agsandrew - stock.adobe.com

2020, l’année où les serveurs ARM ont enfin rivalisé avec ceux d’Intel

Les processeurs ARM pour mobiles se sont tellement vendus que les usines qui les fabriquent ont progressé plus vite que celles d’Intel. Le cloud, les supercalculateurs et NVidia s’en sont emparés.

Dans le domaine des serveurs et celui de la puissance de calcul au sens large, l’année 2020 aura été plus particulièrement marquée par l’arrivée des processeurs ARM pour détrôner de leur piédestal ceux d’Intel.

Il y a un an, les processeurs ARM étaient ceux des appareils mobiles et les processeurs Intel ceux des serveurs. Et il n’y avait pas beaucoup de raison crédible que cela change : l’écosystème ARM avait beau s’efforcer d’améliorer les designs et les fonctions de ses puces, celles-ci restaient irrémédiablement moins performantes que les Core et les Xeon d’Intel. Intel, d’ailleurs, était bien plus concerné par le retour d’AMD qui, avec ses processeurs Ryzen sur PC et Epyc sur serveurs, démontrait des performances si excellentes pour si peu cher qu’elles étaient susceptibles de détourner les utilisateurs des Core et des Xeon. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé, même si la transformation en entreprises est assez lente car elle est liée à la durée de contrats qui s’étalent sur trois à cinq ans.

Mais voilà. En très peu de temps, le monde des supercalculateurs, mais aussi les géants du cloud, même l’Union européenne, ont annoncé que leurs plus puissants designs reposeraient désormais sur des processeurs ARM. Le coup de grâce a été donné par Apple, avec le lancement en cette fin 2020 d’une nouvelle génération de Mac dépourvus de processeurs Intel.

Les raisons de ce renversement de situation sont liées aux capacités industrielles des différents acteurs, une constante dans l’univers des processeurs. Comme le sermonnait Gordon Moore, le cofondateur d’Intel, avec sa fameuse loi éponyme, les fondeurs de processeurs ont tout intérêt à doubler la puissance de leurs puces tous les deux ans s’ils comptent renouveler leurs ventes au fil du temps. Pour augmenter la puissance d’un processeur, il faut augmenter son nombre de transistors, c’est-à-dire les graver à chaque fois plus finement pour qu’ils tiennent sur un carré de silicium, c’est-à-dire investir dans des usines qui coûtent de plus en plus cher. En clair, il faut vendre de plus en plus de processeurs afin de réunir assez de fonds à investir dans l’usine de la génération suivante.

A la base, les processeurs ARM étaient bien moins performants que des processeurs Intel : dans le but de consommer le moins d’énergie possible pour maximiser l’autonomie des appareils mobiles, leur carré de silicium était plus petit, avec bien moins de transistors. Mais il se vend tellement de fois plus d’appareils mobiles que de PC ou de serveurs, que l’écosystème ARM réunit bien plus vite qu’Intel les fonds pour fabriquer la génération suivante. Intel a fait jadis le choix d’avoir ses propres usines ; il ne peut compter que sur lui-même pour générer les revenus à y investir. Les fabricants de processeurs sous licence ARM - dont Apple, Samsung, Qualcomm et d’autres – ont tous préféré passer par des acteurs tiers, principalement le taiwanais TSMC.

En 2020, Intel est enfin arrivé, au prix d’un effort considérable, à avoir des usines qui produisent des puces avec une finesse de gravure de l’ordre de 10 nm. Et encore, ses processeurs Xeon pour serveurs sont encore fabriqués sur les chaînes de la génération 14 nm. Dans le monde ARM, voilà deux ans que l’on est passé au 7 nm. Avec ses nouveaux Mac, Apple inaugure même déjà les nouvelles chaînes de TSMC en 5 nm.

TSMC profite d’une telle dynamique que c’est aussi chez lui qu’AMD a décidé de faire fabriquer ses processeurs x86. Tout comme le fait aussi NVidia, désormais, pour ses GPU.

Et voilà : en 2020, les processeurs ARM sont parvenus, malgré leur consommation inférieure, à avoir plus de transistors que ceux d’Intel et, donc, à rivaliser de puissance en coûtant moins d’énergie aux datacenters.

Parmi les géants du cloud, AWS a déjà mis au point son propre processeur ARM pour motoriser ses serveurs de calcul. En cette fin d’année, on apprend que Microsoft va faire de même, pour les serveurs de son cloud Azure, mais aussi, comme Apple, pour une nouvelle génération d’appareils clients de sa marque Surface. Même phénomène dans les supercalculateurs, où l’Union européenne, en quête de solutions pour se libérer de sa dépendance aux fournisseurs américains, a vu d’un très bon œil la montée en puissance des processeurs ARM dont elle peut commander elle-même la fabrication. 

Nos articles de 2020 sur le sujet

Processeurs Comet Lake-H : Intel atteint 5,3 GHz avec toujours 14 nm

Le fondeur entend prouver que son retard sur la finesse de gravure ne l’empêche pas d’afficher de meilleures fréquences que son concurrent AMD. Dans une certaine mesure.

Serveurs ARM : ils progressent de 125 % dans les datacenters

AWS serait le plus important utilisateur de serveurs ARM. Ses machines reposent désormais sur le Graviton 2, un processeur qui dispose de cœurs Neoverse N1 aussi performants que les x86.

