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CloudBees met la main sur ReleaseIQ pour convaincre les utilisateurs de Jenkins

Contesté sur son propre terrain, CloudBees tente de s’élever au-dessus de la mêlée pour rester dans la compétition SDM. C’est en tout cas ce pour quoi l’éditeur affirme avoir racheté ReleaseIQ. Dans un premier temps, il espère convaincre les utilisateurs de Jenkins qui n’utiliseraient pas déjà ses produits.

Les années 2021 et 2022 ne sont pas de tout repos pour CloudBees. Cette semaine, son salon DevOps World qui devait se tenir à Orlando a été annulé en prévision de l’arrivée de l’ouragan Ian en Floride. Toutefois, les plus gros bouleversements que subit l’entreprise sont organisationnels.

 Après une levée de fonds menée l’année dernière, Sacha Labourey, fondateur et PDG de l’éditeur spécialiste du Software Delivery Management (SDM), avait décidé de laisser sa place pour prendre le rôle de Chief Strategist Officer.

Son successeur, Stephen DeWitt, ancien CSO chez Automation Anywhere a rapidement rendu le tablier pour « raisons personnelles », à peine un an après sa prise de fonction. C’est Anuj Kapur qui le remplace. Anuj Kapur était il y a quelques années CSO et responsable produit chez Cisco. Il a vécu le rachat d’Appdynamics, une solution APM au cœur de l’offre d’observabilité de Cisco. Entre 2020 et 2021, il avait pris le poste de président corporate development & strategy chez SAP.

« Anuj Kapur est actif depuis six semaines chez CloudBees. Donc c’est encore trop tôt pour dire qu’il a changé la dynamique de l’entreprise », déclare Sacha Labourey auprès du MagIT. « Il lui faut du temps pour monter en charge, mais il s’intéresse depuis longtemps au domaine du DevOps. Chaque PDG est très différent. C’est quelqu’un de très intelligent – il a un bon CPU – et est capable d’être rapidement opérationnel », ajoute-t-il.

Anuj Kapur doit notamment mener l’arrivée et le développement de certains produits encore jeunes au catalogue de CloudBees. Sous la direction de Stephen DeWitt, l’entreprise avait présenté CloudBees Compliance, son interprétation du moteur de règles Open Policy Agent, très usité pour la gestion de la conformité et des règles de sécurité.

Le nouveau président devra s’occuper de l’intégration de ReleaseIQ, dont le rachat vient d’être annoncé par CloudBees pour un montant inconnu.

« Une vision d’aigle » (bis) sur les livraisons de code

Fondée en 2019 à Santa Clara, la startup ReleaseIQ développe une solution d’orchestration de pipelines CI/CD disponible en mode SaaS, avec une interface low-code. Sur LinkedIn, elle recense une vingtaine d’employés.

Il s’agit d’un control plane – un serveur accessible en mode SaaS – doublé de plusieurs agents prévus pour s’intégrer avec différents outils dont Jenkins, CloudBees CI, GitHub, BitBucket, CircleCi, Bamboo ou Perforce. ArgoCD, GitHub Actions, GitLab, New Relic, Apache SVN, Jira, AppDynamics, Amazon ECR, Puppet et Apache Spinnaker sont également pris en charge.

L’interface doit abstraire l’assemblage des éléments d’un pipeline de livraison de code. Il s’agit de connecter visuellement un dépôt de code avec un moteur CI, de configurer les différents tests, les étapes d’approbation. Un éditeur de code YAML permet d’y placer du code spécifique ou d’éditer les éléments générés. L’outil sert d’inventaire de pipelines, permet de planifier les tests, les exécutions et de recevoir des alertes quand le processus de livraison s’arrête ou présente des bugs. ReleaseIQ dispose de plusieurs fonctionnalités analytiques pour surveiller le « déroulé » des tests, mesurer la productivité des développeurs, ou encore suivre les commits.

« Cela permet d’orchestrer les livraisons, mais aussi d’extraire de l’intelligence de tous les outils différents », résume Sacha Labourey. 

Il s’agit « de redonner du pouvoir aux développeurs » en les laissant utiliser les outils qu’ils préfèrent, tout en apportant une couche de pilotage et de contrôle qui englobe idéalement tous les aspects relatifs aux flux d’intégration et de livraison continus.

Certaines des fonctionnalités semblent chevaucher celles disponibles dans CloudBees CD/RO, un produit issu du rachat d’Electric Cloud en 2019. Pour rappel, l’éditeur n’avait pas réalisé d’acquisition depuis. En sus d’Electric Cloud, cette même année, il avait mis la main sur Rollout, un spécialiste du feature flagging.

