Capgemini dit avoir touché "le fond de la piscine" et cherche à reprendre de l'air

Chute du chiffre d'affaires, ventes annoncées en fort recul. S'il tient ses marges, Capgemini a surpris par l'importance de la décrue de son chiffre d'affaires. Du coup, la direction du groupe sort de sa politique d'extrême prudence, pour regagner des parts de marché via de nouvelles offres. Et plus seulement en misant sur l'offshore.

Exercice de corde raide ce matin pour les dirigeants de Capgemini, confronté à un plongeon spectaculaire du chiffre d'affaires au troisième trimestre (- 9 %, à 1,95 milliard d'euros) et à des prévisions de décroissance identiques sur la fin d'année. Soit pire que les rivaux directs de la SSII française, Atos-Origin (-5,6 %), Logica (- 4 %) ou même Accenture (- 7 %).

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L'évolution du chiffre d'affaires de CapGemini depuis 2008

Paul Hermelin, le directeur général, s'est employé à justifier ce recul par la médiocrité de la demande et par la réduction du périmètre du contrat TXU (un contrat d'infogérance et de BPO signé en 2004 avec un électricien américain pour 3,5 milliards de dollars sur 10 ans) et la baisse de la charge sur un autre grand contrat, celui liant la SSII à Schneider (signé en 2004 également, pour 1,6 milliard d'euros). "Sans la terminaison du contrat TXU et la réduction de 34 % du volume du contrat Schneider, nous serions en croissance sur l'outsourcing", assure Nicolas Dufourcq, directeur général adjoint et directeur financier. Car c'est bien là que se creuse la différence : les principaux concurrents de Capgemini voient ce segment de leur activité progresser, compensant en partie le recul de l'intégration et du conseil. Chez le Français, l'outsourcing s'affiche à -2,7 %, ralentissant à peine la chute des activités "cycliques" (intégration, conseil et services de proximité sous la marque Sogeti), qui perdent 12,5 % sur un an. Pour Nicolas Dufourcq, "on a touché le fond de la piscine au cours du second semestre 2009".

Prix à la journée : le poids de l'offshore
Si l'offshore peut aider à soigner les marges d'une SSII, son effet sur le chiffre d'affaires est non négligeable. D'où peut-être l'inflexion du discours des dirigeants de Capgemini, à la recherche désormais de relais de croissance avec des offres majoritairement prises en charge par des équipes "occidentales". Ainsi, le prix moyen de la journée dans la branche intégration est passé de 497 à 464 euros, entre le second et le troisième trimestre. "Et ça va continuer à baisser, assure Nicolas Dufourcq, le directeur général adjoint. Il faut vendre 4 ou 5 effectifs offshore pour faire le revenu d'un Hollandais ou d'un Anglais". Pour Paul Hermelin, le directeur général du groupe, l'accroissement du recours aux centres offshore va se poursuivre : "Aux Etats-Unis, où l'équilibre entre offshore et équipes locales était couramment de 50-50, la balancier est en train de se déplacer plutôt vers du 60-40".
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Fin du gel des dépenses aux Etats-Unis

Par zones géographiques, hormis la Grande-Bretagne qui progresse, tous les zones s'affichent en recul. Le Benelux est particulièrement touché avec une décroissance de 18 %, dans la lignée des reculs observés sur cette géographie chez les concurrents de Cap. Nicolas Dufourcq parle d'ailleurs d'une "crise exceptionnelle" dans ces pays. En France, l'activité cède près de 10 %, entraînée par la chute de l'outsourcing (- 26 %) en raison notamment de l'impact du contrat Schneider. L'intégration de systèmes et le conseil (hors secteur des télécoms) résistent toutefois dans l'Hexagone, avec des décroissances faibles.

Dans ce contexte, et avec un quatrième trimestre que la direction de Capgemini anticipe dans la continuité du troisième, le groupe tente de distiller des messages positifs. Mettant notamment en avant les signes de dégel de la dépense en Amérique du Nord (où le ratio prises de commandes sur facturation est passé à 1,19). Surtout, Paul Hermelin a tenu un discours plus orienté sur la croissance, alors que le groupe s'est beaucoup focalisé sur la gestion de sa marge ces derniers mois (lui permettant de réitérer son objectif d'une marge opérationnelle autour de 7 % sur 2009). "Nous venons de prendre la décision de reprendre les embauches, y compris onshore (dans les pays industrialisés, ndlr). Aujourd'hui, bloquer les recrutements devient un handicap pour profiter pleinement des poches de croissance", avance Paul Hermelin, qui cite notamment les applications Oracle ou le PLM.

5 nouvelles offres pour un objectif de 800 millions d'euros

Une offensive qui se matérialise par le lancement de 5 nouvelles offres mondiales : la BI, avec l'offre Business Information Management annoncée cette semaine par le groupe, la gestion de patrimoine applicatif (Application Development and Maintenance, ou ADM), la transformation d'infrastructures, les smart grids (utilisateurs de capteurs intelligents dans les réseaux de distribution, par exemple pour l'électricité) et le test applicatif. Capgemini espère générer, avec ces structures, 800 millions d'euros de contrats supplémentaires en année pleine. Si deux de ces cinq offres (ADM et tests) s'appuient fortement sur les centres offshore du groupe, les trois autres passent par des investissements dans les pays développés. "Le groupe investit des deux côtés", confirme Paul Hermelin. Cap prévoit ainsi d'augmenter ses effectifs de 3 000 personnes sur ses offres BI.

Une façon pour la SSII de redonner des perspectives aux équipes en Europe ou en Amérique du Nord, alors que le groupe semblait jusqu'à présent engagé dans une logique d'augmentation de ses ressources offshore au détriment de ses filiales installées dans ses principaux marchés. Au troisième trimestre, Cap a effectué 60 % de ses recrutements dans les pays offshore. Ces derniers représentent désormais près de 29 % des effectifs, avec symboliquement l'Inde qui est devenue le premier pays du groupe devant la France en terme de nombre d'employés. A l'inverse, Capgemini a allégé ses effectifs français de 1 230 personnes depuis le début de l'année ou encore de 780 employés au Benelux.

Rachats : Cap se dit à l'affût
La fin de la politique du dos rond ? En tout cas, non content d'expliquer rouvrir les vannes du recrutement, Paul Hermelin, directeur général de Capgemini, a ajouté être à l'affût de rachats. Sans plus de précision toutefois. Le groupe pourrait notamment se renforcer dans le BPO, où Paul Hermelin souhaite ajouter au porte-feuille de la SSII une offre centrée sur la gestion des achats. Et évoque l'hypothèse d'un rachat d'une "captive" (centre de BPO monté par un donneur d'ordre en son nom propre).
Signalons également que, du fait de la faiblesse de son cours de bourse (- 3 % aujourd'hui à 16 heures), la SSII est l'objet de spéculations, estimant que Cap pourrait être la proie d'un plus gros poisson.

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