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Jus Mundi plaide pour l’IA dans les métiers du droit
Le legaltech français a levé 20 millions d’euros pour grandir à l’international et acquérir de l’expertise sur l’IA générative. Grâce à ses outils de recherche juridique, sa base de données et son nouvel assistant IA, Jus Mundi veut faire rentrer l’intelligence artificielle dans les cabinets d’avocat.
La legaltech Jus Mundi a bouclé, en septembre, une série B de 20 millions d’euros menée par Acton Capital et True Global Ventures – complétée par C4 Ventures et FJ Labs, déjà actionnaires. L’intérêt du capital-risque à l’égard de la startup du juridique n’est pas vraiment une surprise. Les cadres de deux VC de référence, XAnge et Serena, donnaient en juin, lors de AI Days, des indications quant aux préférences des fonds d’investissement dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Moteur de recherche, réseau d’avocats et assistant génératif
Pour Alexis du Peloux, partner pour XAnge, les meilleurs candidats sont les startups capables de « résoudre un problème très précis », citant pour l’illustrer l’exemple des legaltechs qui permettent « de prémâcher le travail » des juristes « grâce à toutes les données existantes ».
XAnge a malgré tout privilégié des acteurs avec un positionnement horizontal (« un Dataiku de la GenAI ») plutôt que des solutions verticalisées. La verticalisation ne consiste pas à « s’attaquer à la techno ».
« Aujourd’hui les modèles sont globalement accessibles à tout le monde, et la donnée l’est plus ou moins. Les startups choisissent donc, non de se battre sur la technologie, mais sur le packaging […] Elles ne vont pas créer le plus grand modèle, mais utiliser ce qui existe sur étagère », constatait Sébastien Le Roy, partner chez Serena.
Le Français Jus Mundi, fondé par une équipe d’avocats et qui propose de la « recherche en droit international et arbitrage, renforcée par l’IA », répond à ce profil.
Jean-Rémi de Maistre, CEO et cofondateur, décrit sa legaltech comme « une société d’intelligence artificielle juridique internationale » qui collecte de la donnée, dont les jurisprudences, au niveau mondial.
« Nous avons créé la première base de données internationale », revendique son dirigeant. Cet actif lui permet de développer des applications spécifiques aux métiers du droit, dont un moteur de recherche, Jus Connect (un réseau de professionnels) et plus récemment Jus AI (un assistant génératif).
Priorité à l’international et à l’expertise en IA générative
Grâce aux 20 millions d’euros apportés par les investisseurs, la startup entend accentuer son développement à l’international. Elle compte des clients dans plus de 80 pays, principalement des avocats.
« Nous avons besoin de rentrer véritablement en profondeur dans notre développement commercial dans ces différentes régions ». À cette fin, Jus Mundi renforce ses bureaux hors de Paris (Londres, New York et Mexico) et en ouvre des nouveaux à Singapour et Dubaï. Le Français compte 80 collaborateurs, dont 70 à Paris. Il prévoit donc d’étoffer ses effectifs commerciaux à l’étranger.
La seconde priorité de Jus Mundi, c’est le développement de la R&D sur l’IA générative. La startup a fait ses débuts dans ce domaine avec Jus AI, son assistant de recherche et de productivité lancé commercialement le 16 septembre, à l’occasion du congrès annuel du barreau international des avocats, l’IBA (International Bar Association).
D’après les retours des clients (payants) de l’assistant en phase Beta, Jus AI générerait en moyenne un gain de productivité de 100 %. Jus Mundi affiche également une augmentation de la vitesse des recherches de 50 % et une réduction par trois de la création de drafts documentaires.
« Nous sommes conscients d’être encore au tout début de la vague générative », commente Jean-Rémi de Maistre qui fait état, en outre, « d’une très forte concurrence » outre-Atlantique. Raison pour laquelle la startup ambitionne de renforcer ses équipes techniques « en recrutant davantage d’ingénieurs en IA, ici à Paris. »
La promesse de gain de productivité pour les petits et moyens cabinets
Jus Mundi a besoin d’étoffer son expertise en IA et plus particulièrement en GenAI, mais pas seulement.
« Dans le juridique, la difficulté ce n’est pas seulement de créer le produit, mais aussi de le vendre. Les avocats sont “conservateurs”. De plus, la structure des cabinets fait que la prise de décision est complexe. Il est essentiel de créer beaucoup de confiance avec eux », analyse le cofondateur.
Toutes les structures juridiques ne sont par ailleurs pas prêtes à s’ouvrir à l’IA générative, observe-t-il. Mais Jean-Rémi de Maistre parle de « véritable engouement » de la part des petits et moyens cabinets.
« Ils voient dans la GenAI un moyen d’être plus compétitifs et de rattraper les gros », analyse-t-il. Les grands cabinets se montreraient en revanche « plus frileux » (sic). « Ils ont peur de perdre un avantage compétitif et de perdre leurs données ».
Si l’IA suscite plus d’intérêt des cabinets de moindre envergure, c’est donc d’abord du fait de leur besoin de gagner en productivité. Le cofondateur rappelle qu’au quotidien un avocat consacre un tiers de son temps à « processer de l’information juridique ». Les deux tiers restants consistent à « rédiger et analyser des documents juridiques, notamment des contrats, ce que la GenAI fait aujourd’hui presque parfaitement bien », avance-t-il.
