Lille Métropole Habitat fait de la gouvernance des données un axe stratégique

La gestion par indicateurs de performance a poussé la directrice générale adjointe de l’EPIC à aller au delà du décisionnel et à mettre en place une véritable stratégie en matière de gouvernance des données.

Lille Métropole Habitat est un Office public de l'habitat (EPIC) qui gère près de 32 000 logements dans la région lilloise et compte environ 800 employés. LMH est le fruit de la fusion de l'office de HLM de Tourcoing, celle de Roubaix et enfin l'OPAC de Lille il y a un peu plus d'une dizaine d'années. De ce fait, l’organisme a dû faire face à une grande hétérogénéité de son système d’information. Cela  provoquait un surcroit de travail significatif au niveau des agences et du contrôle de gestion afin de consolider les données nécessaires à la génération des indicateurs de pilotage de l’activité et de la stratégie de l’office. Cathy Pihet, Directrice Générale Adjointe Ressources au sein de Lille Métropole Habitat résume la situation. "Nous nous sommes donc heurtés à la problématique de l'uniformisation du système d'information, mais ce n'est qu’il y a quelques années  que nous avons lancé une réflexion sur le pilotage par indicateurs et plus récemment sur la gouvernance de la donnée. »

Le  data warehouse mis en place avec l’aide de l’aide de Keyrus s’appuie sur Power Center d’Informatica tandis que la restitution met en œuvre SAP BusinessObjects BI 4 ainsi que Qlikview. Un an de conception et de mise en place a été nécessaire pour disposer d’une solution complète et pour disposer des premiers tableaux de bords restitués aux agences. Depuis, chaque année, de nouvelles restitutions sont mises à la disposition des métiers.

Quand le décisionnel mène à une véritable démarche gouvernance des données

Le projet de gouvernance des données lancé en 2016 est le fruit d’une réflexion du projet de système d’information décisionnel démarré  il y a 6 ans. Il s'agissait alors de mettre en place des outils de pilotage de la stratégie de l’entreprise, mais il s'est alors avéré que la mise en place des macro-indicateurs souhaités par la direction s'est avérée assez laborieuse. Bien souvent, la signification d’un même indicateur d’activité pouvait être très différente d’un métier à un autre. « Outre l'approche purement financière du contrôle de gestion, ces différentes d'interprétations se retrouvaient  aussi lors des enquêtes réglementaires auxquelles nous devions répondre. Nous ne communiquions pas toujours les mêmes chiffres. »

L'exemple le plus emblématique de ces différences d’interprétations était un chiffre qui semble être une donnée de base dans la gestion locative : le nombre de logements. « Il faut savoir que nous gérons des logements, mais aussi des produits plus spécifiques comme des Epad, des foyers-logements sur lesquels il faut appliquer des règles d'équivalents logements. De même, fallait-il compter les logements faisant partie de programmes de démolition ? Selon que l'on soit dans une fonction de  contrôle de gestion, de gestion locative ou de gestion du patrimoine, le nombre qui faisait sens et référence n’étaient pas le même.  Ceux-ci ne s'appuyaient pas sur les mêmes données, les indicateurs en résultant étaient donc différents. Aucun métier n’avait tort, il fallait juste mieux définir ce dont on parlait, et établir ensuite les indicateurs à retenir selon ce  qu’on cherchait à analyser.  »

En outre, le départ du cadre de LMH qui était chargé de répondre aux enquêtes réglementaires met alors en évidence qu'aucun des indicateurs en question n'était véritablement référencé en dehors de ses fichiers Excel... Cathy Pihet considère alors qu’il faut changer d’approche vis-à-vis de la gestion des données et mettre en place de nouvelles méthodes afin de se libérer de cette dépendance à une ou quelques personnes dans l'organisation. Il s’agit également de fiabiliser les macro-indicateurs tant pour le suivi de performance interne que pour le reporting auprès des organismes auxquels l’office est tenu de transmettre ses indicateurs clés.

En parallèle à ce projet, la nouvelle direction générale a souhaité introduire davantage de performances dans notre activité. Cela s'est traduit notamment en termes de politique managériale, par des objectifs de résultats individuels et collectifs intégrés aux  entretiens  d'évaluation, sur la base des tableaux de bords diffusés depuis quelques années par le contrôle de gestion via le SID. Il fallait donc être capable de délivrer des indicateurs avec une granularité du global,  à l’agence et même à la résidence. «Lorsque nous avons commencé  à travailler sur des niveau de reporting fins, nous avons constaté l'hétérogénéité mais aussi le manque de fiabilité des données. Cela m'a poussé à adopter une démarche de gouvernance de la donnée. Nous devions nous pencher sur les processus métiers créateurs de données, ces métiers connaissant pour la plupart des objectifs sectoriels nouveaux.  Nous devions structurer notre démarche dans une approche managériale où chacun doit pouvoir comprendre en quoi, dans son activité, il est producteur de données. Nous devions aussi comprendre que ces données sont utiles à d'autres métiers, mais aussi utiles pour le reporting, et le pilotage de l'entreprise. »

