Syntec Informatique appelle à une politique industrielle du logiciel européen

Des profils compétents qui risquent de migrer, des éditeurs noyés dans les stratégies TIC générales des Etats, un déficit de la balance commerciale logicielle avec 70% d’applications importées : le Syntec Informatique tire la sonnette d'alarme et milite en faveur d'une stratégie rapide de développement de l’industrie du logiciel. Et privilégie pour ce faire l’échelon européen.

Un peu en retrait sur le plan numérique 2012, jugé par ailleurs largement insuffisant en matière de logiciel par son Président Jean Mounet, Syntec Informatique semble plus enclin à jouer à fond la carte européenne. Et vient de remettre à Viviane Reding un Position paper militant « pour une stratégie européenne du logiciel », comme Jean Mounet l’annoncé récemment dans nos colonnes. Il s’agit, selon le mot de Gérard Claverie, vice-président de Syntec Informatique et surtout co-président du comité Editeurs au sein de l’organisation patronale, de « sortir d’un grand secret européen : le logiciel est partout mais personne ne le voit ». Et d’ajouter que Syntec Informatique souhaite « des actions qui rendent l’édition logicielle visible pour mieux favoriser son développement au niveau du continent ». De fait, Seul l’allemand SAP – et encore plus de puis son rachat du français Business Objects – est un acteur majeur de l’édition logicielle mondiale largement dominée par des sociétés anglo-saxonnes.

Sauvegarde des compétences et politique d’innovation spécifique

A la tête d’un groupe de neuf associations patronales (*) européennes représentant 80% de l’édition logicielle du continent, Syntec Informatique a donc produit une série de propositions avec un objectif clair : que le plan européen pour les TIC qui succédera à i2010 tienne compte des spécificité de l’édition logicielle. Reste que Viviane Reding, en charge du dossier et qui avait sollicité en novembre 2007 les organisations de tout bord pour produire des idées permettant l’émergence de nouveaux « SAP » en Europe, devra faire le tri entre 6 contributions.
Celle de Syntec Informatique et de ses associées européens – outre la représentativité revendiquée – a le mérite d’être claire, avec neuf propositions regroupées autour de trois grands axes : une meilleure gestion des compétence (notamment pour s’éviter un exode des profils les plus prometteurs, particulièrement dans les pays d’Europe orientale et centrale favorisant les études techniques) ; unifier un cadre légal propre aux entreprises innovantes à l’échelle européenne ; améliorer les mécanismes de financement de l’innovation.

Dans ce cadre, Syntec Informatique propose notamment la création d’un réseau européen d’expertise logicielle, l’Esen, afin de permettre aux éditeurs de partager leurs meilleurs pratiques, notamment en terme de gestion de compétence ou d’amélioration de la qualité logicielle. Autre proposition, orienté les stratégies en faveur de l’innovation plutôt que sur la simple R&D. Enfin, Syntec pousse à la création d’un fonds européen spécifique pour le logiciel dans le cadre existant du fonds d’investissement européen « afin d’encourager les fonds de capital risque à investir dans les PME innovantes à forte croissance ».

L’absence chronique de politique industrielle en France

Des idées qui pourraient être d’autant plus difficiles à mettre en place qu’à l’échelle européenne les situations sont très différentes d’un pays à l’autre. La logique d’innovation versus celle de la R&D est notamment l’un des points clés et pourrait susciter quelques réserves en France. Au mois de juin dernier, c’était déjà cette notion d’une approche plus « appliquée » et en prise avec le développement économique de la recherche qui était au cœur de la tentative de réforme du CNRS par Valérie Pécresse, ministre en charge de la recherche et des universités. A cette époque le secteur informatique – avec notamment la spécificité de l’Inria – avait constitué un point de crispation important. Et finalement le ministère avait reculé devant l’ire des syndicats et renoncé à donner à l’Inria – en prise de longue date avec les logiques entreprenariales – une place prééminente dans le dispositif concernant les TIC. Syntec se veut cependant positif et insiste sur ce qui marche, comme les pôle de compétitivité ou encore la relation directe avec les doyens d’université, de plus en plus autonomes et à l’écoute en matière de TIC.

Reste qu’entre ces résistances dans la recherche publique et l’absence quasi totale de prise en considération de l’édition logicielle à destination des entreprises dans le plan numérique 2012 d’Eric Besson, secrétaire d’Etat à l’économie numérique, la France ne semble pas vraiment avoir pris la mesure des enjeux. Ce que confirme à demi mot Pascal Rialland, l’autre co-président du comité Editeurs de Syntec Informatique, selon qui « dans le rapport Numérique 2012 d’Eric Besson on a le sentiment d’une sous représentation de la valeur stratégique du logiciel ». Celui qui est également Directeur général de SAP en France regrette que « les propositions soient surtout orientées vers l’utilisateur final mais pas vraiment sur l’industrie. On oublie surtout les logiciels d’entreprise qui pourtant génèrent trois fois plus de chiffre d’affaires que le logiciel de jeux qui a la part belle dans le rapport. Un point d’autant plus important que ce déficit industriel se double d’un déficit dans les usage des entreprises de l’Hexagone par rapport à leurs concurrents à l’international ».
On comprend mieux dès lors les envies d’Europe de ceux qui, au sein de Syntec Informatique, souhaitent pousser une vision industrielle forte.

(*) Ces associations sont : AETIC (Espagne), AGORIA (Belgique), ASSINFORM (Italie), BITKOM (Allemagne), ICT-OFFICE (Pays-Bas), INTELLECT (Royaume-Uni), IVSZ (Hongrie), SYNTEC INFORMATIQUE (France) et TEKNOLOGIATEOLLISUUS (Finlande).

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