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Cinq ans : “un délai raisonnable” pour voir les premières mémoires Racetrack selon Stuart Parkin

Selon Stuart Parkin, directeur de l'Institut Max Planck sur la Physique des microstructures et IBM Fellow, les premières mémoires RaceTrack pourraient apparaitre dans les cinq prochaines années. Au programme, 100 fois la capacité de la Flash et une latence digne des SRAM.

Selon Stuart Parkin, le directeur de l'Institut Max Planck sur la physique des Microstructures - par ailleurs IBM Fellow et professeur consultant à l’Université Stanford, la mémoire RaceTrack, qui promet des temps d’accès meilleurs que ceux de la RAM et des débits très supérieurs à la mémoire Flash, pourrait faire son apparition dans des systèmes dans les cinq ans à venir.

Née dans les laboratoires de Big Blue au début des années 2000, RaceTrack est une technologie de mémoire s’appuyant sur les progrès en matière d’électronique de Spin (ou spintronique). Ce domaine de recherche a valu au français Albert Fert un prix Nobel de Physique en 2007, pour ses travaux sur l’effet magnétorésistif géant (qui est à la base des têtes de lecture des disques durs modernes).

Parkin n'est pas étranger au sujet, puisqu'il a été l'un des artisans de la recherche sur les têtes magnétorésistives des disques durs d'IBM au sein des laboratoires d'Almaden de la firme, en Californie. Depuis la division disques durs de Big Blue a été vendue au Japonais Hitachi (HGST), qui a ensuite cédé cette activité à Western Digital.

Stuart Parkin, Directeur de l'Institut Max Planck
de physique des microstructures et IBM Fellow

La mémoire RaceTrack : le fruit des avancées sur la Spintronique

La spintronique est un axe de recherche majeur pour plusieurs grands laboratoires de recherche mondiaux. Elle a des applications en matière de stockage de données, mais aussi en matière de compute (en vue du remplacement des transistors CMOS ou dans le but de créer des ordinateurs quantiques).

Dans le cas présent, l’idée est de stocker des données sur un fil nanométrique en forme de U. Lorsque l’on injecte un courant électrique ciblé dans ce fil nanométrique, cela a pour effet de déplacer sur le fil ce qu’IBM appelle des « domain walls » en fait des régions du fil où il est possible d’inverser la magnétisation (et donc de stocker des données lisibles sous forme de 0 ou de 1).

À la base du fil, se trouvent des têtes de lecture et d’écriture, dont la mission, une fois le domain wall positionné, est de lire ou d’écrire des données (la tête d’écriture permet d’inverser l’orientation magnétique du domain wall par application d’un champ magnétique ciblé).

Parkin explique qu’il est possible en appliquant un courant électrique pendant une courte durée (de l’ordre de la nanoseconde) de déplacer des régions magnétiques sur un fil à plus de 1 km par seconde, permettant ainsi des latences et des débits très élevés. Le temps d’accès théorique d’une mémoire RaceTrack est d’ailleurs ce qui fait que certains la considèrent comme la mémoire ultime.

Principe de fonctionnement d'une mémoire RaceTrack (Source : IBM)

Selon IBM, il est en effet possible de lire et écrire avec une latence allant de 1 à 10 ns selon la longueur du fil — selon Parkin on peut imaginer créer des mémoires ayant des propriétés de capacité et de performances différentes en jouant sur la longueur et le nombre des fils. Ses performances très élevées font de RaceTrack une alternative éventuelle à la SRAM, tandis que ses promesses en matière de capacité en font un successeur séduisant de la Flash. RaceTrack ouvre en effet la porte à des dispositifs de stockage à très grande capacité (environ 100 fois les capacités des disques SSD modernes).

Détail du fonctionnement de la lecture écriture dans une mémoire RaceTrack (Source : IBM)

De passage à Londres, Stuart Parkin, a expliqué à nos confrères de ComputerWeekly que la mémoire Racetrack pourrait entrer en production plus rapidement que prévu du fait des limitations que rencontrent les technologies de stockage actuelles comme la Flash. Une mémoire Flash est basiquement une capacité qui fonctionne en appliquant une tension contrôlée par un transistor. Cela a l’inconvénient que les parois des cellules se dégradent avec le nombre de lectures et d’écriture. « Il est aussi difficile de continuer à réduire la finesse de gravure de la Flash. Comme on parle d’une capacité, pour améliorer la densité, il faut mettre plus de charge dans une même cellule et il devient alors difficile de lire et écrire. Il y a une inefficacité aux solutions [Flash] 3D. Doper le nombre de couches ne vous achète pas autant de densité que vous le pensez ».

L’argument de Parkin est que fondamentalement la Flash et les disques durs sont des supports de stockage 2D. RaceTrack de son côté permet à un transistor ou « access Point » de gérer jusqu’à 100 bit stockés dans une forêt de fil nanométriques. La technologie est une application du magnétisme et ne suppose pas le stockage d’électrons. Selon Parkin les technologies de matériaux et la physique de RaceTrack sont désormais bien connues et il est désormais nécessaire pour que la technologie avance qu’une société commence à fabriquer des prototypes. « Les technologies à base de silicium sont arrivées au bout du chemin et il est temps que les constructeurs investissent », indique Parkin « La physique est connue, le concept fonctionne, les technologies de fabrication sont disponibles ». Si bien que si une société investissait dans la fabrication de mémoire RaceTrack, on pourrait voir les premiers produits dans un délai raisonnable de cinq ans.

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