Ebay ne parvient pas à se défaire des arnaqueurs

eBay n'a pas éloigné les enchérisseurs et même les vendeurs les moins sérieux, malgré des efforts réguliers. Du coup, la gestion manuelle de certaines ventes reste de rigueur, sans assurance d’une totale sécurité. Et c’est sans compter avec l’opacité dont eBay sait faire preuve en cas de situation litigieuse.

Ce mercredi 30 avril 2008, le Front National a mis en vente la Peugeot 605 de Jean-Marie Le Pen, sur le site eBay. Très vite, les enchères se sont envolées, jusqu’à atteindre la somme impressionnante de 10 M€. Mais voilà, ces enchères n’étaient en aucun cas le fait d’enchérisseurs sérieux. Contacté par téléphone, l’attaché parlementaire du président du Front National a indiqué être « très déçu », voire « choqué » (sic). Pour autant, pas question d’annuler la vente, ni de passer par un commissaire priseur. Du coup, certains verrous… manuels ont été activés. Ainsi, désormais, toute enchère sur la voiture doit être validée par un contact téléphonique direct. Et « l’enchérisseur peut s’il le souhaite rencontrer Jean-Marie Le Pen ».

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Si tout cela n’est finalement qu’une anecdote, celle-ci n’en est pas moins représentative de phénomènes qu’eBay peine toujours à circonscrire. Enchérisseurs bidons, vendeurs de vent et autres contrefaçons restent le lot courant du site d’enchère. Au final, la volonté affichée contraste avec les résultats obtenus.

Un bon support pour les arnaques

Inutile de tourner autour du pot : eBay a longtemps eu des airs de paradis des arnaqueurs. Vendeurs proposant des objets fictifs ou faisant monter leur réputation et les enchères à l’aide de comparses, acheteurs indélicats exploitant toutes les astuces des opérations dites « à la nigériane » pour extorquer de l’argent… les petites affaires sont allées bon train. A tel point que certains "ebayeurs", telle Marie La Belge se sont fait un devoir d’identifier et de démonter les arnaques. Et de contribuer activement aux forums internes d’eBay pour prévenir et accompagner les « victimes. »

Depuis deux ans, eBay a multiplié les initiatives pour assainir les rangs de ses utilisateurs. Un utilisateur qui cache ses évaluations n’a plus le droit de vendre. Les acheteurs apprécieront aussi que, désormais, il ne soit plus possible pour un vendeur d’engranger plus d’une note positive d’un même acheteur par semaine, un procédé bien connu et bien rodé pour « gonfler » artificiellement une réputation. De la même manière, les pseudonymes des enchérisseurs sont désormais cachés dans l’historique des enchères, afin d’éviter les « offres de la seconde chance » bidon.

Mais certaines démarches laissent dubitatif. Ainsi, à compter de ce mois de mai, les évaluations négatives laissées par des utilisateurs suspendus sont retirées, et ce de manière rétroactive, quel que soit le motif de la suspension, même un simple impayé des montants dus à eBay. Autre exemple : seuls les objets achetés avec Paypal bénéficient désormais d’une protection contre les vendeurs indélicats. Un moyen de pousser la solution de paiement maison, oui, mais un recul dans la protection des acheteurs qui étaient auparavant couverts jusqu’à environ 200 euros, déduction faite de frais dossiers. Et ce, même sans passer par Paypal. La même logique semble animer l’obligation désormais faite aux « jeunes » vendeurs – moins de 50 évaluations – de proposer obligatoirement Paypal parmi les moyens de paiement.

Des constructeurs de téléphone timides
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Et c’est sans compter avec les ventes illicites. Le rayon « téléphonies mobiles » d’eBay est particulièrement édifiant. Dès la première page, on y trouve une multitude d’appareils aux références obscures et à la ressemblance troublante avec l’iPhone d’Apple. Ce n’est pas un cas isolé : il ne faut pas chercher très longtemps pour trouver de nombreux clones de téléphones de marques, certains allant jusqu’à en reprendre le logo. Contacté il y a quelques mois au sujet d’une telle mise en vente, le service de presse de Nokia avait adopté une posture étonnante. Au premier abord, notre interlocuteur avait évoqué un « produit d’occasion » puis, confronté aux différences de spécifications techniques, s’était ravisé : « le département juridique de Nokia est en train d’investiguer le sujet. » Depuis, silence radio.

De fait, peu de marques ont osé se lancer à la chasse à la contrefaçon sur eBay. L’Oréal s’y est engagé en septembre dernier, suivi par Hermès. Un an plus tôt, ils avaient été précédés par Vuitton et Dior. Mais voilà, pour l’instant, aucune de ces procédures n’a abouti et eBay continue d’utiliser un statut que certains n’hésitent pas à qualifier de discutable.

Une législation complaisante

La responsabilité d’eBay est protégée par la loi française à double titre. En tout premier, eBay se présente comme un simple courtier en enchères réalisées à distance par voie électronique. Le site n’est donc pas concerné par les textes relatifs aux enchères publiques. Conséquence directe de ce statut, eBay peut se prévaloir d’un statut d’hébergeur tel que défini par la LCEN. Un ancien fonctionnaire de la DGCCRF (la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes), que nous avons interrogé, ne l’entend pas cette oreille : « trouvez-vous normal qu’un simple hébergeur prenne non seulement des frais d’insertion, mais aussi une commission sur le prix de vente final ? », interroge-t-il. Les tribunaux, sollicités par quelques grandes marques, auront probablement à trancher cette question.

Une communication limitée

A l’automne 2006, la société Chaulet Baumann France s’est illustrée en réalisant quelques 495 ventes en 18 jours, pour un montant total de 168 104 € et 4950 € de frais de port. L’entreprise lançait sur eBay des ventes que de nombreux internautes assurent avoir considéré comme portant sur d’authentiques objets électroniques. En fait, il ne s’agissait que de listes de grossistes censés permettre d’obtenir lesdits objets à vil prix. L’affaire a été portée devant les tribunaux. Mais c’est la manière dont eBay France a géré l’affaire qui est particulièrement intéressante. Très rapidement, des fils de discussion relatifs à l’affaire sont apparus sur les sites belge et français d’eBay.

Face à ces informations, eBay France a choisi de fermer ces fils tandis qu’ils restaient ouverts de l’autre côté de la frontière. Le site d’enchères a pris contact avec les acheteurs, mais après avoir effacé les transactions litigieuses, interdisant du même coup aux ebayeurs de se retrouver et se regrouper : le compte du vendeur avait été suspendu et, du même coup, les échanges le concernant, supprimés. Et pas question de se plaindre publiquement : eBay se réserve le droit de supprimer tout fil de discussion contestant le retrait de messages sur ses forums.

Ebay a pris l’habitude de ne communiquer que très sporadiquement des chiffres sur les transactions litigieuses qu’il abrite. A l’automne 2006, un porte-parole de l’entreprise a avancé le chiffre de 0,01 %, pour un total de 584 millions de mises en vente au troisième trimestre de l’année. Soit quelque 58 400 transactions litigieuses pour un montant malheureusement inconnu. Au dernier trimestre 2007, eBay a revendiqué quelques 637,2 millions de mises aux enchères. Mais s’est gardé d’en mentionner la part qui s’est conclue sur un litige. Pour préserver la confiance ?

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