Grève des informaticiens de la SNCF : dénoncer la délocalisation programmée
Alors que se prépare une « journée sans informaticien à la SNCF », nous sommes allés à la rencontre de syndicalistes qui entendent dénoncer la délocalisation qui leur semble programmée d’une partie de l’informatique de l’entreprise publique, suite à la formation d'une co-entreprise entre la société et IBM. Outre l’emploi en France, ces informaticiens craignent pour la sécurité du système d’information de la SNCF. Sud Rail prévoit une forte mobilisation des cheminots demain, mais souligne la difficulté d’associer à l’opération les effectifs des prestataires, pourtant en première ligne.
Demain, 1er avril, la SNCF connaîtra une première : une grève de ses services informatiques. En cause, la formation d'un co-entreprise avec IBM, chargée de superviser - et surtout de rationaliser - toutes les prestations de l'entreprise publique. « La SNCF est contrôlée par l’Etat. A l’heure de la crise, du chômage croissant, il faut dénoncer ce qui se prépare ici », estime Emmanuel Vinuales, délégué Sud Rail et informaticien en ASTI à la SNCF – une entité qui s’occupe du déploiement des applications et du support des postes de travail, notamment. Pour lui, ce qui se trame à la SNCF avec le projet Ulysse – le nom de la co-entreprise SNCF-IBM –, ce n’est ni plus ni moins qu’une délocalisation vers l’Inde et le Maroc « où IBM dispose déjà de centres de services. »
Inévitable recours à l'offshore ?
« L’exploitation de l’informatique de la SNCF est déjà suffisamment industrialisée pour qu’il ne soit pas possible de faire chuter son coût de 520 €/jour homme en moyenne à 230 €/jour homme (la cible du projet Ulysse, NDLR) sans recours à l’offshore. » En l’état, selon lui, ce sont 250 à 350 emplois qui sont menacés sur le seul bassin lillois – et quelques centaines d’autres sur le Grand Lyon, Paris, et Nantes pour un total de plus d’un millier –, dont une bonne partie de prestataires externes.
Et c’est justement là que la partie s’annonce difficile : si la mobilisation attendue en interne, parmi les informaticiens de la SNCF, oscille entre 40 et 100 % selon les entités et les implantations, « elle devrait rester faible chez les prestataires, pourtant très concernés. » Et de souligner une petite subtilité comptable : « chacun pourra faire grève pendant 59 minutes, 3h59 min ou toute la journée ; une personne gréviste pendant 59 minutes ne compte que pour 1/8ème de gréviste. » Lors des récentes journées de grève nationale, les informaticiens de la DSIT (Direction des systèmes d'information et des télécommunications, un des principaux services informatiques internes) étaient apparus très mobilisés. Un phénomène inhabituel dans cette organisation. Lors du mouvement du 3 février, les deux principaux services de cette direction recensaient 61 % de grévistes (côté étude, soit la DSIT-E) pour l'un et 78 % pour l'autre (côté exploitation, la DSIT-X).
La sécurité du SI au cœur des inquiétudes
Nous avons pu nous approcher de ce que certains appellent le « bunker », en plein cœur de Lille (photo ci-contre) : c’est le datacenter ultra-sécurisé qui abrite les serveurs de Socrate, le SI derrière le site Voyages-SNCF.com. Un niveau de sécurité élevé qui illustre, pour Emmanuel Vinuales, la « sensibilité » de ce SI et des données personnelles qu’il traite. Mais le SI de la SNCF concerne également des éléments de la sécurité physique des voyageurs. Et c’est de tout cela que s’inquiètent aujourd’hui les syndicats. Dans un bilan d’une réunion de 4h30, tenue le premier mars dernier et consacrée au projet Ulysse, Sud Rail estime ne pas avoir reçu de « réponses concrètes » sur la gestion des serveurs actuels et futurs, l’intégration des systèmes, ni même leur maintenance. La confidentialité des clients devrait quant à elle être « respectée » avec des conditions « entre autres à deux niveaux : une maîtrise physique avec un contrôle permanent des accès, une amélioration de la contractualisation des prestations et des contrats avec les sous-traitants. » Et la direction, selon Sud Rail, de renvoyer la charge de garantie du respect de la confidentialité des données aux maîtrises d’ouvrages internes. Mais la direction n’exclut pas, « après examen approfondi », d’externaliser certaines missions telles que l’assistance à maîtrise d’ouvrage.
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