Un cahier des charges pour une assistance à maitrise d'ouvrage est rédigé. La société Cenisis a été sélectionnée essentiellement pour l’approche managériale que propose ce spécialiste du management intégrant la gouvernance de la  donnée. « Le chef de projet qui nous accompagne est aussi un universitaire. Il est donc à la fois au fait des évolutions techniques mais aussi capable de nous orienter dans les bonnes pratiques mises en œuvre par d'autres entreprises. Il fait aussi preuve de pédagogie, ce qui est capital. » Le projet a été initié début 2016 avec une petite équipe formée du DSI, de l’architecte de données, de l'administrateur fonctionnel, et de Cathy Pihet Loignon, DGA Ressources.

Le comité de pilotage du système d'information décisionnel évolue alors pour en faire un véritable comité de gouvernance de la donnée. Il regroupe aujourd’hui 2 DGA, le DAF, le correspondant informatique et liberté, ainsi que le chef de projet architecte de données. Début 2018, un service dédié à la gouvernance de la donnée et d’aide à la décision sera mis en place au sein de la Direction Générale Adjointe Ressources. Il rapprochera les fonctions d’architecte de la donnée, data analyste et organisation du travail, au sens des processus et pratiques métiers. Ce service travaillera en lien étroit avec la DRH, direction des Métiers et Compétences en particulier. Il aura également une fonction de ressource pour toutes les Directions, en construisant avec eux les outils de reporting dont ils ont besoin pour mieux suivre et piloter leur activité.

Des Data Owners (référents) ont été nommés pour les domaines d’activités clés de l’entreprise. Ceux-ci ont été sensibilisés aux enjeux de la gouvernance de données et formés avec un rôle de définition précise des indicateurs. Leur rôle consiste également à animer les lignes métiers afin que l'alimentation de ces indicateurs soit totalement intégrées aux processus. « Nous avons privilégié une démarche collective vis-à-vis de l'ensemble des fonctions de l'entreprise dans une approche de type maïeutique. Néanmoins, avec le recul, il s'avère que nous n'avons pas réussi à dégager suffisamment de temps pour que nos Data Owners puissent se saisir totalement de ce sujet, donc nous allons reprendre cette démarche et surtout animer davantage cette communauté. »

Le dispositif est resserré pour gagner en efficacité

Estimant que les ambitions du projet de gouvernance étaient trop ambitieuses eu égard aux ressources qu’il était possible d’allouer, le comité de pilotage change alors d’approche. Les 11 Data Owners ne seront plus mobilisés simultanément. Ainsi, le dispositif va être resserré et plus directement adossé aux différents grands projets structurants lancés par l’office. C'est notamment le cas du projet BIM, c'est-à-dire la numérisation de l’ensemble des données relatives au patrimoine bâti et de ses équipements. C’est un changement majeur pour tous les métiers en charge de l'exploitation, de la maintenance et de la gestion locative.  

Autre illustration de cette démarche, le volet médiation tranquillité. « Nous avons réfléchi aux données qui pouvaient être des indicateurs relatifs à la vie dans nos résidences, puis nous avons sensibilisé les médiateurs ainsi que les chargés de proximité (les gardiens) qui sont en contact direct avec les résidents. Ils sont les principaux producteurs de cette information de base. Cette démarche a été mise en place en simultané avec le déploiement de nouveaux smartphones, en remplacement des PDA  dont ils disposaient jusqu'alors. Les données qu'ils remontent via leur application nous permettent de mesurer les évolutions en termes de sinistralités et des coûts afférents, d’atteintes aux biens et aux personnes, et ce, sur plusieurs dimensions d’analyse (géographique, de temps, de l’échelle de l’ensemble du parc à la résidence), avec des critères communs à ceux des commissions de sécurité auxquelles LMH participe aux côtés des services de l’Etat et des collectivités locales.»

Un des objectifs majeurs : lorsqu'un métier exprime une demande en termes de reporting ou de tableau de bord de suivi, un nouveau processus de qualité de données est initié auprès de lui. Cathy Pihet Loignon conclut : « La prochaine étape du projet sera la création d'une unité de gouvernance de la donnée et d'aide à la décision, un préalable avant de recentrer le plan d'action sur nos cœurs de métiers,  patrimonial et  gestion locative. Elle aura le rôle d'être un facilitateur pour l'ensemble de nos directions, de répondre à leurs besoins et de faire émerger une démarche vertueuse auprès des autres métiers. »

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