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Stockage : les analystes urgent les ingénieurs de changer de carrière

Gartner prédit la disparition des spécialistes du stockage. Les entreprises étant promptes à garder leurs salariés, les experts en place sont appelés à se former vite à autre chose.

Le cloud et l’hyperconvergence ont à ce point réduit la demande pour des spécialistes du stockage que, d’ici à cinq ans, il sera tout simplement impossible de trouver un tel profil sur le marché de l’emploi. Telle est la conclusion à laquelle sont arrivés les analystes et les DSI lors de la dernière conférence IT Infrastructure, Operations & Cloud Strategies de Gartner, qui s’est tenue fin 2019.

« Plus personne n’a vocation à devenir administrateur ou ingénieur en stockage. Les nouvelles générations préfèrent désormais s’orienter vers des carrières de développeurs. De fait, les fournisseurs mettent de plus en plus au point des systèmes d’administration autonomes, pilotés par intelligence artificielle, qui pourront être manipulés par des équipes IT généralistes », commente Julia Palmer, la vice-présidente de Gartner. 

Les DSI veulent de nouvelles compétences pour leurs nouveaux besoins

Selon elle, d’ici à 2025, 40% des traitements s’effectueront dans le cloud, 30% sur les sites de production de l’activité (le fameux edge computing, qui comprend les succursales d’un groupe, les boutiques d’une franchise ou encore les chaînes de montage d’un industriel) et 30% dans les datacenters sur site. En 2019, ces derniers hébergeaient pourtant encore 80% des applications, tandis que le cloud n’était utilisé que pour 19% des traitements et le edge, tout juste naissant, pour 1%. Conséquence de cette transformation, les DSI encouragent leurs spécialistes du stockage à élargir le champ de leurs compétences pour prendre d’autres responsabilités.

« Ces gens sont trop talentueux pour rester à attendre la prochaine mise à jour du firmware à installer », témoigne à ce propos Lyle Weigum, DSI de l’entreprise texane TRS, spécialisée dans la retraite des enseignants américains. « J’attends d’eux qu’ils soient plus concernés par les activités de l’entreprise, qu’ils aident les métiers à accélérer leurs processus », dit-il, précisant que les trois membres de son équipe jusqu’ici dévoués au stockage s’occupent désormais d’administrer VMware et Office 365.

TRS fait partie de ces entreprises qui évaluent en ce moment Amazon Outpost, une appliance matérielle qui installe directement l’infrastructure IaaS EC2 d’AWS dans les datacenters des entreprises. Avec un tel équipement, entièrement pris en charge par les équipes d’AWS, TRS espère se débarrasser de la contrainte technique de déployer des serveurs à la main et d’y installer des applications, de sorte que sa DSI devienne un service support, occupé à gérer les coûts d’exploitation et les droits d’accès.

« Les ingénieurs stockage peuvent devenir des architectes du stockage en cloud, parce que c’est quelque chose qu’il faut continuer à prendre en compte. La spécialité stockage ne disparaitra pas complètement, mais la quantité de personnels dédiés va nécessairement se réduire », estime pour sa part le DSI d’une compagnie d’assurance, qui a tenu à rester anonyme, chez qui les serveurs Exchange sur site ont été remplacés par Office 365.

Des formations pour garder les salariés plutôt que les remplacer

Angelina Troy, en charge de la branche Technical Professionnals chez Gartner, conseille aux actuels spécialistes du stockage de se former plus particulièrement à la gouvernance des données, à l’analytique et à la protection des données aussi bien dans des configurations cloud que edge.

« Nous observons que la plupart des entreprises qui migrent vers le cloud veulent garder les salariés en place. Il est peu question de les remplacer par de nouveaux talents ; les spécialistes du cloud ne sont de toute façon pas monnaie courante sur le marché de l’emploi. La meilleure option est donc de former les équipes existantes aux compétences nécessaires pour le cloud », analyse-t-elle.

« Nous avons pu constater que les spécialistes du stockage font d’excellent ingénieurs systèmes capables de programmer, d’optimiser la performance et de comprendre les problématiques liées aux systèmes d’exploitation ou aux réseaux », témoigne George Brady, le directeur technique de l’entreprise financière américaine Capital One. Capital One ambitionne de fermer tous ses datacenters en 2020 et a préparé cette transformation en mettant à disposition de ses informaticiens un système de formations en ligne pour une dizaine de nouvelles disciplines.

Des spécialistes subsisteront, mais à la marge

Cela dit, toutes les entreprises ne sont pas aussi catégoriques sur la fin rapide des carrières dans le stockage. Aux USA, la Major League Baseball a beau utiliser du stockage sur AWS et Google cloud, la majorité de ses 100 Po de données vidéos et statistiques demeure toujours sur des baies SAN et NAS traditionnelles sur site. Qui plus est grâce au très technique système de stockage Open source Ceph.

« Je n’imagine aucunement que nous nous séparions de nos équipes dédiées au stockage. Les technologies sur lesquelles ils travaillent vont certainement évoluer et ils auront sans doute dans leurs boîtes à outils des fonctions supplémentaires pour faire des trucs en cloud qui vont au-delà du stockage. Mais cela ne signifie absolument pas que les compétences liées au stockage doivent disparaître », martèle-t-il, sans vraiment indiquer avoir conscience d’évoluer dans un contexte marginal.

Un DSI dans une entreprise B2C en création, qui a également tenu à rester anonyme, penche pour une situation intermédiaire. Il ne doute pas qu’il aura besoin de travailler avec des spécialistes du stockage pour résoudre des problèmes d’optimisation liés à ses applications analytiques ou ses clusters de Machine Learning. « Cependant, je pense plutôt à une collaboration avec des consultants externes. Les priorités de mon activité vont à l’embauche en interne de spécialistes du réseau et de la sécurité. Je n’ai plus besoin d’avoir quelqu’un à demeure pour résoudre des problèmes liés à telle baie EMC ou NetApp. Ce monde n’existe plus », conclut-il.

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