Monétisation des agents IA : Oracle dévoile ses cartes

En matière d’IA agentique, Oracle a développé des solutions basées sur des processus standards, incluses dans ses licences. Ses porte-parole reconnaissent malgré tout que « les entreprises ont besoin de spécifiques ». Et l’éditeur de vouloir monétiser ces éléments, quitte à imposer de nouvelles conditions contractuelles.

Le catalogue Oracle Fusion rassemblerait plus de 600 assistants et agents IA sur étagère, selon l’éditeur. D’après Steve Miranda, vice-président directeur Fusion Applications Development chez Oracle, 400 agents sont destinés aux applications Fusion, et 200 aux apps entreprises. Tous accomplissent des tâches liées à l’ERP, le SCM, l’HCM ou encore la CX.

Jusqu’alors, l’éditeur avait fait le choix d’inclure les agents IA dans ses licences Fusion Apps. Pour les modèles de Meta, de Cohere et bientôt les LLM GPT-oss d’OpenAI hébergés sur OCI (Oracle Cloud Infrastructure), Oracle ne facture pas les tokens consommés et il n’y a pas de limites affichées.

« Nous voulons favoriser l’adoption des agents IA dans les entreprises et auprès des métiers. Nous voulons abaisser les barrières à l’entrée », affirme Kaushal Kurapati, directeur de la plateforme agentique chez Oracle. Il intervenait lors d’un point avec la presse européenne lors de l’AI World 2025, à Las Vegas. Jusqu’en décembre 2024, il exerçait un rôle similaire chez Salesforce depuis deux ans.

AI Agent Studio gagne en profondeur

En mars 2025, Oracle a présenté AI Agent Studio. Il permet aux entreprises de développer leurs propres agents dans les applications Oracle Fusion. Lors de son salon AI World, il a dévoilé des templates à partir desquels les entreprises peuvent développer des agents adaptés à leurs processus.

« Le superviseur raisonne sur la tâche pour la découper, il décide quels agents sont nécessaires et il peut leur déléguer les sous-tâches. »
Kaushal KurapatiDirecteur de la plateforme agentique, Oracle

Le fournisseur a, en outre, ajouté la prise en charge des mécanismes RAG multimodaux et vers des sources externes, dont SharePoint.

En sus du modèle chatbot et de l’assistant IA, il intègre depuis peu deux patterns de conception. Il y a d’un côté l’orchestration multiagent. « Nous avons mis au point un modèle d’architecture où un modèle superviseur orchestre un ou plusieurs modèles travailleurs (workers) », décrit Kaushal Kurapati. « Le superviseur raisonne sur la tâche pour la découper, il décide quels agents sont nécessaires et il peut leur déléguer les sous-tâches ».

De l’autre, un ensemble de patterns de flux de travail doit permettre d’exécuter des tâches de manière séquentielle, d’insérer des agents dans un flux déterministe. Cela se configure visuellement, à partir de nœuds qui représentent les objets interagissant avec le LLM et le modèle de langage lui-même.

Le studio bâti au départ pour servir les besoins d’Oracle a gagné récemment la prise en charge des protocoles MCP et A2A. Pour mémoire, le premier permet à un grand modèle de langage de manipuler des outils et des systèmes dans l’entreprise. Le second favorise la communication inter-agent.

Jusque-là, Oracle s’est appuyé sur les appels de fonction qui permettent aux LLM d’appeler des API.

Les agents IA inclus dans les apps Fusion, des chevaux de Troie ?

« Si vous créez vos agents personnalisés à partir d’Agent Studio, alors vous souscrivez à un SKU dédié. »
Kaushal KurapatiDirecteur de la plateforme agentique, Oracle

Les templates évoqués plus haut sont directement issus des agents et assistants IA déjà développés par l’éditeur. Ce n’est qu’en cas de modification d’un agent IA ou d’un agent créé de toutes pièces qu’Oracle entend faire payer des suppléments à ses clients. À Las Vegas, les différents porte-parole n’ont pas détaillé le seuil de tolérance de ces modifications. En revanche, ils ont précisé que de telles applications modifiées seront facturées au nombre d’usagers disposant d’un accès.

« Si vous créez vos agents personnalisés à partir d’Agent Studio, alors vous souscrivez à un SKU dédié », indique Kaushal Kurapati. « Voici comment cela fonctionne : supposons que vous soyez un utilisateur unique au sein de l’organisation et que, dans le cadre d’un accès basé sur les rôles, vous ayez accès à cinq agents, ce qui correspond à cinq accès. Vous achetez donc en fait cinq licences à ce stade. Nous facturons donc un certain montant fixe par mois et par siège pour cet accès ».

Les modifications minimes sont tolérées, par exemple pour traiter davantage de documents ou pour ajuster les instructions de l’agent IA sur étagère. L’ajout de l’humain dans la boucle, si cela ne dénature pas l’agent proposé par Oracle, n’est pas non plus facturé.

Un modèle économique à double tranchant

En revanche, la documentation contractuelle d’Oracle fait la lumière sur ce qu’est précisément un agent IA personnalisé.

