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Reconversion : la réponse à la pénurie de talents cyber ?

La pénurie de professionnels qualifiés en cybersécurité perdure. De plus en plus d’entreprises se tournent donc vers la reconversion de professionnels vers des profils IT, que ce soit en interne ou sur le marché de l’emploi.

La pandémie n’a pas amélioré la situation déjà connue depuis de nombreuses années de pénurie de compétences cyber. Selon une enquête internationale réalisée en août 2021 par Enterprise Strategy Group (ESG) pour l’ISSA (Information System Security Association) auprès de 489 professionnels IT et de la cybersécurité, 95 % des répondants considèrent que le déficit de compétences en cybersécurité n’a pas été comblé, et 44 % qu’il s’est accru. Et 57 % des entreprises se déclarent affectées par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en cybersécurité.

Ces résultats viennent préciser ceux de l’étude IT Skills and Salary Report de Global Knowledge de novembre 2020, selon laquelle 78 % des décideurs informatiques mondiaux faisaient face à des lacunes critiques en matière de compétences. Avant le début de la pandémie de la Covid-19, 45 % des entreprises considéraient que le déficit de compétences dans ce domaine s’était aggravé au cours des dernières années. Pour 48 %, la situation n’avait pas changé, tandis que 7 % seulement affirmaient que la situation s’est améliorée.

Une recherche de profils atypiques ?

Même si l’on manque d’études très précises sur ce sujet, et que les chiffres avancés semblent parfois un peu surréalistes ou dopés par un besoin de communication évident pour attirer les talents, la pénurie de main-d’œuvre semble bien réelle, avec des entreprises peinant réellement à trouver des profils qualifiés. La cybersécurité fourmille d’exemples de profils atypiques embauchés dans des SOC par exemple. Des professeurs de collège, des linguistes, peuvent travailler dans des centres opérationnels de sécurité comme analystes. Et la cybersécu n’est pas avare de profils « atypiques » tellement le secteur est encore pionnier et demande des réponses non formatées, mais surtout, cherche à embaucher.

« En matière de formation de compétences cyber, il y a clairement des “trous dans la raquette”. »
Frédéric RémiPDG et cofondateur, Amossys

Comme le souligne Tiphaine Leduc, manager de la filière cybersécurité chez Bretagne Développement Innovation : « la cybersécurité est souvent vue comme un secteur technique alors que les besoins sont variés : gouvernance, organisationnel, business, sont des compétences recherchées dans la filière. Le prisme technique de la filière est trop limitatif par rapport aux besoins ».

« Le besoin au niveau national est de doubler les emplois dans la filière d’ici 2025. Cela nécessite de diversifier les canaux de formation, et la reconversion est l’une des options à considérer et à renforcer », reprend Tiphaine Leduc.

Ce n’est pas un chef d’entreprise comme Frédéric Rémi, PDG et co-fondateur d’Amossys, établi dans la « Silicon Valley » bretonne de Rennes, qui dira le contraire : « c’est clair qu’il y a beaucoup plus de demandes [de travail, N.D.L.R.] que d’offres ». Pour lui, « en matière de formation de compétences cyber, il y a clairement des “trous dans la raquette” ». Dès lors, estime-t-il, « la reconversion est, comme la féminisation des équipes, un des enjeux de la filière ».

Reconversion et féminisation

Il fait partie de ceux qui croient aux bienfaits de la reconversion : pour pallier la pénurie, il a fait appel sans beaucoup de succès, à Pole Emploi. Conséquence, il a plutôt choisi de reconvertir certaines compétences en interne. « Un développeur informatique, correctement formé en interne, peut devenir un très bon consultant en SSI », souligne-t-il. Conséquence logique, il travaille avec d’autres entreprises de la filière à Rennes à la structuration d’une offre de formation en cybersécurité, comme la CyberSchool.

« Un développeur informatique, correctement formé en interne, peut devenir un très bon consultant en SSI. »
Frédéric RémiPDG et cofondateur, Amossys

La Cyberschool, un partenariat de plusieurs établissements académiques – dont Central Supelec, CNRS, ENSAI, Ens Rennes, IMPT, INSA, Rennes 1&2 –, est soutenue au titre des programmes d’investissements d’avenir. Le projet est né durant l’été 2020. Son ambition est de former, par – et à – la recherche, avec l’objectif d’augmenter fortement le nombre de diplômés dans les spécialités de la cybersécurité, pour répondre aux besoins de recrutement du territoire breton et participer à l’effort collectif au niveau national.

« La Cyberschool participe aux efforts de Rennes Métropole et du Pôle d’Excellence Cyber en matière de requalification vers ce domaine. Un poste à mi-temps est dédié à cet accompagnement. En concertation et au travers des travaux menés par Rennes Métropoles, le Pôle d’Excellence Cyber et les entreprises spécialisées installées localement, nous facilitons la requalification de personnes dans le domaine de la cybersécurité », précise Yann Allain, chargé de mission reconversion à la CyberSchool.

Cette action prend plusieurs formes, avec notamment une présentation des métiers de la cybersécurité aux personnes en reconversion, comme les demandeurs d’emploi, mais également l’analyse des profils. Certains métiers antérieurs se prêtent plus à la requalification tandis que certains parcours demandent des formations plus larges. À cela s’ajoute l’analyse des demandes des entreprises et du marché des formations disponibles – et compatibles avec les profils des personnes en reconversion –, ainsi qu’une rencontre avec les personnels concernés.

Le sujet est vaste et complexe, mais nécessaire. « La CyberSchool participe à “l’effort de guerre” dans ce domaine. », conclut Yann Allain.  

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