eSCM, une boîte à outils pour gérer les externalisations

Encore relativement confidentiel, le référentiel eSCM suscite l'intérêt des DSI français, confrontés notamment au pilotage de leurs contrats d'infogérance sélective. Sans dogmatisme. Les donneurs d'ordre se servant plutôt de la méthodologie comme d'une boîte à outils, dans laquelle ils piochent les pratiques qu'ils jugent prioritaires.

eSCM, allegro ma non troppo. Si, comme il y a un an, les grands comptes français continuent à montrer de l'intérêt pour le référentiel de bonnes pratiques eSCM, censé encadrer la relation client-fournisseur (sur les infogérances et les externalisations de processus métier ou BPO), le sujet reste relativement confidentiel. Même si le faible nombre d'affaires en la matière est contrebalancé par la taille des comptes qui s'intéressent au sujet. Ainsi, Benoît Leboucher, directeur chez Logica Management Consulting, un des cabinets en pointe sur le sujet en France, reconnaît une dizaine de missions sur le sujet depuis deux ans. Selon un rythme qui s'accélère. "Tous les trois mois, un nouveau grand compte part sur eSCM. Et aucun ne fait marche arrière", ajoute-t-il.

Spécificité française, le référentiel né à l'Université Carnegie Mellon de Pittsburgh bénéficie dans l'hexagone du relais d'une association, l'AE-eSCM, créée en 2007. "Dès la première assemblée générale, il y avait 100 personnes dans la salle", explique Benoît Leboucher. Co-auteur avec le responsable de Logica d'un ouvrage de vulgarisation sur le sujet (voir infra), Georges Epinette, DSI du Groupement des Mousquetaires et administrateur du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), a vu dans ce référentiel une façon d'aller au-delà de la gestion classique des opérations d'externalisation, "tirées par les clauses juridiques du contrat et l'itinéraire de la négociation sur les prix".

Un outil plus opérationnel pour un DSI car, comme il le dit, "quand une prestation est défaillante, le contrat ne sert à rien". Une préoccupation qui rejoint celle de nombreux de ses confrères, confrontés à la gestion et à l'évolution de contrats d'externalisation, passés la plupart du temps sur des lots bien définis et pour des durées qui ont tendance à se réduire.

Des prestataires pas vraiment moteurs
Conçu par l'université Carnegie Mellon de Pittsburg, déjà à l'origine de la création du modèle CMM, eSCM a été conçu à l'origine pour les prestataires. La version du référentiel (SP) qui leur est dédiée datant de 2001, alors que la déclinaison pour les donneurs d'ordre (CL) a attendu 2005 pour voir le jour. Force est pourtant de constater que ce sont pourtant ces derniers qui ont accéléré la diffusion de eSCM. Même si on compte EDS, IBM, Accenture et l'Indien Satyam dans le consortium de soutien à eSCM (ce qui implique évidemment de payer une adhésion), les prestataires ne se bousculent pas pour faire étalage de leurs certifications. Car ils disposent souvent de leur propre méthodologie, qu'ils rechignent à faire évoluer. "J'ai eue une réponse mitigée de certains prestataires. Ils y sont finalement allés et, aujourd'hui, c'est presque devenu un argument marketing", explique par exemple Georges Epinette, DSI du Groupement des Mousquetaires. Membre d'un cabinet de conseil intégré à une SSII très présente dans l'infogérance, Benoît Leboucher, de Logica, explique travailler avec la division outsourcing pour les familiariser au référentiel : "sur des appels d'offre internationaux, Logica est en train de s'inspirer de eSCM dans ses réponses"
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Pas d'implémentation type, pas d'outil

Venu à eSCM à la suite de pionniers comme La Poste, Georges Epinette y a vu une réponse aux défaillances qu'il constatait sur certains contrats : "Ces défaillances étaient autant de notre fait que de celui du prestataire. Nous avons donc fait notre examen de conscience, en nous attaquant d'abord au problème le plus criant qui était la réversibilité du contrat (capacité à se désengager d'une prestation, ndlr)". Centré sur la relation avec les fournisseurs stratégiques du distributeur, eSCM a démarré au sein de la DSI par un diagnostic effectué par les consultants de Logica Management. "Aujourd'hui une personne supervise le sujet en interne, mais la mise en œuvre opérationnelle est confiée aux responsables du pilotage des prestations stratégiques", explique le DSI.

