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Les DSI devront revoir leur feuille de route en 2022 (Gartner)

L’informatique a toujours visé à gagner en efficacité à partir de l’automatisation des processus. Mais une plus grande efficacité n’entraîne pas nécessairement un changement radical des résultats de l’entreprise. Or c’est ce qui est désormais demandé aux DSI avec l’accélération de la transformation digitale pour cause de pandémie.

Grandes manœuvres pour 2022. Les DSI sont invités à réfléchir à la manière de faire évoluer leur rôle, à l’heure où les entreprises s’orientent vers des stratégies de développement qui reposent en grande partie sur les technologies numériques. À l’occasion de son symposium organisé en mode virtuel pour la seconde année consécutive, Gartner est revenu en novembre sur la manière dont l’IT pouvait aider les DSI à se libérer des idées reçues, à modifier les pratiques et à lutter contre les préjugés.

S’exprimant à l’ouverture de la conférence, Daryl Plummer, l’un des principaux vice-présidents chargés des études chez Gartner, a ainsi expliqué que « les DSI doivent reconsidérer leur façon de concevoir la valeur, et la manière dont ils parviennent à cette valeur. Ils doivent avoir une vision plus large du rôle que joue la technologie à cet égard, et ils doivent avoir l’audace d’aller au-delà de leur place habituelle pour user de leurs nouvelles prérogatives ».

Pour les analystes du cabinet de conseils, le grand changement à venir sera plus dans le mode de financement de l’informatique que dans le montant alloué. « L’informatique est en train de passer d’un rôle de soutien de l’activité pour devenir l’activité elle-même, ce qui signifie que les dépenses en matière de technologie passent d’un coût d’exploitation (ventes, frais généraux et administratifs) à un coût associé à la génération de revenus voire à un coût qui impacte directement le niveau de marchandises ou de services vendus », explique John Lovelock, autre analyste VP chez Gartner. « Les DSI ont un exercice d’équilibriste à réaliser, en économisant de la trésorerie et en développant les revenus ».

Une évolution forte du concept de « poste de travail »

Pour 2022 cela signifie en premier lieu, dans une ère post-pandémie, qu’il faut permettre aux acteurs de l’entreprise de poursuivre leur mission. « Les gens et les pratiques ont été changés par les événements, mais nous sommes toujours des êtres sociaux », insiste John Lovelock.

« Le modèle reposant sur la propriété de son actif IT disparaît peu à peu. »
John LovelockGartner

Il est cependant peu probable que les gens reviennent aux schémas de travail d’avant la pandémie, où la majorité des employés se rendaient quotidiennement à leur bureau. Quelle que soit l’évolution du mode hybride de relation au poste de travail, John Lovelock estime que la manière dont le contenu est partagé et dont la collaboration se déroule devient fondamentale pour l’évolution de l’espace travail.

Et de citer deux exemples concrets de cette nouvelle réalité. Des technologies éprouvées telles que les tableaux blancs numériques pourraient ainsi connaître une nouvelle jeunesse et être utilisées pour encourager la collaboration dans un contexte classique. Mais dans le même temps, un besoin lié à des formes de collaboration asynchrones se fait jour, afin de permettre aux personnes travaillant à des heures différentes ou situées dans des fuseaux horaires différents de participer à des réunions en ligne.

La vague cloud déferle sur l’Europe

Selon les dernières prévisions de Gartner, c’est sur la zone EMEA – donc en Europe – que les dépenses en logiciels devraient connaître la plus forte croissance en 2022, et ce grâce à l’augmentation des dépenses liées au cloud. Les dépenses en logiciels devraient ainsi augmenter de 10 %, devant les services IT, dont Gartner a prévu une croissance de 8,2 %.

Les investissements dans le cloud devraient ainsi représenter 12,5 % des dépenses informatiques totales des entreprises sur l’année. L’infrastructure à la demande (IaaS) et le poste de travail cloud (DaaS) devraient être les deux segments dans lesquels les entreprises de la région augmenteront le plus leurs dépenses, avec une croissance respective de 32,3 % et 31,1 %. 

En regardant les habitudes d’achat en matière d’IT, John Lovelock estime que « nous assistons à un changement fondamental ». De plus en plus d’organisations passent de l’achat de produits informatiques à un modèle de service. « Les ventes de logiciels sous licence sont en baisse et la croissance des datacenter propriétaires sera nulle pour les prochaines années », a-t-il estimé. « Le modèle reposant sur la propriété de son actif IT est en train de disparaître peu à peu ».

Si les DSI ont démontré leur efficacité pour permettre aux opérations de se poursuivre pendant la pandémie, John Lovelock estime que la plupart des entreprises ont pris du retard dans la conduite de la transformation digitale. Et nombre d’entre elles « ne seront pas en mesure de se transformer totalement numériquement avant longtemps ».

Les risques d’une approche hybride

Reste que le chemin suivi est risqué. Toute transformation numérique partielle conduit ainsi à une approche hybride. Or, Gartner estime que ce choix aboutit le plus souvent à créer du retard par rapport aux organisations qui ont pleinement plongé dans le digital.

Le plus grand risque réside dans une approche simpliste de type : réaliser d’anciens processus à l’aide de nouvelles technologies. Pour Gartner les changements, pour porter leurs fruits, doivent être beaucoup plus profonds.

« Si la DSI peut faire gagner un dollar à l’entreprise, tout change »
John LovelockGartner

Au lieu de se cantonner à la recherche de gains d’efficacité, John Lovelock estime que les responsables IT doivent surtout réfléchir à la manière dont l’informatique peut permettre de gagner des parts de marché. La révolution culturelle de la DSI porte sur ce point : il ne s’agit plus d’utiliser l’IT pour des gains sur les coûts, mais bien d’apporter des leviers aux revenus. « Si vous pouvez faire gagner un dollar à l’entreprise, tout change » selon John Lovelock.

Du point de vue de la gestion des infrastructures, les grandes organisations disposant d’un actif et d’un historique de pratiques importants peuvent paradoxalement être freinées par la manière dont elles délivrent et facturent les services internes. Le système de refacturation souvent à l’œuvre dans ces grands comptes « repose sur d’anciennes pratiques comptables » selon Gartner pour qui « la refacturation est une raison majeure pour laquelle l’informatique n’évolue pas aussi vite qu’elle le pourrait ».

Si Gartner dessine un avenir radieux pour l’IT, il met aussi en garde les DSI : la plupart des entreprises prenaient des décisions technologiques qui les engageaient sur plusieurs années. Il s’agit donc pour des organisations déjà très structurées de savoir conserver ces pratiques tout en les renouvelant.

« Certains des projets qui se déroulent actuellement sont le fruit de partenariats avec des fournisseurs de technologie qui travaillent avec un client pour développer un nouveau modèle économique », a-t-il déclaré.

La relation entre la DSI et l’entreprise est donc appelée à se modifier durablement. « La carrière du DSI a consisté à fournir un environnement stable », conclut ainsi John Lovelock. Cela sera encore le cas. Mais en plus, « aujourd’hui, l’entreprise veut clairement que l’IT génère des revenus ».

Récemment, McKinsey, un autre cabinet de conseil plus porté sur les organisations que sur les technologies disait la même chose. Pour Amer Baig, Associé principal : les DSI doivent passer « du statut de leader technologique à celui de moteur de l’activité, et les mesures qu’ils prendront au cours des 12 prochains mois détermineront en grande partie si leur entreprise pourra répondre à ses aspirations ».

 

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