odriography - Fotolia

CRM : une alternative française de machine learning pour les assureurs

Alors que Salesforce ou SAP vantent l’intérêt d’une IA infusée « à tout faire », la startup Zelros a décidé de se spécialiser dans la conception d’algorithmes, comme IBM, pour aider les conseillers d’assurance dans leurs tâches auprès de leurs clients.

Zelros, c’est une « assurtech », une société française spécialisée dans les technologies dédiées au monde assurantiel, basée à Paris. Fondé en 2016 par trois collaborateurs, l’éditeur comptera plus de 50 collaborateurs à la fin de l’année. La startup a récemment ouvert un bureau à Munich, où elle espère séduire de nouveaux assureurs.

Son activité repose sur la conception d’un logiciel basé sur des algorithmes d’apprentissage statistique. Selon le dirigeant, le jeune éditeur a testé « sa proposition de valeur » pendant un an dans différents secteurs dans le but « d’augmenter l’expérience humaine ». L’ancien d'Axa et son équipe se sont rapidement tournés vers les métiers de l’assurance. « Les assureurs sont mis sous pression par des acteurs comme les GAFA et par l’arrivée de nouvelles figures de l’assurtech. Ils accélèrent actuellement leur transformation et ils manipulent beaucoup de données. Nous y avons perçu une opportunité », explique Christophe Bourguignat, PDG et co-fondateur de Zelros.

Des algorithmes conçus spécifiquement pour répondre aux problématiques des assureurs

Zelros a développé deux solutions. L’une doit faciliter l’aide à la vente et l’autre la relation client. La startup a identifié une problématique importante chez ses clients et prospects. « Les conseillers ont une panoplie de produits d’assurance toujours plus nombreux et plus complexes à distribuer. Cela comprend l’assurance habitation, l’assurance-crédit, épargne, juridique, etc. Nous les assistons en nous connectant à toutes les données de l’assureur afin de recommander la meilleure option, le meilleur argument pour l’aider à proposer un produit répondant aux besoins du client », relate le co-fondateur de la société.

Pour cela, les outils de l’éditeur se connectent au catalogue des données, au CRM, à l’historique des sinistres, des appels auprès du centre d'appels ou encore l’historique des échanges d'e-mail. La startup travaille actuellement sur une solution pour détecter dans le flux audio entre un conseiller et son interlocuteur, des éléments pour « améliorer de la prise de décision ».

Afin de développer son logiciel, elle mise dans un premier temps sur un apprentissage supervisé à l’aide des données de l’assureur. Après déploiement, elle emploie l’apprentissage par renforcement dans le but d’obtenir des retours des utilisateurs de la solution. « Petit à petit, le logiciel apprend au fil de l’eau dans quel contexte un argument est plus apprécié qu’un autre », précise Christophe Bourguignat. Les apprentissages sont réalisés à partir de données structurées et également à l’aide de reconnaissance d’images. Cette technologie permet de faire de l’extraction de champ dans des pièces justificatives spécifiques à ce métier.

Zelros emploie les stacks machine learning Python, Scikit-learn et Pytorch. Elles sont installées sur le cloud Microsoft Azure [la startup est passée par l’incubateur Microsoft IA Factory N.D.L.R.] dont Zelros utilise la partie calcul. Les différents modules sont instanciés à l’aide de Docker et de Kubernetes. La startup a déployé une quinzaine de modèles qui exploitent des données personnelles.

« Nous sommes tenus par le RGPD et des règlements liés aux secteurs assurantiels, de ne pas utiliser certaines variables pour effectuer de la recommandation de produits. À chaque modèle est associée une fiche résumant les caractéristiques des variables importantes, de la structure du jeu de données afin de repérer les biais éventuels. Nous avons publié ce standard éthique sur notre Github afin de le partager avec le plus d’organisations possibles », assure Christophe Bourguignat.

Zelros se positionne en complément des IA infusées dans les CRM

Les solutions de Zelros sont connectées aux outils maison des assureurs à partir d’un connecteur Web ou aux progiciels des éditeurs comme Salesforce ou Microsoft Dynamics. Concrètement, l’utilisateur métier dispose d’une fenêtre supplémentaire sur son écran dans laquelle figure des indications en temps réel concernant un produit d’assurance à mettre en avant, ainsi que le ou les arguments associés.

Ces grands éditeurs proposent pourtant leur propre intelligence artificielle. Par exemple, Salesforce mise sur Einstein pour aider ses clients à mieux vendre leurs produits. La proposition de Zelros semble entrer directement en concurrence avec ces offres dites « prêtes à l’emploi ». La question se pose : faut-il opter pour un outil annexe ou une intelligence infusée dans le CRM ?

« Nous en discutons très librement avec eux [Salesforce N.D.L.R.]. Nous sommes complémentaires avec eux, car les modules Einstein sont majoritairement horizontaux. C’est le même Einstein qui va être utilisé pour la vente de brosse à dents, la maintenance prédictive d’équipements industriels ou l’assurance. Cette forme d’IA propose des décisions en se basant sur les données disponibles dans Salesforce. Nous avons, nous, la possibilité d’intégrer d’autres sources de données », affirme le dirigeant de Zelros. « Il faut être vigilant, car tout le monde veut prendre la même trajectoire », ajoute-t-il.

En France, Zelros a 6 grands clients dont Axa et CPB. « Par exemple, Maif et Groupama utilisent la solution d’aide à la vente. CNP et Natixis profitent de l’aide à la relation client ». Pour l’instant, la startup double le nombre de clients par an. Deux autres seront annoncés à la fin de l’année. Chez CNP assurance, 600 personnes utilisent la solution. « Nos produits sont utilisés par 100 à 600 utilisateurs par assureur et le potentiel atteint plusieurs milliers chez chacun d’entre eux », assure Christophe Bourguignat. La jeune société réalise déjà « plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires », selon le dirigeant. Les abonnés, eux, mesurent le retour sur investissement en observant l’amélioration du taux de conversion. « Si nos clients ont un taux de conversion de 30 %, nous permettons de l’augmenter à 40, voire 45 %. Plus des trois-quarts des utilisateurs plébiscitent la solution ».

Le logiciel est proposé en mode SaaS à l’abonnement à l’année dont le prix dépend du nombre de produits d’assurance traités par la solution et des fonctionnalités choisies par le client. « A terme, nous souhaitons passer par des intégrateurs. D’ores et déjà nous nous sommes rapprochés de Capgemini, notre principal partenaire, mais pour l’instant nous le faisons principalement nous-mêmes. Ces intégrateurs veulent pouvoir installer notre technologie chez leurs clients et bâtir par-dessus des services d’accompagnement et de transformation ».

Zelros a levé 4 millions d’euros en 2018 auprès de 42CAP, Hi Inov et Astorya.vc. Elle envisage un deuxième tour de table au cours du deuxième trimestre 2020 pour se lancer aux Etats-Unis. 

Pour approfondir sur Applications métiers

Close