Office 365 : les entreprises musclent leur infra pour éviter le mode Cloud

Au lieu de céder aux sirènes des offres de logiciels Cloud, les entreprises cherchent davantage à les contourner et adaptent leur infrastructure en fonction.

Contre toute attente, la migration vers Office365, dernière version de la suite bureautique totalement utilisable en Cloud, n’est absolument pas en train de détruire le commerce des bonnes vieilles infrastructures sur site. Ce serait même plutôt l’inverse. « En France, comme dans le reste de l’Europe, la législation est très contraignante quant au stockage des données : les entreprises ont l’obligation de garder la mainmise sur les informations relatives à leurs clients, ce qui exclut de les enregistrer ailleurs que chez soi. De fait, malgré toute la publicité que les acteurs américains ont faite à propos du stockage en Cloud, nos clients nous demandent depuis un an d’être inventifs pour le contourner. Et cela concerne en particulier la plus vendue des applications basée sur l’utilisation du Cloud : Office 365 », lance Yves Pellemans, le directeur technique de l’intégrateur APX.

Aller vers le SaaS pour faire du On premise

Selon lui, Office 365 est d’abord considéré par les entreprises françaises comme une simple évolution commerciale d’Office. Car, sur le plan technique, cette suite bureautique est installée comme l’étaient ses prédécesseurs : avec des clients Word/Excel/PowerPoint sur les PC, un serveur Active Directory local pour identifier tous les utilisateurs et un vrai serveur SharePoint à demeure. Personne ne va chercher les services d’infrastructures équivalents dans Azure et personne n’utilise les versions SaaS des applications clientes. Même les copies de secours des serveurs sont des machines locales redondantes, alors que le Cloud était a minima censé servir de backup. Quant aux giga-octets en ligne d’espace OneDrive offerts à chaque utilisateur avec Office 365, ils ne serviraient que de stockage d’appoint, plus proche de la clé USB pour récupérer ponctuellement un document à domicile que du stockage primaire sur lequel Microsoft comptait pour vendre de la capacité additionnelle.

« En vérité, l’aspect Cloud d’Office 365 n’intervient que lorsque les entreprises entament un projet de mobilité. Dans ce cas, nous proposons nos services pour paramétrer l’Active Directory local afin qu’il duplique dans le Cloud les identifiants des utilisateurs, de sorte que les utilisateurs puissent se connecter depuis leurs smartphones, tablettes et PC portables à leurs e-mails et à leurs documents », explique Yves Pellemans.

Le business florissant des passerelles de stockage

Mais dans ce cas, où sont stockées les données accessibles en cloud ? « Les données sont toujours stockées chez l’entreprise. C’est là le nouveau business des baies de stockage objet : de l’intérieur de l’entreprise, elles apparaissent comme des serveurs de fichiers classiques, en CIFS ou NFS, ou comme des SAN iSCSI, mais elles se connectent en mode S3 ou Swift vers du stockage en ligne, pour délivrer à la demande les documents et les données que les mobiles demandent aux services SaaS », dévoile Yves Pellemans. Et d’insister sur le fait que le Cloud ne sert ici que de relai vers les mobiles. « Franchement, les entreprises ne tiennent absolument pas à ce que l’accès à leurs documents de travail soit conditionné par une connexion Internet qui peut dysfonctionner », assène-t-il.

En clair, alors qu’EMC et NetApp déploient des trésors de marketing pour convaincre les entreprises qu’elles devraient se doter d’applications qui stockent leurs données dans leurs datacenters en mode objet, celui-ci ne sert en définitive que de passerelle extérieure pour tromper les services SaaS quant à l’emplacement des informations. « Nous parlons d’ailleurs plutôt de passerelles de stockage Cloud, que de baies objet », fait remarquer Yves Pellemans.  

Microsoft commercialise lui-même ce type de stockage physique capable de présenter aux services Cloud des données bel et bien stockées dans l’entreprise : ce sont les baies StorSimple. « Sauf que ces baies ne sont pas plus conformes aux réglementations que ne le sont les services de stockage en ligne. Pour la CNIL, elles font partie d’Azure. De fait, nous vendons plutôt aux entreprises des AltaVault de NetApp, des CloudArray d’EMC ou des Cloud Gateway du Français Nuage Labs. Avec ces solutions, les entreprises maîtrisent l’accès aux données SQL et aux documents comme elles le font avec n’importe quelle baie classique. Et, surtout, tous les outils traditionnels de sauvegarde et de sécurité fonctionnent sur ces baies. La vente des outils d’administration liés à la bureautique n’est pas impactée par Office 365 », précise Yves Pellemans.

Ramener la modernité du Cloud à des techniques classiques

CloudArray et AltaVault résultent respectivement du rachat en 2014 de TwinStrata par EMC et de Riverbed par NetApp. Une sorte de prise de conscience tardive. Car, historiquement, le « stockage objet » correspond plutôt chez les fabricants de baies à un portail qui fédère, au travers d’une API S3, Swift, Atmos ou ViPR, un cluster de serveurs de fichiers pour simuler en interne un espace de stockage à la Amazon S3. Le but est de faciliter la refacturation interne dans les grandes entreprises.

Force est de constater que les entreprises de toutes tailles trouvent en définitive plus utile de faire exactement l’inverse : fédérer du Cloud derrière un accès CIFS/NFS/SAN tout ce qu’il y a de plus classique. « De cette manière, il sera bien plus simple pour les entreprises d’aller archiver leurs données les plus anciennes sur du Cloud, avec des logiciels de chiffrement, de déduplication et de sauvegardes classiques, qui agiront sur les passerelles de stockage comme ils le font déjà sur les baies traditionnelles », ajoute Yves Pellemans.

Selon lui, ce modèle d’utilisation d’Office 365 s’applique en France à toutes les applications SaaS qui existaient auparavant en version on-premise. « Nous constatons que les entreprises installent toujours les exécutables Windows de ces applications sur leurs PC et leur serveurs, afin d’avoir la garantie que les données seront stockées en local », témoigne-t-il. Pour les applications nativement SaaS, en revanche, c’est plus compliqué. « Nous pouvons configurer les passerelles de stockage pour qu’elles dupliquent en interne ce qui est stocké en Cloud. Le problème, c’est que des applications comme Salesforce, typiquement, n’envoient pas leurs données sous forme de base SQL facilement interrogeable, mais dans un format XML totalement inexploitable. C’est une autre contrainte que les entreprises aimeraient à présent contourner », conclut-il.

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