« Les agents IA personnalisés peuvent résulter de modifications telles que l’ajout d’un outil, l’accès à un service externe, l’accès à des outils externes via des serveurs MCP (Model Context Protocol), l’utilisation de votre propre modèle de langage (BYOLLM), des capacités multimodales (par exemple, génération d’images, voix, vidéo) ou toutes autres modifications de la portée et de l’objectif prévus des agents inclus dans Oracle », peut-on lire dans le document daté du 9 octobre 2025.

Dans Fusion, un agent IA peut donc très rapidement être considéré comme personnalisé. À moins qu’une entreprise ait adopté de la tête au pied les solutions Oracle Fusion, l’intégration de ces systèmes d’IA composites dans le SI nécessite l’ajout d’outils externes ou de serveurs MCP. Et chaque agent dédié à un domaine (HCM, ERP, CX, etc.) a le droit à un SKU une fois qu’il entre dans la catégorie « custom ».

Qui plus est, le recours à un modèle n’appartenant pas aux collections citées plus haut est payant. C’est le cas pour les modèles d’OpenAI, d’Anthropic, de Google et de xAI. En matière d’IA agentique, les modèles de raisonnement GPT-5, Claude 4 et Gemini 2.5 ont fait leurs preuves. Les modèles de Meta et GPT-oss sont encore en retrait.

En ce sens, le SKU peut par exemple inclure 1 million de tokens par mois pour utiliser ces LLM plus performants. À noter qu’Oracle fait aussi la différence entre les métiers et les usagers autorisés suivant la nature de l’application.

Malgré tout, ce modèle économique, moins favorable pour les entreprises sur le papier, ne freine pas les usages. Plus de 32 000 personnes auraient obtenu la certification pour AI Agent Studio.

L’usage de l’AI Agent Studio aurait décollé. Des milliards de tokens sont traités par les LLM mis à disposition par Oracle dans son AI Agent Studio.

Les agents IA dédiés aux applications Fusion et développés par Oracle, ceux inclus dans les licences, gagneraient en intérêt auprès des clients, selon les porte-parole de la firme.

Une place de marché pour retrouver les agents IA des partenaires

Dans un même temps, à la demande des partenaires et des clients, Oracle a profité d’AI World pour lancer une place de marché où les entreprises peuvent retrouver les agents et les services des intégrateurs. Une vingtaine de partenaires sont présents au lancement de ce service. L’on y retrouve Accenture, Deloitte, IBM, Infosys, PwC, Wipro ou encore KPMG. Quelques éditeurs sont également de la partie, dont Stripe et Box. Plus de 100 agents IA sont déjà disponibles.

Par exemple, IBM a développé un assistant pour diminuer les erreurs dans l’enregistrement des ordres de vente. Infosys, lui a développé un agent pour gérer les processus du recrutement à la retraite.

« La place de marché dédiée aux partenaires nous permet d’avoir la plus grande diversité d’agents IA possible », déclare Kaushal Kurapati. « Les clients ont parfois des besoins qui vont au-delà de ce que nous avons déjà livré. Ils travaillent probablement avec des intégrateurs depuis plusieurs années et ceux-là connaissent bien les processus des entreprises ».

Les partenaires auraient réclamé de faire partie de l’écosystème d’Oracle et les clients auraient soutenu cette demande.

Les porte-parole ont bien conscience que certains flux de travail traversent les applications d’éditeurs tiers concurrents, dont les « usual suspects » ServiceNow, SAP, Salesforce et Workday.

« Nous certifions les agents IA proposés par les partenaires. Nous les testons comme si nous les mettions nous-mêmes sur le marché. Nous avons une “check list” pour ce faire. »
Kaushal KurapatiDirecteur de la plateforme agentique, Oracle

Dans ce cas-là, l’éditeur laissera ses partenaires intégrateurs et ses clients les développer en s’appuyant sur les serveurs MCP distants ou A2A.

« Nous certifions les agents IA proposés par les partenaires. Nous les testons comme si nous les mettions nous-mêmes sur le marché. Nous avons une “check list” pour ce faire », indique-t-il.

Et de préciser qu’Oracle a rejeté certains agents IA, car ils ne répondaient pas à ses critères de qualité. Il n’y a toutefois pas eu de précision concernant le modèle de tarification de ces agents développés par des partenaires.

Ces vérifications font de pair avec l’introduction de frameworks d’évaluation et de tests accessibles depuis AI Agent Studio. « Le créateur de l’agent devrait avoir un jeu de questions ou des scénarios et les réponses attendues. Cela peut être un résumé, la production d’un contenu dans un format structuré », décrit Kaushal Kurapati. « Vous pouvez évaluer un agent ou de multiples versions d’un agent afin de les comparer ».

Un LLM as-a-Judge propulse en partie cette fonctionnalité qui peut être reprise en main par un humain. « Nous attendons de bons résultats en matière de précision et de sûreté », assure-t-il.

À cela s’ajoute un aspect LLMOps. Il est possible de surveiller la consommation de tokens, l’efficience des tâches exécutées, la latence et le temps d’exécution.

Enfin, la firme de Larry Ellison s’assure d’intégrer ses agents et ceux de ses clients dans Teams et bientôt Slack. Ask Oracle, l’UI mise en place par le fournisseur, ne disparaît pas pour autant. Elle était au cœur des démonstrations effectuées lors d’AI World.

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