Albert Esser : « Tout ce qui augmente la productivité de l’IT rend plus Green. »

Jusqu’à récemment, Albert Esser était vice-président Infrastructure de Dell. Il était tout particulièrement en charge des questions relevant du GreenIT et de l’efficacité énergétique dans les centres de calcul. Parti de Dell pour des raisons qu’il n’a pas souhaité expliciter, Albert Esser vient de fonder sa propre entreprise de conseil et de services en technologies et en gestion durable des ressources énergétiques (Albert Esser LLC). Il est également membre bénévole du comité des technologies durables (Sustainable Technologies Committee) du Texas, une organisation à but non lucratif.

LeMagIT : Quel regard portez-vous sur le niveau d’efficacité énergétique des centres de calcul actuels ?

Albert Esser : Traditionnellement, l’attribution du qualificatif Green à un centre de calcul dépend du niveau d’efficacité énergétique de ses infrastructures physiques. Et de plus en plus de centres de calcul sont construits avec une excellente infrastructure physique. Les entreprises ont accompli d’importants progrès en matière de prise de conscience des gains potentiels qu’il y a à adopter une démarche Green, ne serait-ce qu’en étudiant le ROI (retour sur investissement, ndlr) associé à la réduction des coûts structurels. Mais il y a aussi des choix opérationnels à réaliser et dont l’importance n’est pas moindre. Mais leur adoption est plus lente.

Je pense que l’on peut distinguer trois types de centres de calcul avec chacun leurs défis propres : la colocation, les centres de calcul privés d’entreprise et les méga-centres de calcul.

Dans le cadre d’une colocation, le bailleur n’a qu’un contrôle limité sur l’infrastructure physique et le propriétaire n’a, de son côté, que peu de contrôle sur les déploiements IT et sur l’utilisation de son infrastructure. Par construction, c’est là que l’on trouve les centres de calcul les moins Green.

Lorsqu’elles exploitent leur propre centre de calcul, les entreprises – comme les hébergeurs – ont beaucoup plus de contrôle sur les déploiements et sur l’utilisation des infrastructures. Ce qui leur donne l’opportunité d’adopter une approche holistique de l’exploitation, en renforçant la productivité et, dans le même temps, en réduisant l’utilisation des ressources.

Enfin, en ce qui concerne les méga-centres de calcul, je pense que la gestion durable des ressources entre dans leur conception : ce sont des infrastructures conçues pour de très hauts niveaux de productivité, à de nombreux égards.

LeMagIT : Observez-vous une tendance marquée à la transformation des centres de calcul existant vers une meilleure efficacité énergétique ?

A.E. : Les opérateurs et les entreprises sont contraints par leur capacité – financière autant que matérielle – à étendre leurs infrastructures. Dans le contexte économique actuel, la durée de vie des centres de calculs actuels est appelée à être étendue bien au-delà de ce qui avait pu être imaginé. Initialement, l’attention s’est portée sur l’augmentation de l’efficacité de l’infrastructure physique en place. Mais l’exercice a ses limites et affecte fortement l’activité IT. La tendance est à l’analyse de la productivité des centres de calcul dans sa globalité, en intégrant l’activité IT ; c’est la plus importante source d’économies d’énergie. Je pense que la crise économique ne fait qu’accélérer le processus.

LeMagIT : Jusqu’où peut-on aller dans l’optimisation énergétique d’un centre de calcul en se limitant à son infrastructure physique (sources d’énergie, refroidissement, etc.) ?

A.E. : L’amélioration de l’infrastructure physique est importante et peut aider. Mais c’est ponctuel. Le vrai problème, c’est la croissance exponentielle des besoins IT des entreprises. Il reste d’importantes ressources IT inexploitées dans les centres de calcul ; et la loi de Moore – elle-même une exponentielle – n’est pas exploitée efficacement pour répondre à cette progression des usages. La productivité d’un centre de calcul peut être considérablement augmentée par un haut niveau de recours à des actifs IT fortement exploités et fréquemment renouvelés.

LeMagIT : Quels conseils formuleriez-vous à l’intention des opérateurs de centres de calcul qui entament leur réflexion sur l’efficacité énergétique de leurs installations ?

A.E. : Je pense que la première chose à faire est de partir à la recherche de toutes les formes de sous-utilisation ou de conditions d’exploitation sous-optimales : tout ce qui augmenter la productivité IT vous rend plus Green et vous fera économiser de l’argent. Quelques exemples : cherchez les serveurs trop vieux qui fournissent peu de service en regard de leur consommation et de l’espace qu’ils occupent ; cherchez les serveurs sous-utilisés et envisagez leur consolidation par l’usage intensif de la virtualisation ; essayez de séparer les allées chaudes des allées froides (en installant des panneaux de cloisonnement sur les baies vides, en canalisant la circulation de l’air dans les racks, etc.) ; mettez à jour votre équipement IT – les nouveaux matériels sont plus efficaces - ; relever la température de vos salles de production – cela rendra votre système de climatisation plus efficace - ; essayer d’acheter de l’électricité produite à partir de sources renouvelables.

LeMagIT : Les méga-centres de calcul sont, selon vous, plus « Green » par conception. Observez-vous une forte tendance à leur développement à travers le monde ?

A.E. : D’après ce que j’en vois, les très grands centres de calcul sont conçus pour être très productifs ; ils sont prévus pour être exploités comme des usines avec des objectifs très précis pour tous les aspects de la productivité IT. Selon moi, cette approche va s’étendre rapidement au reste du monde IT : le coût de fonctionnement des systèmes d’information se transforme de plus en plus en un fort élément de différenciation concurrentielle pour les entreprises. Et celle qui exploite au mieux son SI s’en sort avec de meilleurs résultats opérationnels. Le Green, ça paye ; je pense même que c’est un atout compétitif.

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