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Fin des frais de sortie cloud : Microsoft s’aligne sur GCP et AWS sur fond de guerre des licences

Après Google Cloud et AWS, c’est au tour de Microsoft de supprimer les frais de rapatriement de données quand ses clients quittent Azure. La firme de Redmond applique peu ou prou les mêmes conditions de départ que ses concurrents, mais ces acteurs l’accusent de maintenir des pratiques de gestion de licences abusives.

Comme son concurrent AWS, Microsoft incluait déjà la possibilité de rapatrier 100 Go de données par mois gratuitement de toutes les régions cloud.

Cette décision a été prise en réaction au Data Act, un texte de loi européen dont la prise d’effet est prévue pour le mois de septembre 2025. Pour autant, comme chez GCP et AWS, la mesure de rapatriement de données s’applique mondialement. Les trois acteurs ont également vu une part de leur clientèle se tourner vers des acteurs qui n’appliquent pas ou peu d’egress fees, comme Cloudflare, Oracle Cloud Infrastructure et OVHcloud.

En complément de leurs annonces, les concurrents de Microsoft ont mis à jour leur documentation et ont publié une foire aux questions. La firme de Redmond n’a pas encore traduit la mesure dans sa documentation française. Les conditions explicitées dans le document en langue anglaise sont proches de celles posées par AWS et GCP.

Des conditions de sortie quasi identiques à celle de GCP et d’AWS

Plus précisément, le client de Microsoft doit envoyer une demande de rapatriement au support Azure. Une fois que la requête est enregistrée, le processus de transfert des données en dehors d’Azure doit être effectué en 60 jours. Toutefois, comme GCP et AWS, Microsoft peut accorder un délai supplémentaire aux clients sur le départ. « Si vous avez besoin de plus de 60 jours pour extraire vos données, veuillez inclure un aperçu de votre calendrier de migration dans votre demande initiale d’assistance Azure », précise la documentation.

En revanche, les coûts induits par ce délai supplémentaire ne semblent pas couverts par Microsoft. « Vous recevez un crédit pour un maximum de 60 jours calendaires de frais de sortie à partir de la date que vous avez indiquée comme date de début du transfert », lit-on dans la documentation.

Et, là encore, les frais liés aux services de réseaux privés virtuels, de CDN et de VPN ne sont pas inclus. « Les frais standard pour les services Azure et le transfert de données à partir de services spécialisés tels qu’Express Route, Express Route Direct, VPN, Azure Front Door et Azure Content Delivery Network (CDN) ne sont pas inclus dans cette offre de crédit ».

Ce rapatriement n’implique pas la suppression du compte, mais l’annulation de toutes les souscriptions associées. « Vous devez annuler tous les abonnements Azure associés à votre compte après le transfert de vos données avant de pouvoir demander un crédit au niveau de la facture », signalent les ingénieurs de Microsoft.

Il semble toutefois possible de réactiver un abonnement « Pay as you go » à partir de l’Azure Portal. Encore une fois, les frais de rapatriement ne sont qu’une partie du problème, selon les acteurs du secteur. La conduite du projet de migration en lui-même et le déploiement de ressources similaires sur l’infrastructure cible sont évidemment des sources de coûts bien plus importants.

Un « pas dans la bonne direction » pour GCP, mais qui ne met pas fin à la guerre des licences

De plus, le marché attend d’autres initiatives de la part de Microsoft.

« La décision de Microsoft de ne plus faire payer le rapatriement de données est un pas dans la bonne direction », déclare Amit Zavery, vice-président et directeur général de la plateforme Google Cloud, sur X (ex-Twitter). « Mais afin de respecter réellement le choix des clients, il est temps de franchir un obstacle bien plus haut : celui des licences restrictives et prédatrices de Microsoft qui obligent les clients à opter pour Azure ».

« [...] Afin de respecter réellement le choix des clients, il est temps de franchir un obstacle bien plus haut : celui des licences restrictives et prédatrices de Microsoft qui obligent les clients à opter pour Azure ».
Amit Zaveryvice-président et directeur général de la plateforme Google Cloud

Pour rappel, Google et AWS ont porté plainte contre Microsoft pour abus de position dominante. En juin, Google postait une requête auprès de la FTC, puis au début du mois de décembre, les deux acteurs ont demandé à la CMA (Competition and Markets Authority) britannique d’ouvrir une enquête. Comme l’autorité de la concurrence française, la CMA s’intéresse depuis le mois d’octobre 2023 aux pratiques des fournisseurs cloud, après un rapport réalisé par l’Ofcom qui signalait, entre autres, que Microsoft et AWS détiennent à eux deux 80 % de parts de marché au Royaume-Uni. L’enquête devrait être terminée en avril 2025. AWS et Microsoft ont déjà répondu aux questions de l’autorité britannique.