IA pour augmenter les avocats sur la recherche et la plaidoirie
Pour générer des gains d’efficience, Jus Mundi applique l’IA à deux cas d’usage principaux que sont la recherche juridique et la construction de la plaidoirie.
Sur ce pan métier, la GenAI analyse, résume et génère des contre-arguments. Et cela y compris en temps réel grâce à l’association d’un système de transcript (NLP) et d’un assistant IA.
Afin de convaincre la profession, l’intelligence artificielle doit toutefois fournir des garanties solides, reconnaît Jean-Rémi de Maistre. Attention notamment aux hallucinations. Il importe ainsi que la recherche augmentée à l’IA affiche des résultats fiables et cite ses sources. « L’outil ne peut pas et ne doit pas être utilisé par un non professionnel », avertit le dirigeant de Jus Mundi.
Le cofondateur insiste aussi sur la sécurité et la confidentialité. « Nos clients chargent dans l’assistant des données confidentielles relatives à leurs clients à eux ». Pour répondre à cette problématique, Jus Mundi est en cours de certification ISO 27001.
La startup travaille en parallèle sur sa conformité à l’AI Act européen, en particulier en ce qui concerne la transparence (sur les modèles utilisés et les données exploitées pour l’entraînement, les biais, etc.).
L’accent, Jus Mundi le met néanmoins d’abord sur la donnée, sa base de connaissances. Cette donnée constitue d’ailleurs le principal atout concurrentiel sur le marché.
« Je dis souvent que Jus Mundi est une boîte de données et que le reste est un peu accessoire », répond Jean-Rémi de Maistre au MagIT sur ce point. Pour constituer sa base, la legaltech s’appuie sur trois sources en ce qui concerne la « donnée primaire » : l’open data, dont la jurisprudence (dans les pays où l’information est disponible en open data) ; des centres d’arbitrage avec lesquels sont noués des partenariats (dont le plus grand est à Paris) ; et des réseaux collaboratifs créés avec des avocats et les barreaux.
La donnée atout maître sur l’IA
« Notre premier partenaire de ce type est l’International Bar Association », rappelle le CEO. « Pour les pays où on ne dispose pas d’open data, nous travaillons avec des avocats qui ont déjà collecté de la donnée et vont la mettre à disposition sur Jus Mundi ».
La base actuelle ne couvre cependant pas tous les domaines du droit. Elle porte sur cinq spécialités, dont le droit commercial et l’arbitrage international. « Mais nous avons vocation à nous étendre dans d’autres domaines » anticipe Jean-Rémi de Maistre.
L’arbitrage sportif est ainsi en cours d’intégration. Le patron de l’entreprise tient aussi à préciser que les données primaires collectées sont mises à disposition en open access. Un argument qui a contribué à convaincre les institutionnels d’ouvrir leurs données à Jus Mundi.
D’autres données sont nécessaires à la recherche juridique et donc à la conception d’applications d’IA. Ces « sources secondaires » se composent d’ouvrages de droit et de revues. Depuis quelques mois, Jus Mundi produit d’ailleurs sa propre revue consacrée à l’arbitrage.
Mais la startup noue surtout des partenariats avec des éditeurs, parmi lesquels Oxford University Press, JURIS ou l'ICC et leur bibliothèque sur la résolution des contentieux. Des ouvrages de ces éditeurs sont sélectionnés et intégrés à la plateforme, pour être ensuite proposés sous forme d’une librairie commercialisée comme un « add-on ». Les revenus générés par la vente de l’extension sont partagés avec les éditeurs.
Pas d’utilisation des données clients pour l’apprentissage des modèles
Quid des données des utilisateurs de la solution ? La base de connaissances de la plateforme est exploitée pour l’entraînement des modèles. Pour fonctionner (faire de l’inférence), l’assistant exploite, au choix, cette base, ou bien la donnée de l’utilisateur avocat.
Mais le CEO de Jus Mundi insiste : ces informations « sont stockées dans une base de données annexe, sécurisée » et ces données sont automatiquement supprimées tous les 15 jours.
« On ne veut pas les conserver et elles ne sont jamais exploitées pour aucun entraînement », résume-t-il.
En ce qui concerne les données utilisables pour l’apprentissage, elles sont appliquées à des LLMs du marché. Initialement, Jus Mundi avait choisi de développer ses propres modèles. Il est depuis revenu sur cette stratégie. « Cela ne sert à rien de réinventer la roue à ce niveau-là », considère le PDG.
Selon les tâches, la startup consomme donc désormais différents types de modèles, dont BERT pour l’analyse de document. Même si pour obtenir des résultats de qualité, le modèle a été « énormément fine-tuné avec notre donnée ».
Sur la rédaction de la réponse, c’est GPT-4o d’OpenAI qui est mobilisé. Les modèles sont consommés depuis une infrastructure IT hébergée sur Microsoft Azure, qui a remplacé OVHcloud suite à la signature d’un partenariat avec l’éditeur.
La présence d’Eric Boustouller, ex-président de Microsoft France et actuel partner de C4 Ventures, actionnaire de Jus Mundi, n’est peut-être pas étrangère à ce rapprochement avec l’hyperscaler américain. Le recours à Azure pose alors la question de l’exposition des données au Patriot Act, en partie traitée par la purge automatique des données utilisateurs tous les 15 jours et que Jus Mundi avait déjà abordée avec LeMagIT dans cet autre article.
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