François Enaud, Steria : "nous sommes bien positionnés partout en Europe"

Quelques jours après l'annonce par le gouvernement britannique d'un premier round de coupes budgétaires touchant les budgets IT des administrations, François Enaud, Pdg de Steria, SSII qui dispose d'une importante activité auprès des services publics de l'Etat britannique, répond à nos questions pour évaluer les implications des récentes décisions du gouvernement de David Cameron.

Suite à l'annonce de premières coupes claires dans les dépenses publiques (7,2 Md€) par la nouvelle administration britannique, nous avons sollicité plusieurs SSII pour évaluer les conséquences de ces décisions, ainsi que celles qui se préparent dans d'autres états européens, dont la France, tous confrontés à la dégradation de leurs comptes publics. Pour l'instant, seul François Enaud a répondu à nos sollicitations.

enaud01LeMagIT : Quel sera l'impact des récentes décisions du gouvernement Cameron sur vos contrats en Grande-Bretagne ?

François Enaud : Si je me réfère aux programmes dans lesquels nous sommes engagés, je ne pense pas que les décisions récentes du gouvernement Cameron créeront de grosses différences pour l'activité de Steria. Nos contrats majeurs outre Manche - le contrat NHS (co-entreprise avec le ministère de la Santé, NDLR), celui auprès du ministère de la Justice ou ceux passés avec les collectivités locales - répondent à une double équation : une amélioration de la qualité de services et la réaffectation de fonctionnaires auparavant dédiés à des tâches de back-office sur des fonctions de front-office, en contact direct avec les administrés. Le tout associé à une obligation de réduction des coûts. Je pense que la logique du nouveau gouvernement est plutôt de porter cette grille de lecture à tous les grands programmes en cours. Ceci dit, il existe, au Royaume-Uni, plusieurs méga-contrats qui cristallisent l'attention. En matière d'informatique, ce pays a voulu construire de grandes cathédrales : il en a réussi quelques-unes, mais connaît aussi des désillusions. Ce sont ces programmes que l'administration veut reconfigurer, voire arrêter.

LeMagIT : Par rapport au gouvernement précédent, qui insistait sur des programmes de transformation IT autour du Cloud, d'un magasin applicatif partagé ou d'une consolidation des datacenters, la vision de la nouvelle administration semble toutefois beaucoup plus centrée sur la réduction des coûts...

F.E. : La volonté est effectivement de réduire rapidement les dépenses publiques. Mais l'IT ne sera pas forcément la victime de ce mouvement, bien au contraire. Car beaucoup reste à faire en matière d'automatisation des processus. Même si la démarche est appelée à évoluer dans la passation des contrats. Le premier levier pour ce faire consiste à aller plus vite au résultat, notamment en externalisant entièrement des processus auprès de prestataires, par exemple dans le cadre de partenariats public-privé. Dans ce schéma, c'est le prestataire qui prend en charge la transformation. D'ailleurs, l'actuelle administration britannique pointait dans cette direction durant la campagne. Le second levier consiste à trouver des formes de mutualisation entre les agendas des différentes administrations. C'est d'ailleurs la voie suivie par notre contrat NHS, qui regroupe aujourd'hui plus d'un tiers des trusts britanniques et qui a été désigné comme une bonne pratique par le gouvernement britannique. Enfin, la réduction des investissements poussera inévitablement les acteurs publics à acheter eux aussi du service à la demande, via des offres de type Cloud Computing.

LeMagIT : Une nouvelle instance est également créée pour, notamment, renégocier les tarifs. Steria risque-t-il d'être concerné par cet exercice de cost-cutting ?

F.E. : Sur les marchés publics anglais, nous travaillons souvent à livre ouvert avec l'administration dans le cadre d'une co-entreprise. Par exemple, sur le contrat NHS, nous sommes en co-entreprise partageant les charges et les gains avec l’administration. Et ce contrat est audité chaque année. Ce n'est pas tellement ce type d'accord qui sera ciblé par cette instance. Par ailleurs, nous n'avons pas de contrat public en cours de négociation ou de renégociation. Sur les nouvelles affaires, j'estime que notre expérience et nos références nous donnent au contraire des arguments au regard des nouvelles attentes de l'administration. On ne se sent donc pas directement menacé. Notre chiffre d'affaires auprès du secteur public britannique est d'ailleurs en croissance au premier trimestre.

LeMagIT : Ces exigences sont-elles appelées à se généraliser en Europe, particulièrement en France ?

F.E. : Depuis deux ans déjà, la réduction des coûts arrive tout en haut des priorités du secteur public partout en Europe. En France, des pistes devraient apparaître dans la préparation du budget pour 2011. Même si, dans l'Hexagone, le contexte est différent de celui vécu en Grande-Bretagne, on peut s'attendre à des engagements fermes. L'Allemagne est d'ailleurs partie dans la même direction. Je reste malgré tout confiant sur l'évolution de notre activité auprès du secteur public, qui devrait demeurer en croissance. En France, en Allemagne ou en Espagne, il y a toutefois des modèles locaux de partenariats entre public et privé à décliner des expériences anglaises. Ils apparaîtront forcément, sinon la rupture attendue dans la gestion des comptes publics n'aura pas lieu.

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