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Le numérique à la peine pour recruter

Toutes les régions de France y compris l’Ile-de-France, la locomotive du secteur, connaissent des difficultés pour trouver les bons profils. Au point d’en faire d’un frein majeur à leur développement loin devant les contraintes de concurrence ou d’investissements étrangers.

« En Ile-de-France, il n’y pas assez de candidats au regard des postes proposés dans tous les métiers du numérique. Il y a beaucoup de concurrence entre les entreprises pour trouver des personnes compétentes ou les profils rares », assure Laurent Baudart, délégué général du Syntec Numérique, le syndicat professionnel de la branche. En Ile-de-France, des adhérents du Syntec témoignent de conflits avec certains de leurs clients qui commencent à débaucher du personnel chez leurs prestataires, ce qui génère un fort turnover. Un phénomène qui existait auparavant et qui connait une nouvelle résurgence.

Les difficultés de recrutement  concernent toutes les régions. Avec 219.100 salariés en 2015 selon les chiffres de l’Acoss (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale), l’Ile-de-France capte la grande majorité des emplois liés au numérique en France, loin devant Auvergne-Rhône-Alpes avec 47.000 emplois et la région Occitanie avec ses 29.200 postes. D’après l’enquête BMO de Pôle-Emploi, on retrouve cette suprématie francilienne pour les projets de recrutements en 2017 qui sont de 40.200 postes en Ile-de-France, de 6.200 postes en Auvergne-Rhône-Alpes et de 6.000 postes en PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Mais indéniablement, il y a une pénurie de candidats au niveau national dans tous les profils et notamment dans les compétences rares comme les métiers de la data (Data-scientists, Data-analystes, architectes de données).

En Auvergne-Rhône-Alpes, l’Observatoire de la filière numérique fait un point précis annuel sur la situation du recrutement. Ainsi, la zone d’emploi de Clermont-Ferrand, aurait besoin de 900 nouveaux professionnels mais seuls 600 diplômés sortaient des écoles en 2011, un chiffre équivalent en 2017.

Une pénurie de candidats et un manque de sensibilisation aux métiers du numérique

« L’image du geek et de la délocalisation du développement informatique en Asie ou dans les pays de l’est de l’Europe est un phénomène marginal. Les postes sont bien rémunérés, au-delà de la moyenne des autres secteurs et ce sont des CDI. Le problème, ce sont les jeunes étudiants qui au niveau BAC, les filles notamment, se dirigent vers la médecine, les écoles de commerce et marketing. Il est ensuite trop tard pour qu’ils choisissent les métiers du numérique », précise Laurent Baudart. Il reste un gros travail de sensibilisation à ces métiers auprès des professeurs dans le secondaire ainsi que des parents et des CIO (centre d’information et d’orientation).

Le volume de l’offre éducative est aussi en cause. «Le nombre d’ingénieurs informatiques d’une promotion de l’INSA Lyon n’a pas changé depuis 20 ans», pointe Jean-Michel Bérard, fondateur d’Esker à Lyon, un acteur important de la dématérialisation des documents et qui va recruter 60 collaborateurs en 2017. En région PACA, l’ORM (Observatoire régional  de l’emploi et de la formation) a identifié en 2016 des freins dûs, notamment, à un problème d’attractivité de la filière et d’un appareil de formation inadapté aux besoins des entreprises.  En Occitanie, la pépite Sigfox, positionnée sur les réseaux des objets connectés, masque cette même situation. En France, il y a une nette différence entre les régions nord et sud, concernant le taux de croissance des salariés du numérique, les 4 grandes régions et le Pays de la Loire dépassant  4% de croissance.

Des solutions pour contrer le manque d’attractivité du numérique

« Les cursus de formation, initiale ou continue, doivent être continuellement adaptés à l’évolution des technologies et des organisations de nos entreprises. Nous devons inciter les jeunes et notamment les jeunes femmes, à s’emparer de la révolution numérique », insiste Laurent Baudart qui rappelle la création par le Syntec du site « Les talents du Numérique » pour informer les étudiants et professionnels sur les métiers et les formations  de la filière. La reconversion de 7 000 chômeurs de longue durée avec une formation de 18 mois est un projet abouti, fruit de la collaboration entre le Syntec, Pôle Emploi et l’OPCA (Organisme de collecte des fonds pour la formation) Fiafec.

Outre le renforcement de l’offre de formation en volume et en cursus spécialisés (métiers de la Data, cybersécurité, etc.), les méthodes de recrutement doivent aussi s’adapter. Cela va du libellé de l’offre de poste, moins ciblé sur les profils grandes écoles, jusqu’au contenu de l’entretien d’embauche. Des PME, comme Hardis Group, ou des entreprises de petite taille telles Sogilis en Auvergne-Rhône-Alpes, présentent directement les projets concrets sur lesquels les personnes auront à travailler. Une façon de recruter qui augmente significativement les chances de retenir durablement les profils recherchés. 

Un cahier de 10 propositions sur la création d’une filière du numérique éducatif a été remis en janvier 2017 au candidat Macron par le Syntec. Selon Laurent Baudart, ces propositions devraient inspirer les décisions du nouveau président pour revitaliser la filière. 

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