Initiée en juillet 2007, la démarche se limite à quelques pratiques et à quelques contrats, un périmètre où Georges Epinette dit avoir retiré des bénéfices de l'emploi du référentiel. "Mais, pour réellement tirer les bénéfices de eSCM, il faudra étendre la démarche à de nouvelles pratiques", admet toutefois le DSI.

Il n'existe pas d'implémentation type de eSCM, ce dernier n'étant - à l'image d'Itil - qu'un répertoire de bonnes pratiques. Deux d'ailleurs. Puisque eSCM se décline en deux versions. La première (SP, pour Service Provider) pour les prestataires. Le seconde, CL (pour Client organizations), pour les donneurs d'ordre. Cette mouture, la plus récente puisqu'elle ne date que de 2005, couvre l'ensemble de la relation client-fournisseur, de la définition de la stratégie de sourcing à la réversibilité, tant côté études que côté production.

Si la démarche reste avant tout pragmatique - chaque DSI piochant dans eSCM-CL les pratiques qui l'intéressent (sur un total de 95) -, elle débute très souvent par un diagnostic. Le seul réel investissement à consentir, la démarche n'étant pas à ce jour pas outillée, contrairement à Itil. Selon Benoît Leboucher, une mission typique de mise en place eSCM chez un grand compte représente environ 200 à 300 jours de prestation.

La Poste : la certification s'éloigne

Un point de départ par lequel est également passée la DSI Courrier de La Poste, considérée comme une des pionnières en France sur le sujet. Son ex-directrice des systèmes d'information, devenue directrice de l’innovation technologique, des systèmes d’information et du développement de Docapost, est d'ailleurs la présidente d'AE-eSCM. Si l'objectif de certification eSCM, un temps affiché, n'est aujourd'hui plus une priorité, l'utilisation du référentiel comme boîte à outils reste pleinement d'actualité, confirme Jérôme de Prémesnil, le directeur de l'exploitation informatique de la DSI du Courrier.

Après le diagnostic détaillé puis des formations en interne (une vingtaine de personnes, y compris des responsables des services achats et audit Interne), la DSI s'est lancée dans le déploiement du référentiel en documentant les pratiques prioritaires. En commençant par figer sur le papier les processus les mieux maîtrisés par la DSI : la consultation, la sélection de fournisseurs, le processus de due diligence. "Nous allons étendre cette documentation à notre rythme sur les pratiques présentant le retour sur investissement le plus rapide", commente Jérôme de Prémesnil.

Alléger la gouvernance grâce au référentiel

Avec, là aussi, une démarche avant tout pragmatique ; eSCM servant aujourd'hui de base pour restructurer la gouvernance du contrat d'infogérance de production (Sogeti). "Sur la base d'un document produit par l'association Ae-SCM - décrivant la structure type de pilotage d'une prestation -, nous sommes en train de revoir les moyens de notre gouvernance pour nous adapter à l'évolution du contrat. En effet, nous passons d'une phase de transition - où nous avions besoin d'un pilotage plus étroit - à un régime de fonctionnement nominal aujourd'hui. Cette révision du pilotage doit évidemment s'effectuer tout en continuant à améliorer la qualité du service rendu à nos clients", explique Jérôme de Prémesnil.


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Sur le MagIT

- eSCM veut pacifier la relation client-fournisseur

Livre

41p8dloogql sl110eSCM et Sourcing IT : Le référentiel de la relation client-fournisseur

par Georges Epinette, Benoît Leboucher et Pierre-Dominique Martin.

Editions Dunod - Collection InfoPro - 175 x 250 mm - 304 pages - 2009
EAN13 : 9782100528820

Prix : env. 35 €

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