Distribution : la Blockchain participe (un peu) à la sécurité alimentaire à Taiwan

Une start-up spécialiste des produits sains expérimente l’outil pour graver dans le marbre les informations liées à un aliment tout au long de la supply chain. Le but : rendre impossible les manipulations a posteriori, sur les DLC par exemple.

La société taïwanaise OwlTing vient d’intégrer une partie de blockchain à sa chaine d’approvisionnement. La start-up a choisi Ethereum (soutenu par Microsoft), grand concurrent de Hyperledger (soutenu par IBM et SAP).

OwlTing affirme qu’avec cette base distribuée (ou répliquée) et au travers de quelques API, il pourra donner une information fiable à ses clients sur toute la chaine qui va du producteur au magasin.

Graver l'information dans le marbre numérique

L’idée est apparue alors que cette problématique a fait la une des journaux locaux, suite à un scandale en novembre 2016 provoqué par la manipulation par un distributeur de dates limites de consommation (DLC) sur des fruits de mer surgelés. Depuis, les consommateurs réclament plus de transparence sur l’approvisionnement, et un meilleur contrôle de la qualité.

L’affaire n’était pas la première puisqu’en 2014 un autre scandale alimentaire avait touché Taiwan, sur les huiles de friture cette fois.

Deux fournisseurs de produits alimentaires - Nice Garden et Upwelling Ocean – ont déjà passé un accord avec OwlThing qui affirme que beaucoup d’autres acteurs seraient prêts à utiliser sa technologie. La start-up cite Taiwan Agricultural Global Marketing, Sinhong Soy Sauce, Ming-Chuan Dairy Farm ou encore With Heart Meat Shop.

Au-delà de la supply chain, OwlThing pense déjà étendre sa blockchain à d’autres applications comme la logistique.

OwlThing a été fondé par un groupe d’ingénieurs menés par Darren Wang, serial entrepreneur et ancien de Google. La société est spécialisée dans la vente de produits bios et entièrement naturels en provenance de fournisseurs qui ont subi un audit très strict.

« Quand on parle de nourriture, nous sommes très pointilleux », résume Darren Wang. « Les produits avec des additifs, des colorants artificiels et des exhausteurs de goût ne peuvent pas être vendus chez nous. On pouvait penser que cette approche était trop restrictive mais nous avons tout de même identifié 1.500 fermiers et marchants, rien que sur Taiwan ».

Limites à lever

La blockchain – parce qu’elle est en théorie infalsifiable et non modifiable après écriture – porte de nombreuses promesses pour le retail.

Mais elle a aussi des limites. La première est qu’un tel registre est effectivement infalsifiable si le nombre de participants est important et/ou qu’il n’y a pas de collusion entre eux (ou qu'on introduit des droits de modification différenciés mais est-ce encore une blockchain ?).

La deuxième est que la blockchain – comme n’importe quelle base – dépend de la qualité des données qu’on y inscrit. Dans le cas des fruits de mer cités ci-dessus, si c’était le producteur et non le distributeur qui avait mis de mauvaises dates (par exemple en reconditionnant ses produits pour écluser du périmé), l’information aurait été reprise tout le long de la chaine d’approvisionnement.

Dans le cas d’une blockchain Bitcoin originelle, il n’y avait pas de discussion sur le « sous-jacent » (un bitcoin est une unité de monnaie). Ici, les informations dépendent aussi de la confiance dans ceux qui les rentre dans le système ce qui retire une partie de l’intérêt d’une blockchain publique censé fonctionner même en présence de participants non dignes de confiance.

Dernière limite, il n’est pas encore évident aujourd’hui de faire dialoguer des blockchains avec des systèmes tiers (le Bitcoin n’en avait pas besoin). Or dans la distribution et la supply chain, l’interconnexion (voire l’intégration) avec des ERP, des outils de gestion d’entrepôts ou de facturation est primordiale.

Il n'est pas dit que, dans beaucoup de cas, les SGBDR traditionnels ne fassent pas mieux, plus simplement et plus rapidement. « L’acculturation est un des bénéfices d’une réflexion globale sur la blockchain, même si au bout du compte vous ne lancez pas de projets », souligne d’ailleurs Frédéric Panchaud de VISEO qui considère que ce bénéfice vaut assurément le coup de se lancer dans un projet blockchain, quelqu'en soit l'issue.

Au final, le point clef de la réussite (à confirmer) de OwlThing est certainement l’audit drastique de ses partenaires fournisseurs. Et leurs suivis continus sur la durée. Sinon, Ethereum ou pas, rien n’empêchera un producteur de faire passer, à l’entrée de la chaîne, de la viande aux hormones pour de la viande bio. Et c'est le mensonge qui sera gravé dans le marbre.

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