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Sur le court terme, la blockchain va décevoir (Gartner persiste et signe)

Le cabinet d'analystes voit la blockchain créer beaucoup de valeur, mais pas tout de suite. Trop d'offres et de technologies, trop de marketing et pas assez d'expérience et de cas d'usages annonceraient « une lassitude » et des déceptions sur le court terme.

« Les plateformes blockchain sont émergeantes [...] De nombreux DSI surestiment les capacités et les bénéfices à court-terme de cette technologie pour ce qui est de les aider à atteindre leurs objectifs métiers ». C'est par ces mots que Adrian Lee, Senior Research Director chez Gartner, résume la nouvelle étude du cabinet d'analystes. « [Les DSI] ont, de ce fait, des attentes irréalistes par rapport à ce que les éditeurs peuvent leur fournir », continue-t-il.

Adrian Lee ne jette pas pour autant la blockchain avec l'eau du marketing. Mais pour lui, la valeur que peuvent créer les registres numériques distribués ne se concrétisera que sur le moyen terme. Et pas avant.

D'ici 2020, c'est - d'après lui - 90 % des implémentations faites par les entreprises dans ce domaine qui devront être abandonnées et reprises depuis une page blanche.

A plus long terme, les choses changeront néanmoins radicalement. « D'ici 2025, la valeur ajoutée de la blockchain atteindra un peu plus de 176 milliards de dollars, puis elle dépassera 3,1 billions de dollars en 2030 », écrit le Gartner.

Le cabinet met donc en garde sur plusieurs points. « [Il faut] se préparer à une évolution rapide, à une obsolescence précoce, à un paysage concurrentiel changeant, à une consolidation future des offres et à l'échec potentiel des technologies/fonctionnalités ».

Confusion

La consolidation et l'apparition de normes semblent d'autant plus inévitables, pour le Gartner, que l'attrait grandissant des clients vers la blockchain attire de nouveaux acteurs... ce qui accroit encore la fragmentation et la confusion tant certains entrants sont - volontairement ? - flous sur leurs offres.

Adrian Lee souligne d'ailleurs que le vocabulaire de l'écosystème blockchain est lui aussi trompeur. « Par exemple, le terme "transactions" est celui qui est le plus souvent mentionné avec la blockchain, suivi de "sécurisé" et de "sécurité". Bien qu'il puisse s'agir de choses que facilite cette technologie, les acheteurs ne savent toujours pas comment ces promesses peuvent se concrétiser ou quels avantages la blockchain apporte réellement par rapport à leurs processus existants ».

Marché fragmenté

Le cabinet en déduit que, sur les cinq prochaines années, il n'y aura pas une seule technologie dominante qui mettra tout le monde d'accord. On pourra nuancer ces propos en remarquant que la plupart des projets exploratoires sont réalisés sur deux grandes blockchains : sur Hyperledger et sur Ethereum (ou sa variante Quorum) - même si Ripple se fait également une place à part sur le marché.

Il n'en est pas moins vrai, également, que les variantes plus ou moins pré-packagées par une cohorte de startups et/ou infusées (dans l'ERP ou plus récemment dans le CRM par Salesforce), composent un marché fragmenté, « ce qui rend les choix technologiques problématiques pour les décideurs IT », souligne le cabinet d'analyste.

Même prudence dans la supply (block)chain

Début mai, le Gartner faisait peu ou prou le même diagnostic pour la blockchain appliquée à la chaine logistique (supply chain). « La plupart des initiatives blockchains pour optimiser la chaîne d'approvisionnement sont restés des projets pilotes à cause d'une combinaison d'immaturité technologique, d'un manque de normes, d'une portée trop ambitieuse et d'un malentendu sur la manière dont cette technologie pourrait, ou devrait, aider réellement ce secteur ».

Un autre analyste de Gartner, Alex Pradhan, concluait alors à une « lassitude » annoncée du marché.

Son étude sur la blockchain dans la supply chain révélait que seul 20 % des répondants considéraient les registres distribués comme très importants, et que seulement 9 % avaient investi. Alex Pradhan évoquait les mêmes arguments : marché éclaté, manque d'objectifs raisonnables voire de compréhension des spécificités de la blockchain. Résultat, « la majorité des entreprises ne savent pas comment évaluer, analyser et comparer les solutions, d'autant plus que le marché évolue rapidement ».

Apprendre en expérimentant sur de petits périmètres

« L'accent devrait être mis sur les PoC, l'expérimentation et les initiatives sur un périmètre modeste bien délimité qui permettent de tirer des leçons plutôt que sur [se lancer dans] des projets à grande valeur stratégique, à coûts élevés et à fort risques »
Gartner

Alors que la blockchain continue de se développer dans la chaîne d'approvisionnement - ce que Gartner constate et soutient (lire ci-dessous) - le cabinet recommande de rester prudent quant à une adoption précoce et de ne pas se précipiter. En tout cas pas « tant que la distinction entre la capacité intrinsèque de la technologie et le battage média ne sera pas clairement faite ».

« L'accent devrait être mis sur les PoC, l'expérimentation et les initiatives sur un périmètre modeste bien délimité, qui permettent de tirer des leçons plutôt que sur [se lancer dans] des projets à grande valeur stratégique, à coûts élevés et à fort risques », invite le cabinet.

Encore un peu plus tôt, en mars, Gartner concluait que la blockchain - malgré tous ses défauts actuels - pouvait aider activement les distributeurs à (re)créer une relation de confiance avec leurs clients et que 20 % des plus grosses enseignes mondiales l'utiliseraient d'ici 2025.

En France, rappelons qu'une pépite comme Tilkal (fondée par Matthieu Hug, également fondateur de Run My Process), propose une approche originale et opérationnelle qui tire véritablement parti des spécificités de la blockchain dans la traçabilité alimentaire. Comme quoi, il n'y a pas que du « buzz » dans la blockchain.

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