à peu près tous les smartphones en circulation (95% selon IDC) et ils équipent un bon tiers des appareils électroniques : des appareils photos aux télévisions, en passant par les lecteurs de carte bancaire. Intel, qui a longtemps souhaité s’imposer sur ces marchés, n’a jamais réussi à proposer d’alternative convenable et a jeté l’éponge en mai dernier.

« Ce n’est pas pour autant que les processeurs ARM constituent le meilleur choix pour les objets connectés. Les entreprises qui veulent que leurs équipements remontent des relevés, à des fins de prédictions commerciales ou de maintenance préventive, cherchent à les équiper d’une électronique qui coûte quelques euros. Or, si vous déshabillez un smartphone pour constituer cette électronique, vous obtenez une solution qui coûte 100€ l’unité », commente Pascal Portelli, en charge de la branche Connected Home de Technicolor. Selon lui, les processeurs ARM ne se justifieront que lorsque l’objet connecté a besoin d’une puissance de traitement en local, typiquement parce qu’il sert d’abord à exécuter une application cliente, comme un décodeur.  Dans les usines, les dispositifs de surveillance qui sauront lancer toute une procédure de bascule sur des équipements de secours seraient plutôt construits sur des puces Intel, comme l’Edge Gateway de Dell.

Il n’empêche. ARM propose bien un kit de base pour développer l’électronique des objets connectés, ARM mbed. Et celui-ci a le soutien d’IBM, qui reconnaît ce kit au travers de son programme technologique IoT Foundation qui comprend, entre autres, un service en ligne d’analyse des relevés.  

De plus, le succès des kits Raspberry Pi et consorts (Pine64, Odroid, NanoPi, BananaPi, etc.) devrait contribuer à promouvoir l’ARM dans les bureaux d’étude. Raspberry estimait en avoir déjà vendu 8 millions d’unités en début d’année et les modèles les plus récents s’obtiennent pour quelques dizaines d’euros.

Moins énergivore et moins cher sur les serveurs

Dans son communiqué concernant le rachat, Softbank n’évoque que les objets connectés. Ce n’était pas la priorité affichée par ARM fin 2015, lors de l’annonce de ses 1,28 Md$ de CA annuels. A l’époque, la firme britannique se donnait plutôt l’objectif d’équiper 20% des serveurs dans le monde d’ici à 2020, à la barbe de son concurrent Intel.

Il faut dire que cette activité a connu un développement étonnant depuis un an. Mi-2015, les versions 64 bits v8 des processeurs ARM ont pu exécuter les Linux complets de Red Hat et Suse. HP s’en est servi pour construire des serveurs Moonshot réputés jusqu’à 9 fois plus denses et autant de fois moins énergivores que des machines Intel pour exécuter des applications web. Fin 2015, des fabricants indépendants, surfant sur l’arrivée de solutions de Software Defined Storage (SDS) en OpenSource, proposaient des alternatives 10 fois moins chères aux baies de stockage SAN en assemblant des cartes mères ARM, des disques SSD et le Linux de Suse. 

En juin dernier, le constructeur japonais Fujitsu a annoncé que ses prochaines générations de supercalculateurs K ne seraient plus basées sur ses processeurs SPARC VIIIfx historiques mais sur des puces ARM. Alors que le K computer actuel atteint 10,5 pétaflops, son successeur devrait ainsi grimper à 1000 Pétaflops.

Simultanément, en Chine, on apprenait que le supercalculateur Tianhe-2, reposant jusqu’ici uniquement sur des Intel Xeon Phi, devrait être bientôt accéléré avec 96 000 cœurs ARM.

Jusqu’à 64 cœurs

L’intérêt des processeurs ARM 64bits, de génération v8, est qu’ils intègrent aujourd’hui jusqu’à 56 cœurs à 2,8 GHz (en particulier dans l’implémentation ThunderX2 de Cavium), là où Intel en propose généralement 16 à cette fréquence. AppliedMicro, un autre fabricant de puces ARMv8 est sur le point de lancer le X-Gene 3, doté de 32 cœurs à 3 GHz, à l’instar de ce que prépareraient Huawei et Qualcomm. Broadcom planche, lui, sur un processeur capable d’exécuter quatre threads par cœur. Citons également le Phytium Mars, mis au point pour accélérer le supercalculateur chinois Tianhe-2 et qui dispose de 64 cœurs ARM à 2 GHz pour une puissance brute de 512 Gigaflops.

Début juillet, enfin, ARM annonçait s’engager avec le centre de R&D de microélectronique belge IMEC dans le développement de techniques de gravure des processeurs en 7nm.

Pour l’heure, ARM propose à tous les fabricants de processeurs une puce de base - le Cortex-A73 à quatre cœurs 64 bits supportant 2,8 GHz en gravure 10nm - et ceux-ci n’ont qu’à le décliner dans des versions propres, intégrant plus ou moins de cœurs et plus ou moins de coprocesseurs. C’est ce que fait par exemple Apple pour fabriquer dans les usines de TSMC et Samsung les puces A9 qui équipent ses derniers iPhone et iPad.

En 2015, ARM réalisait 1,28 Md$ de dollars de chiffre d’affaires. La firme britannique annonçait alors qu’elle ne parle plus que des objets connectés. 

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