Les backbones Internet français ont-ils été sabotés ?

Dans la nuit du 26 au 27 avril, au moins trois liens grande distance ont été coupés : à vingt minutes d’intervalle, trois fourreaux ont été sectionnés au nord, à l’est et au sud de Paris.

Les fibres longue distance qui relient les datacenters aux points de présence des opérateurs ont-elles été sabotées ? Dans la nuit du 26 au 27 avril, au moins trois de ces colonnes vertébrales d’Internet en France ont été sectionnées, coupant manifestement l’accès à de nombreux abonnés Free sur le territoire – l’affaire mobilise l’opérateur sur Twitter – mais aussi à des clients de plusieurs opérateurs télécoms B2B alternatifs. Parmi ces opérateurs, Netalis a communiqué sur Twitter pour dire que ses équipes avaient pu restaurer en quatre heures toutes les communications, en routant les accès depuis ses datacenters vers des fibres alternatives.

Du jamais vu

L’affaire semble dépasser l’habituel problème de maintenance. Elle serait grave au point qu’aucun des professionnels interrogés par LeMagIT n’a souhaité témoigner à découvert. Fait marquant : les fibres ont véritablement été sectionnées en trois endroits, au sud, à l’est et au nord de Paris, et ce, à vingt minutes d’intervalle. « En vingt ans de carrière, je n’ai jamais vu ça ! Ce n’est pas une coïncidence d’accidents, c’est une action coordonnée ! », s’emporte l’un des prestataires télécoms que LeMagIT a interrogés.

Il est déjà arrivé que des fibres soient sectionnées, lors de travaux sur la chaussée, ce qui a par le passé occasionné l’indisponibilité pendant plusieurs heures de services Internet, en l’occurrence de ceux hébergés dans les datacenters reliés à cette fibre. « Des pelleteuses ne coupent pas Internet en pleine nuit vers 3h40 du matin », tranche Nicolas Guillaume, le PDG de l’opérateur Netalis sur Twitter.

Qui ?

Selon nos sources, des « services de l’État » auraient contacté tous les opérateurs concernés par ces coupures. La gendarmerie serait sur le pied de guerre. La première question est de déterminer qui aurait coordonné un tel acte. Faut-il le rattacher au conflit en Ukraine ? Doit-on y voir l’action d’activistes en représailles des récents résultats à la présidentielle ?

L’un de nos interlocuteurs émet une hypothèse plus ciblée : « il y a depuis de nombreux mois une grogne de la part des prestataires qui installent les infrastructures fibres et qui ne sont jamais payés à temps par leurs commanditaires, les opérateurs. A priori, les fibres sectionnées appartiennent à SFR, lequel a particulièrement mauvaise réputation chez les prestataires », dit-il. Plusieurs sources confirment l’appartenance de deux liens sectionnés à SFR, mais le troisième appartiendrait à l’Américain Lumen Technologies (ex-CenturyLink).

Comment ?

Autre question, comment est-il possible d’aller sectionner de telles fibres alors qu’elles sont censées être enterrées ? « En France, les fibres longue distance sont essentiellement enterrées le long des autoroutes, des chemins de fer, des lignes EDF ou des voies navigables. Si je vous donne un plan des tracés, franchement, il est assez simple de voir où vous pouvez aller sectionner assez simplement une fibre », dit l’un de nos interlocuteurs.

Un autre ajoute : « je crois savoir que les liens sectionnés étaient tous enterrés le long de voies navigables. Ce sont les plus simples à sectionner, car ils sont extractibles au niveau de nombreuses chambres télécoms. »

Free, l’une des principales victimes, confirme l’intervention malveillante au niveau des chambres, photos à l’appui sur Twitter.

Normalement, seuls les opérateurs et leurs prestataires installateurs ont accès au tracé des fibres sur le territoire. Cependant, il existe un site dédié et librement accessible, Infrapedia.com, qui, à la manière de Google Maps, fournit des cartes très, très détaillées.

La photo d’illustration en tête de cet article est tirée du fil Twitter de Free.fr

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