Dans sa réponse du 9 novembre dernier, Microsoft exposait à la CMA que « compte tenu du coût réel du transfert de données, les fournisseurs de services en cloud doivent récupérer les coûts quelque part ». Les fournisseurs de services cloud pourraient ainsi « fiabiliser la planification, la gestion et la fourniture des services réseau » et « éviter les inévitables problèmes de parasitisme qui se poseraient sans facturation de la bande passante, entraînant une utilisation excessive des données ».

Et d’ajouter que, selon le rapport de l’Ofcom, les egress fees « ne constituent pas un véritable obstacle au multicloud ou au passage à une autre technologie ». « Il y a très peu de preuves que les frais de sortie entravent réellement la concurrence – […], ce qui est confirmé par l’enquête de l’Ofcom dans laquelle seulement 6 % des personnes interrogées ont identifié les frais de sortie comme le principal obstacle au changement de fournisseur », insiste Microsoft. Deux points partagés par AWS et GCP.

Concernant ses pratiques en matière de gestion de licences, le géant du cloud basé à Redmond affirme avoir « adapté ses pratiques au fil du temps ». « Certaines modifications apportées en 2019 ont involontairement perturbé le modèle commercial des petits fournisseurs de cloud, qui se sont plaints auprès de la Commission européenne. Pour répondre à leurs préoccupations, Microsoft a apporté d’autres changements en matière de licences en 2022, qui ont permis aux logiciels Microsoft achetés pour une utilisation sur site dans le cadre d’un abonnement d’être exécutés dans les clouds des fournisseurs “non listés” (c’est-à-dire tout cloud autre qu’Azure AWS, GCP et Alibaba Cloud) sans frais supplémentaires », répondait alors Microsoft. « Ces changements en matière de licences ont résolu les plaintes déposées par OVHCloud (et d’autres) et s’appliquent à l’échelle mondiale, y compris au Royaume-Uni ».

Ce n’est pas ce que croit l’association nord-américaine Coalition for Software Licensing.

« Tant que Microsoft ne prend pas de mesures actives pour cesser ses pratiques de gestion de licence restrictives qui verrouillent ses clients dans son écosystème, cette annonce visant à “soutenir” le choix des clients est au mieux une coquille vide », affirme Ryan Triplette, directrice de l’association nord-américaine Coalition for Fair Software Licensing, sur X. « Nous espérons que ce geste permettra à l’industrie et aux régulateurs de reconnaître l’impact de licences restrictives sur le choix des clients. Nous demandons instamment à Microsoft de cesser d’esquiver la question et de soutenir réellement le choix des consommateurs en adoptant les principes d’équité dans l’octroi des licences de logiciels ».

La Coalition for Fair Software Licensing dit faire partie d’un mouvement international ayant démarré en France, sous l’impulsion du CISPE et du Cigref. Le CISPE est un soutien affiché de la coalition américaine.

« Le CISPE, qui est principalement financé par Amazon, est engagé dans une campagne mondiale visant à exiger que Microsoft mette ses logiciels à la disposition d’autres hyperscalers aux conditions que ces derniers préfèrent ».
MicrosoftDéclarations effectuées à la CMA, le 9 novembre 2023

Selon Bloomberg et The Register, la Coalition for Fair Software Licensing et le CISPE sont principalement financés par Amazon. « Le CISPE, qui est principalement financé par Amazon, est engagé dans une campagne mondiale visant à exiger que Microsoft mette ses logiciels à la disposition d’autres hyperscalers aux conditions que ces derniers préfèrent », avance Microsoft dans sa réponse à la CMA. « Microsoft estime que ces hyperscalers disposent déjà des ressources et des capacités nécessaires, pour être compétitifs sur le marché des services en cloud et qu’ils n’ont pas besoin de l’intervention réglementaire supplémentaire de la CMA (ou d’autres autorités de la concurrence) ».

Les membres du CISPE insistent, eux, sur le fait que les surcoûts pratiqués par Microsoft pour accéder à ses licences de type BYOL « ne sont pas viables » et « détruit la marge bénéficiaire des fournisseurs cloud en Europe ». Ils prennent pour exemple deux tests concernant SQL Server et Azure Virtual Desktop. L’adoption de SQL Server sur site ou dans un autre cloud entraînerait un surcoût de 17 %, tandis que « le coût de la prise en charge de 32 utilisateurs [sur un DaaS Windows 10 ou 11] pour un membre de la CISPE est 2,5 fois plus élevé que ce que facture Microsoft » avec Azure Virtual Desktop.

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