Processeurs : adoubée par l'iPad, ARM se sent pousser des ailes pour bousculer le x86

La guerre des architectures processeurs est-elle relancée ? Bien implantées dans les systèmes embarqués, mais aussi dans l'informatique mobile (notamment en motorisant les tablettes iPad), l'architecture ARM a désormais des visées sur le marché des serveurs. Avec des arguments à faire valoir face aux traditionnelles puces x86.

La semaine passée, l’action ARM a été secouée par d’énièmes rumeurs de rachat du concepteur de puces britannique. Un hasard ? Pas vraiment. Peu connu du grand public jusqu’au lancement de l’iPad par Apple, avec son énigmatique processeur A4 basé sur un coeur ARM, le concepteur de puces éponyme est très présent sur certaines niches. Yves Legrand, responsable marketing du département consumer de Freescale, spin-off de Motorola qui produit des processeurs ARM, avance un petit rappel : « le démarrage du coeur ARM, c’est le téléphone mobile et les assistants personnels électroniques signés Palm. » Les années 1990 en somme. « Aujourd’hui, on monte en gamme avec les tablettes, iPad et petits portables, etc. On parle désormais de processeurs embarquant 8 cœurs ARM, cadencés à plus de 1 GHz... On vient clairement chatouiller le marché servi par le x86 qui, dans le même temps, cherche à descendre en gamme. Du coup, oui, il y a bien collision des deux architectures. » 

Le pré-carré du x86 attaqué de toutes parts

Ca, c’est essentiellement pour l’informatique nomade. Mais l’offensive sur le x86 ne se limite pas à ce domaine-là : « la collision est également présente dans le domaine de l’embarqué, avec, par exemple, l’infotainment automobile, mais aussi le monde industriel, le marché des terminaux de paiement électroniques, celui des kiosques d’information en libre service, le matériel médical, etc. » Et il faut également compter avec les NAS, dont un nombre croissant adopte des processeurs Atom, d’Intel, alors que l’architecture ARM continue de dominer largement le marché des appliances attachées au réseau. Surtout, cette architecture pourrait bien faire un percée sur le marché des serveurs. C’est du moins ce qu’affirmait Warren East, Pdg d’ARM Holdings, fin avril dernier, à nos confrères d’EETimes : « les implémentations d’ARM ont été traditionnellement focalisées sur les économies d’énergie. Mais nous voyons des implémentations plus rapides, jusqu’à 2 GHz. La principale différence, pour un processeur serveur, c’est l’intégration d’interfaces de communication rapides. » Des affirmations qui ont trouvé leur confirmation dans les colonnes d’EETimes, mi-mai. Nos confrères rapportaient alors que Dell s’apprête à tester, dans le courant de l’été, des processeurs ARM multi-coeurs signés Marvell. Des processeurs annoncés par le fondeur la semaine précédente. Reste à savoir si ce marché du serveur ARM restera cantonné aux serveurs de fichiers et aux serveurs Web comme semble l’imaginer Broadcom, ou s’il sera plus étendu. IBM, autre concepteur de puces ARM, pourrait suivre le chemin que Dell envisage d’emprunter.

L’avantage du ratio performances/consommation

Yves Legrand le résume bien : « le facteur vraiment différenciant aujourd’hui, c’est le ratio performances/consommation, bien supérieur avec l’architecture ARM. [...] Intel a fait beaucoup d’efforts, mais a encore besoin d’un nouveau saut quantique considérable pour arriver au niveau de ARM. » Mais ce n’est pas le seul intérêt : « le marché des processeurs ARM est beaucoup plus concurrentiel que le marché des processeurs x86; ce qui se traduit par des prix plus bas.» D’un point de vue technologique, l’architecture ARM tire profit de l’intégration de co-processeurs dédié à certaines tâches - chiffrement, encodage/décodage audio/vidéo, etc. - sur une même puce - le concept de SoC, ou System on Chip. « C’est plus efficace », estime Yves Legrand. Et probablement à juste titre. Intel et AMD ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Tous deux ne cachent plus leurs projets relatifs à des processeurs x86 many-core : des puces embarquant un ou plusieurs cœurs x86, ainsi que des cœurs dédiés à l’accélération graphique, ou encore à l’accélération du traitement des échanges TCP/IP. A moins que l’issue ne passe, pour les processeurs x86, par l’intégration de cœurs de GPU exploités selon le concept de GPGPU (General Purpose Computing on Graphics Processing Units). Chez AMD, c’est le projet Fusion qui doit donner naissance, l’an prochain, à des processeurs multi-cœur dotés de cœurs spécialisés dans, par exemple, le traitement de modèles physiques ou encore l’exécution de machines virtuelles Java. 

La clef du combat est dans l'applicatif

Pour Yves Legrand, ce qui compte, « c’est le bon interfaçage entre le silicium et l’applicatif de haut niveau. Et lorsque c’est mal fait, on perd très vite en performances. D’où Linaro (société à but non lucratif, créée par les 6 plus gros fournisseurs au monde de processeurs, Freescale, ST-Ericsson, Texas Instrument, Samsung, IBM et bien sûr ARM). Le but, là, n’est pas de créer une nouvelle distribution, mais de fédérer des distributions disponibles autour d’un socle commun aussi large que possible. » Une démarche qui, selon lui, « permettra aux fabricants de matériel d’optimiser au mieux leurs produits pour ce socle commun afin que des OS comme MeeGo, Ubuntu, etc. puissent en profiter au mieux. » Mais également des Android, WebOS ou encore LiMo. Et, surtout, qui sait, peut-être dépasser le très attractif segment de l’embarqué pour, justement, toucher à d’autres, comme celui des serveurs., segment où l'association avec Ubuntu notamment pourrait s'avérer payante.

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