Le secteur IT hexagonal rattrapé par la crise

Les témoignages se multiplient et vont presque tous dans le même sens : qu’ils soient tournés vers les services ou la distribution, les prestataires IT subissent un ralentissement sensible de leur activité depuis plusieurs mois.

Aucun chiffre officiel ne permet encore de l’étayer mais la plupart des acteurs de la distribution subissent une baisse sensible de leur activité depuis quelques mois. « Même les segments valeur sont impactés », admet le patron d’un grossiste généraliste. Sur le terrain, les commerciaux confirment que la situation est délicate : « on ne compte plus les affaires en passe d’être signées subitement décalées, non pas au troisième trimestre, mais à 2013, se lamente la chargée de clientèle d’un grossiste spécialisé pourtant en charge des licences d’un des acteurs majeurs du software. Du jamais vu en vingt ans de carrière ! »


On savait déjà que le marché grand public était en plain marasme. Selon la dernière étude Temax de GfK, l’informatique grand public a connu une baisse d’activité au premier trimestre malgré le boom des tablettes. GfK estime que le marché a reculé de 2% dans la zone Europe de l’Ouest. GfK ne précise pas le chiffre pour la France mais indique qu’il est négatif. On connaît en revanche l’évolution des ventes hexagonales de PC sur la période janvier-mai : -15% toujours selon GfK.

Même tendance négative pour le marché bureautique et consommables, qui a reculé de 6,3% au premier trimestre sur la zone Europe de l’Ouest. Seul le marché télécoms a tiré son épingle du jeu avec une croissance de 7,5% grâce à l’essor des smartphones.


Forrester prévoit un coup de frein en 2012... si tout va bien


Ce n’est guère mieux sur le segment professionnel. Forrester n’est pas vraiment optimiste dans son dernier rapport Information & Communication Technology (ICT). Le cabinet d’études évalue à seulement 2% la hausse espérée des dépenses IT en France cette année. La croissance devrait être encore plus limitée à l’échelle européenne (+1,2%) en raison des récessions que subissent des pays comme l’Espagne. Et encore, ces prévisions ne sont valables que dans l’hypothèse où la crise de l’Euro serait circonscrite.


Dans le détail, les équipements en communication devraient reculer de 1,7%, toujours à l’échelle européenne (hors Europe de l’Est et Moyen-Orient/Afrique), les équipements informatiques devraient stagner et les ventes de logiciels devraient légèrement progresser à +1,7%. Les services devraient moins souffrir, selon Forrester : le conseil et les services d’intégration devraient progresser de 2,8% et l’outsourcing de 3,3%.


Les SSII ralentissent leurs embauches


Mais ces anticipations pourraient être encore trop optimistes de l’avis de plusieurs observateurs du marché des services. Selon Jacques Froissant, patron du cabinet de recrutement IT Altaïde, les SSII ont sensiblement ralenti leurs recrutements depuis le début de l’année. Toute la chaîne des métiers en pâtirait. Et ce ralentissement est parti pour durer. Il s’attend à 10 à 20% de recrutements en moins cette année.


Jean-Marc Fiszbejn, co-fondateur de la plate-forme d’intermédiation Cible IT, abonde dans son sens. Il constate l’afflux en six mois de 20% à 30% de profils disponibles supplémentaires sur Cible IT, correspondant à des intercontrats de SSII ou des freelances en fin de mission. Il constate également une importante pression sur les tarifs, avec des baisses allant jusqu’à 10% dans le secteur bancaire, notamment.


« Certains préfèrent travailler à marges négatives afin de ne pas faire exploser leur taux d’intercontrat en attendant l'accalmie », note-t-il. Le retour de certaines pratiques comme le « deux pour le prix d’un » ou le « surstaffing » sous couvert de formation − le client voit arriver quinze personnes quand il n'est facturé que pour dix, les autres étant officiellement en formation − seraient révélateur de cette sinistrose.


Des développeurs Java/JEEE beaucoup plus accessibles


Si certains profils restent très difficiles à trouver, notamment les spécialistes des systèmes de stockage, les ingénieurs de production ou les experts Sharepoint, il observe ainsi que d'autres profils autrefois pénuriques, tels que les développeurs et ingénieurs d’étude Java/JEEE/.Net ou les experts en Business Intelligence deviennent beaucoup plus disponibles.


Si, globalement, ni la distribution, ni les services ne sont épargnés par le ralentissement de l’activité, il reste néanmoins ça et là des poches de forte croissance. Outre les smartphones et la mobilité, cités plus haut, on peut également rappeler que le cloud demeure particulièrement dynamique (avec des croissances de l’ordre de 20 à 40% par an). Jacques Froissant note également que le marché du digital/Web reste très porteur, rappelant qu’une récente étude Google/Deloitte estimait la seule économie Internet contribuait pour 25% des créations nettes d’emplois en France.


Un redémarrage à la fin de l'année... ou pas


Quant à savoir combien de temps durera cette crise, les avis sont partagés. André Martinie, Pdg de Freelance.com, table sur un redémarrage de l'activité au quatrième trimestre. Le blocage des embauches va entraîner une reprise des demandes de sous-traitance, explique-t-il. Pour Jean-Marc Fiszbejn, le sursaut devrait même intervenir dès la rentrée de septembre avec l'arrivée sur le marché des « queues de projets » : les projets budgétés mais pas réalisés. Mais il n'est pas très optimiste pour la fin de l'année et son flot habituel de fins de contrats. Patrick van Straaten, fondateur de la plate-forme d'intermédiation iDirect, et lui-même freelance, est même encore plus pessimiste.

« L'informatique se mondialise comme le reste, explique-t-il. Et tout comme le secteur de la couture a été décimé il y a quelques années (il n'y a guère que dans la secteur du très haut de gamme où il reste quelques emplois en Europe) le secteur high-tech pourrait bien prendre la même direction. D'ores et déjà les gros projets généralistes partent les uns après les autres, et ne subsistent que les marchés de niche. les confrères qui s'en sortent on fait le choix d'une spécialisation extrème. Les généralistes sont déjà morts ».

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