Oracle abandonne Itanium en rase campagne

Alors qu'HP commençait à se réjouir des performances du futur Itanium "Poulson", Oracle vient de le poignarder dans le dos en annonçant l'arrêt de tous ses développements pour Itanium. Problème, une large partie des clients HP utilisent le SGBD, les middlewares et les logiciels du géant de Redwood Shores.

"Après de multiples conversations avec les dirigeants d'Intel, Oracle a decidé de stopper l'ensemble de ses développements logiciels pour la plate-forme processeur Itanium. Les dirigeants d'Intel ont expliqué clairement que leur priorité stratégique était leur gamme de puces x86 et qu'Itanium était presque en fin de sa vie". C'est dans le texte l'introduction du communiqué de presse publié hier par Oracle pour annoncer l'abandon en rase campagne de son support d'Itanium.

On ne saura pas effectivement si Intel a réellement expliqué à Oracle qu'Itanium était en fin de vie (ce que certains dirigeants d'Intel pourraient éventuellement dire en privé, mais jamais de façon publique ou officielle, sous peine de grave fâcherie avec HP). Mais le message est limpide : Oracle stoppe immédiatement ses développements Itanium et ne fera plus que maintenir et supporter les versions existantes. C'est donc la fin de la route pour les clients Oracle sur plates-formes Integrity et Superdome. Pour bénéficier des versions les plus récentes de leurs logiciels Oracle, il leur faudra désormais se tourner vers d'autres plates-formes comme Power, Sparc ou x86.

Longtemps partenaire stratégique d'HP, - un partenariat encore officiellement confirmé par communiqué par Oracle et HP le 20 septembre dernier -, Oracle ne faisait plus d'efforts pour préserver les apparences depuis plusieurs mois et avait déjà largement rompu ses relations avec son ex-allié. L'annonce d'hier sur Itanium ressemble à une politique de la terre brûlée qui pourrait dynamiter les derniers ponts reliant les deux entreprises. Car l'annonce d'Oracle torpille sans doute définitivement le futur de la plate-forme serveur d'entreprise d'HP. Et il sera sans doute difficile pour la firme de Palo Alto de se remettre de la bordée de canon que vient de tirer le corsaire Ellison.

HP avait déjà du manier la langue de bois pour minimiser l'impact des retraits l'an passé de Red Hat et de Microsoft de la liste des partenaires Itanium. Mais il s'en était plutôt bien sorti, les plates-formes des deux éditeurs n'ayant jamais vraiment percé de façon significative sur les serveurs Integrity et Superdome. Il lui sera beaucoup plus difficile d'expliquer à une base installée, déjà passablement nerveuse, que le retrait d'Oracle n'a pas de conséquences.

A quoi sert une gamme de serveurs sans logiciels ?

La plupart des grands déploiements d'HP-UX sur Integrity ou Itanium s'effectuent en effet sur le SGBD et les middlewares d'Oracle et une portion non négligeable des déploiements progiciels sur HP-UX sont aussi réalisés sur les progiciels Oracle Applications. Pire dans certains secteurs clés comme les télécoms, HP est aussi très lié à Oracle. Bref, l'annonce par le géant de Redwood de l'abandon de tout développement Itanium est sans doute à ce jour la pire des nouvelles jamais reçue par la division serveurs critiques d'HP.

Stratégiquement, on ne peut que reconnaitre que Larry Ellison a encore une fois frappé là où ça fait mal. Alors qu'HP commençait à se réjouir des performances du futur Itanium Poulson, récemment présenté par Intel à l'ISSC - performances de nature à inquiéter ses deux grands concurrents -, le patron d'Oracle s'attaque au point faible d'HP : l'absence de tout contrôle de son écosystème logiciel. En privant son ex-allié de son SGBD, de ses middlewares et de ses logiciels, Oracle coupe l'oxygène d'HP-UX et des systèmes Integrity/Superdome. A quoi sert en effet une plate-forme matérielle performante, si elle ne dispose d'aucun des grands logiciels du marché ? Ironiquement, IBM reste pour l'instant le dernier grand éditeur de middleware et de SGBD à supporter HP-UX. Mais pour combien de temps ?

L'arroseur arrosé ?

Oracle se fera sans doute un plaisir d'inciter les utilisateurs concernés par son annonce à migrer vers ses propres plates-formes Sparc ou vers des plates-formes x86, mais sa décision abrupte pourrait aussi avoir des répercussions. Des milliers de clients Oracle sur Itanium vont ainsi devoir commencer à réfléchir à l'avenir de leurs déploiements et nombre d'entre eux pourraient aussi garder en travers de la gorge le fait qu'Oracle les aient abandonnés en rase campagne. A moins, bien sûr, que le machiavélique dirigeant d'Oracle n'étende un peu plus son programme de prime à la casse "Cash for clunkers" (littéralement "on paie cash vos vieux tacots") qui propose aux clients Itanium de migrer vers des serveurs Sparc contre une remise de 50% sur la gamme Sparc Enterprise M. Ce programme est en effet censé se terminer en mai 2011, mais Oracle devrait sans doute le prolonger sous peine de voir nombre de clients Oracle/HP-UX se transformer au final en clients DB2/AIX ou SQL Server/Windows...

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