Contrairement aux autres produits de CloudBees, cette solution est hybride et ne réclame pas de refaire ou de migrer les pipelines existants, signale Shawn Ahmed, Chief Marketing Officer chez CloudBees. « [ReleaseIQ] dépend d’un modèle SaaS et permet le support de déploiements en cloud hybride », vante-t-il. « Parce que nos clients sont en pleine transition vers le cloud, ils ont largement un modèle hybride qui leur permet de migrer progressivement vers le cloud et de conserver les charges de travail les plus critiques sur site ».

Dans ce mode hybride, le control plane, le serveur ReleaseIQ, sera géré par CloudBees. Les utilisateurs, eux, déploieront les agents sur les environnements de leur choix, derrière le pare-feu sur site ou d’un compte cloud.

En toute logique, CloudBees n’aura pas un gros travail d’intégration à opérer. « ReleaseIQ était déjà intégré avec nos environnements. Nous travaillons sur l’image de marque pour que l’interface utilisateur ressemble à une de nos solutions et sur la gestion des identités pour que nos clients puissent utiliser leurs identifiants habituels », remarque Sacha Labourey. D’autres ajouts seront effectués par la suite, mais le CSO n’a pas souhaité en révéler la nature.

« Certains de nos compétiteurs vantent les capacités d’une solution unique. Ce n’est pas notre philosophie, nous ne sommes pas là pour remplacer tous les outils ».
Sacha LaboureyCSO, CloudBees

Cette approche serait sensiblement différente de celles des éditeurs d’une plateforme DevOps, GitHub et GitLab en premier lieu.

« Certains de nos compétiteurs vantent les capacités d’une solution unique. Ce n’est pas notre philosophie, nous ne sommes pas là pour remplacer tous les outils », assure le CSO de CloudBees.

Dans l’idée, l’éditeur pourrait ainsi se détacher de la compétition en positionnant ses produits comme des « orchestrateurs » interopérables avec les différentes solutions du marché dans la volonté de résoudre les problèmes de visibilité sur les développements et les opérations. C’est ce que propose à leur manière ServiceNow, Atlassian ou encore PagerDuty, dans une certaine mesure.

Selon Sacha Labourey, l’apport d’une « vision d’aigle » sur les projets de développements par CloudBees, est une voie stratégique – qui, d’ailleurs, justifiait la disponibilité de CloudBees Compliance, mais n’est pas encore une réalité. Le CSO évoque notamment plusieurs développements en cours pour concevoir une telle plateforme.

Convaincre les utilisateurs de Jenkins OSS

La raison principale du rachat de ReleaseIQ est moins innovante. « Les grands clients de CloudBees étaient des utilisateurs de Jenkins », rappelle Sacha Labourey. « Ils ont des environnements relativement complexes avec un certain nombre de contrôleurs et plusieurs milliers d’utilisateurs. Avec CloudBees CI, nous normalisons ces environnements Jenkins. C’était moins un problème pour des organisations plus petites, mais les choses ont évolué », note-t-il. « Avec ReleaseIQ, nous adressons à nouveau ce cœur de communauté Jenkins en lui apportant une visibilité de bout en bout avec un minimum de bouleversements », ajoute-t-il.

« Avec ReleaseIQ, nous adressons à nouveau ce cœur de communauté Jenkins en lui apportant une visibilité de bout en bout avec un minimum de bouleversements ».
Sacha LaboureyCSO, CloudBees

Selon Shawn Ahmed, des organisations dotées de « trois ou quatre contrôleurs Jenkins » (et non des centaines comme dans les grands groupes) peuvent avoir beaucoup de pipelines et des centaines de jobs qui ne sont pas connectés ou automatisés. « C’est un problème auquel ReleaseIQ peut très bien répondre », insiste-t-il.

Cela lui permettrait d’endiguer ou de ralentir les potentielles migrations de la base installée de Jenkins vers les solutions concurrentes. Capter cette clientèle n’est pas une nouvelle technique chez CloudBees. C’est un avantage, observe Jon Collins, analyste chez GigaOm auprès de SearchITOperations [propriété de Techtarget, également propriétaire du MagIT].

Et cela fonctionne, selon l’analyste. Preuve en est, les revenus de CloudBees ont augmenté malgré les changements de stratégie et une gestion des produits pour le moins mouvementée.

Mais cette stratégie n’est valable que si la tarification de ReleaseIQ est adaptée à cette clientèle. Et justement, la dimension SaaS du produit, relativement nouvelle pour CloudBees, permettrait ainsi de convaincre ces entreprises moins dotées. « Le modèle tarifaire est relativement simple. Il est établi sur le volume, à savoir le nombre d’utilisateurs », indique Shawn Ahmed. « Les clients de nos offres CI/CD dans le cloud bénéficieront de cette solution à un prix très avantageux ». Les autres clients existants auront aussi le droit à une remise, termine-t-il. Les tarifs exacts demeurent toutefois confidentiels pour le moment.

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