Affaire HP / Itanium : «Oracle a beaucoup plus à perdre qu’à gagner»

Quelques jours après la décision de l’Autorité de la concurrence de ne pas engager des mesures d’urgences contre Oracle, mais de poursuivre une enquête sur le fond, le Pdg de Cheops Technology, Nicolas Leroy-Fleuriot, partenaire Oracle et HP, nous livre ses commentaires. Résultat : une fuite possible des clients du SGDB Oracle vers Linux et l’Open Source.

Dans l’affaire qui oppose HP à Oracle depuis l’arrêt par ce dernier des développements pour Itanium, la firme de Larry Ellison a beaucoup plus à perdre qu’à gagner. C’est ce qu'explique Nicolas Leroy-Fleuriot, le Pdg de Cheops Technology, un partenaire d'HP et d’Oracle, pour qui «un retour en arrière» de la part d'Oracle est possible.

 Nicolas Leroy-Fleuriot, Cheops
Nicolas Leroy-Fleuriot est PDG de Cheops
Technology, une société spécialisée
dans la mise en oeuvre et l'exploitation
d'infrastructures informatiques.
Cheops est "Gold Partner" HP et
"Platinum Partner" Oracle.

Le MagIT a récemment interrogé Nicolas Leroy-Fleuriot après la décision de l’Autorité de la concurrence de ne pas prendre des mesures d’urgence à l’encontre d’Oracle en France. Des mesures d’urgences conservatoires, qu'HP souhaitait voir mettre en oeuvre après l'annonce par Oracle de l’arrêt du support de la plate-forme Itanium pour l’ensemble de ses applications, SGBD compris. Rappelons que les puces Itanium d'Intel motorisent les serveurs d'entreprise haut de gamme d'HP depuis plus de dix ans.

À la déception d'HP, l'autorité ne l'a pas suivi dans l'immédiat, mais lui a laissé un petit espoir. L’enquête va en effet se poursuivre sur le fond. Pour Nicolas Leroy-Fleuriot, le rejet de mesures d’urgence n’est guère «surprenant», car l'arrêt du support de la plate-forme d’Intel ne sera effectif qu’en 2018, avec la fin du support du SGBD Oracle 11g sur HP-UX.

D’ici là, 11g reste supporté sur HP-UX et Itanium et «l’avenir de HP [sur le marché des serveurs dits critiques, NDLR] n’est pas menacé», lance-t-il, essayant ainsi d’expliquer la décision de l’Autorité française. En clair, les entreprises ont encore 6 ans pour y penser. À ceci près, qu'entre-temps, Oracle aura sans doute lancé de nouvelles moutures plus avancées de ses technologies pour les autres plates-formes, avancées dont ne bénéficieront pas les serveurs Itanium d'HP.


Arrêt du support d'Itanium : "une décision contre-productive"

La décision d'Oracle est jugée contre-productive par Nicolas Leroy-Fleuriot. En essayant de pousser les clients vers ses propres serveurs Sparc, issus du rachat de Sun, Oracle pourrait bien voir les clients de HP partir vers...l’Open Source afin de s’extraire de la pile 100% Oracle, souligne le patron de Cheops. «Aujourd’hui, les entreprises ne veulent surtout pas dépendre d’un seul fournisseur», assure Nicolas Leroy-Fleuriot.

Alors c’est naturellement que les utilisateurs SAP de HP-UX, dont l’ERP tourne en grande majorité sur une base Oracle, iront regarder de plus près Linux côté OS ou Sybase pour la base de données. «Le coût de la redevance annuelle y est moitié moins cher [que chez Oracle, NDLR]» rappelle-t-il.
Pour les autres, l’appel des SGDB Open Source et de Linux pourrait également être fort. Pour ceux qui ne souhaitent pas changer de plate-forme serveur et souhaitent conserver HP-UX, le SGBD PostgreSQL d'EntrepriseDB pourrait aussi être une alternative. C’est par exemple le cas pour un GIE français dans le monde de l'assurance, nous confirme Nicolas Leroy-Fleuriot, Un client pour lequel la division Modernisation Technologique mitonne des outils automatisés de migration.

EntrepriseDB, dont le modèle économique repose sur le développement d’une offre premium basée sur PostgreSQL et d’un support avancée (Postgres Plus Advanced Server), a su également profiter du vide laissé par Oracle avec l’arrêt du support Itanium. La société a en effet ajouté le support de HP-UX à la version 9 de son SGBD, annoncée à l’été 2011.

Migrer vers l'open source ou migrer vers Oracle sur x86

Oracle pourrait donc être pris à revers, à terme. D’autant que les travaux initiés dans le cadre du projet Odyssey de HP - qui pour l'essentiel vise à produire un Superdome à base de puce x86 sous Linux et Windows, agrémentés d'outils de haute disponibilité signé HP - porteront leurs fruits en 2014. «C'est alors que les entreprises devraient commencer à réfléchir [à migrer, NDLR]», conclut Nicolas Leroy-Fleuriot.

C'est sans doute sous-estimer le fait que, faute de réussir à convertir les clients Itanium à des solutions Intégrées Sparc, Oracle pourra toujours proposer aux clients du projet Odyssey ses solutions logicielles x86 et réussir "le parfait hold-up". Car, sans doute au grand dam d'HP, l'ensemble du catalogue logiciel Oracle devrait fonctionner à merveille sur les nouvelles machines x86 de la marque et, surtout, fournir une solution de migration "sans douleur" depuis les actuelles solutions Oracle tournant sur plate-forme HP Itanium.

On s'acheminerait alors vers un scénario dans lequel Oracle s'épargnerait les coûts liés au support de l'architecture Itanium, sans perdre ses clients. De là à penser, que c'est exactement le genre de transformation d'HP que souhaitaient le machiavélique patron d'Oracle et sa nouvelle recrue Mark Hurd (qui disposait sans doute en tant qu'ex-CEO d'HP de bonnes idées sur l'existence dans les cartons du plan de secours qu'est Odyssey)...

Précision : Selon Oracle, 2018 ne correspond qu’à la fin de la deuxième phase de support (Extended) pour la 11gR2, qui est suivie de la phase « Sustained » sans date de fin.

Egalement sur LeMagIT.fr

• Analyse : La migration des Superdome vers le Xeon, une décision prévisible

• Oracle abandonne Itanium en rase campagne

• Tech@work 2010 : Le Superdome réincarné sous forme de serveur lames

• Benoit Maillard, HP : Les clients peuvent réduire leur dépendance à Oracle et aussi leurs coûts

Pour approfondir sur Editeurs

Close