Cet article fait partie de notre guide: Le grand guide du « cloud souverain »

GAIA-X : Cedric O anticipe des « oppositions » et confie le Hub français au Cigref

Chaque État de l’UE a été invité à créer un hub pour coordonner les démarches locales autour de GAIA-X. En France, le secrétaire d’État en charge du numérique a confié cette tâche au Cigref. Il souligne au passage les oppositions que pourrait rencontrer ce projet européen ambitieux.

Le projet européen GAIA-X prend de plus en plus forme. Le 30 novembre, le Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, a envoyé une lettre de mission à Bernard Duverneuil, président du CIGREF, pour que la structure qui regroupe les DSI des grands groupes nationaux organise le « Hub GAIA-X » en France.

« Le dispositif organisationnel envisagé pour GAIA-X prévoit de s’appuyer sur la création de Hubs qui [en] constitueront les relais nationaux », y rappelle Cédric O. « Ouvert aux entités de droit français, le hub français constituera l’interlocuteur national de l’association ainsi que celui des autres hubs européens ».

Un hub déjà en « ordre de marche »

Le secrétaire d’État justifie son choix du Cigref par « l’expertise et de l’implication du Cigref dans la genèse du projet » qui vise à lister et à rendre interopérables les acteurs cloud souverains européens.

La mission du Cigref sera de « de pérenniser et de développer cette initiative en France […] d’organiser et d’animer le hub français ». Et avant toute chose : de le créer.

Le mandat, renouvelable, débutera le 19 novembre 2020 pour une durée de 12 mois.

Le Cigref n’a cependant pas attendu cette lettre officielle pour préparer le terrain. Le hub français est d’ores et déjà « en ordre de marche », pour reprendre son expression.

Le premier comité de pilotage de ce qu’il convient désormais d’appeler le « French GAIA-X Hub » s’est en effet tenu dès le 3 décembre. Il était composé de représentants du Cigref, du pôle de compétitivité Systematic Paris-Region (pôle européen des Deep Tech qui regroupe 900 membres qui vont des startups aux investisseurs), de l’Académie des technologies (qui rassemble 337 académiciennes et académiciens, dont quatre prix Nobel), de la Direction générale des Entreprises (DGE) et de l’association GAIA-X.

Son objet a été, logiquement, purement organisationnel (rôle de chacun, feuilles de route, etc.).

La première plénière officielle du « French GAIA-X Hub » se tiendra, elle, le 22 janvier. Elle sera ouverte « à toutes les parties prenantes françaises intéressées par les objectifs et les ambitions de l’association GAIA-X, [qu’elles soient] membres ou non de celle-ci ».

Trois sujets y seront abordés : le rappel des fondamentaux de GAIA-X, les Data Spaces, et les retours et questions des participants.

Vers des « oppositions » non désignées

La lettre de mission de Cédric O souligne un point qui a jusqu’ici été diplomatiquement laissé de côté.

« Compte tenu des ambitions européennes dans le domaine du cloud et des oppositions qu’elle pourrait rencontrer, [...] le rôle du hub français sera d’une grande importance. »
Cédric OSecrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques

Les grands acteurs non européens, qui pourraient se sentir lésés par ce projet, ont en effet jusqu’ici plutôt montré un intérêt et une volonté de collaborer. Dans les membres « Day-1 » de GAIA-X, on compte treize Américains (dont Amazon, Google Cloud, Oracle, Salesforce, IBM ou le sulfureux Palantir) et trois acteurs chinois (Alibaba, Haier, Huawei) – selon l’annuaire officiel de GAIA-X.

Cette « union de façade » ne fait cependant pas oublier au Secrétaire d’État que les intérêts en jeu (financiers, juridiques et de renseignements, et d’influences politiques internationales) sont énormes.

« Compte tenu de l’importance des ambitions européennes dans le domaine du cloud, des oppositions qu’elle pourrait rencontrer, et du caractère transnational des activités des espaces de données, dont les frontières ne seront probablement pas toujours européennes, le rôle du hub français sera d’une grande importance », écrit Cédric O.

Le hub n’aura donc pas qu’une mission d’organisation. Il devra aussi « être en mesure de déceler les difficultés rencontrées par les différents organes de GAIA-X […] À ce titre je vous serais reconnaissant de tenir la DGE pleinement informée du déroulement de votre mission en particulier des difficultés que vous pourriez rencontrer » invite le Secrétaire d’État.

Autre point clef souligné par Cédric O : le Hub devra être « une structure robuste, susceptible de répondre dans la durée à la grande diversité des missions et des liaisons qui [lui] reviendront, mais sans aboutir à une organisation trop complexe dont la fluidité du fonctionnement interne ne serait pas garantie ».

Mais déjà évoquées par Thierry Breton

Le projet GAIA-X s’inscrit dans la droite lignée d’une tribune publiée en août dans Les Echos par Thierry Breton qui invitait à cesser d’être « naïfs ». Une expression qui est exactement la même que celle qu’emploie Servane Augier, d’Outscale, un des membres fondateurs du projet.

« L'Europe ne perdra pas la main sur l'énorme potentiel des données industrielles qui attisent tous les regards, au premier rang desquels les GAFAMS et autres BATX. »
Thierry Breton (dans Les Echos)Commissaire européen, chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l'espace

« Nous allons renforcer la protection de notre espace informationnel, encore trop largement dominé par des acteurs géoéconomiques non européens. […] L’Europe a manqué la première vague de l’économie des données personnelles. Elle ne perdra pas la main sur l’énorme potentiel des données industrielles qui attisent tous les regards, au premier rang desquels les GAFAMS et autres BATX », y écrivait le commissaire européen pour la France, en charge du marché intérieur.

Celui qui est également l’ancien PDG d’Atos (un des vingt-deux membres fondateurs de GAIA-X au côté d’Outscale) concluait que « l’ère de la naïveté révolue, le temps de la relance [devait] être mis à profit pour ne pas s’enfermer dans une nouvelle dépendance géostratégique vis-à-vis des États-Unis […] ou géoéconomique envers le partenaire concurrent et rival systémique chinois ».

La lettre de Cédric O – et ces « oppositions » qu’il anticipe – tend à montrer que le message a été entendu en France. Sera-t-il suivi d’effets, notamment dans la commande publique ou avec un Small Business Act à l’européenne (qui ne sont pas officiellement un sujet de GAIA-X) ? C’est une tout autre histoire. Celle où cette fois, les oppositions montreront leurs vrais visages.

Pour approfondir sur IaaS

Close