Intel dévoile la 3ème génération de Xeon SP

Multipliant par deux la bande passante entre les sockets et disposant d’attributs qui favorisent l’intelligence artificielle, ces nouveaux Xeon équiperont les serveurs à quatre et huit processeurs.

Bamboo relance l’aventure des serveurs ARM

Portée par les décisionsd’Apple, les succès internes d’AWS et les récents progrès de l’architecture ARM, la startup propose des serveurs deux à trois fois moins gros et moins chers que les x86.

Course aux 7 nm : Intel réorganise ses équipes pour avancer plus vite

Suite à l’annonce d’un énième retard dans la mise au point des processeurs en 7 nm, le PDG d’Intel bouleverse l’organigramme pour éviter que, comme Apple, les constructeurs l’abandonnent.

SiPearl : le processeur européen sera un ARM plus puissant qu’un x86

Le Rhea, prévu pour 2022, reposera entre autres sur des cœurs Neoverde Zeus conçus par ARM pour travailler en parallèle – enfin – aussi bien que les puces d’Intel et d’AMD.

Apple, le coup de projecteur qu’attendait ARM pour s’inviter solidement sur le marché de PC ?

La firme à la pomme vient d’annoncer la migration de ses ordinateurs personnels vers ses propres puces ARM, marquant l’abandon graduel d’Intel et, avec lui, des processeurs x86. L’annonce d’une lame de fond ?

La montée en puissance de Nvidia

Parmi les acteurs de la puissance de calcul, il y en a un qui a plus particulièrement embrassé l’aventure ARM : Nvidia. Célèbre pour ses cartes graphiques à base de GPU dans le monde du PC et des stations de travail, Nvidia a très tôt compris que son relai de croissance se trouverait dans les datacenters, où ses composants permettent d’accélérer les applications les plus pointues. Il lui restait à s’y faire une place entre la domination multi décennale d’Intel et l’arrivée au galop d’AMD.

Nvidia a été l’un des premiers, en fin d’année dernière, à promouvoir l’utilisation de processeurs ARM sur les machines les plus puissantes. A vrai dire, cet événement est à l’époque passé comme un effet d’annonce, presque anecdotique. Car, en parallèle, Nvidia se bâtissait une nouvelle carrière dans les datacenters avec des stratégies beaucoup plus élaborées. On l’a ainsi vu racheter Mellanox, le fournisseur des cartes contrôleur pour le réseau et le stockage, afin d’affermir sa présence dans les serveurs. On l’a aussi vu lancer l’A100, sa configuration GPU la plus puissance pour calculer des simulations industrielles, pour vitaminer des applications décisionnelles ou encore appuyer les algorithmes d’intelligence artificielle.

En revanche, la surprise fut totale lorsqu’il annonça, en septembre dernier, qu’il rachetait ARM.

Nvidia incarnait subitement ce nouveau concurrent parti pour détrôner les processeurs x86, c’est-à-dire Intel, mais aussi AMD. Les deux ont répliqué. Le premier en rachetant un SigOpt, pour devenir un spécialiste de l’IA. Le second en rachetant Xilinx, pour savoir aussi fabriquer des puces accélératrices. Gageons que cette bataille ne fait que commencer.

Nos articles de 2020 sur le sujet

L’A100, nouvelle arme maîtresse de Nvidia pour le HPC

Nvidia a dévoilé un GPU surpuissant à destination des applications d’intelligence artificielle. Les performances sont démultipliées par rapport à la génération précédente.

Le logiciel, l’autre arme de Nvidia pour l’Intelligence Artificielle

Avec le GPU A100, Nvidia a un nouveau fer de lance en matière de processeurs. Mais l’entreprise américaine propose aussi une panoplie de frameworks optimisés pour le Machine Learning.

Nvidia vend désormais plus aux datacenters qu’aux gamers

Nvidia a enregistré 1,75 Md $ de ventes trimestrielles dans les datacenters contre 1,65 Md $ pour ses cartes graphiques grand public, grâce aux contrôleurs Mellanox et au nouveau GPU A100.

Rachat d’ARM par Nvidia : un coup de tonnerre sans orage ?

Faisant l’objet de rumeurs depuis plusieurs mois, l’opération vient finalement d’être confirmée. Avec une attention particulièrement marquée à rassurer l’écosystème des titulaires de licences ARM.

Le rachat d’ARM par Nvidia inquiète aussi dans les datacenters

AWS, pour le cloud public, et Fujitsu, pour les supercalculateurs, utilisent des ARM comme une alternative aux GPU de Nvidia. L’Europe et la Chine aimaient cette technologie non américaine.

IA : Intel acquiert SigOpt pour renforcer ses briques logicielles

L’acquisition par Intel de SigOpt, une startup éditrice d’une plateforme d’optimisation de modèles algorithmiques, doit compléter son portfolio consacré à l’IA, alors que son concurrent Nvidia multiplie les bons points sur ce marché.

Rachat de Xilinx : AMD conforte son élan dans les datacenters

Cette acquisition devrait permettre à AMD de proposer aux hyperscalers des puces spécialisées en complément de ses processeurs Epyc, dont les ventes viennent de bondir.

Pour approfondir sur HPC

Close